Chronique 118

Pour mieux vous situez dans le temps, nous voulions compiler les chroniques jusqu’ici écrite depuis nos tout débuts. Ces textes donnent les pistes d’intrigues qui ont été mises sur le jeu pour notre saison 2018.

L’avant saison 2018

Chronique I: La défense de Rudvhin

Laverne était tombée aux mains cyriannes au début du mois de septembre 117. Déployant une force de frappe plus qu’impressionnante et usant d’une stratégie impitoyable, la ville drasilienne n’avait pu offrir que peu de résistance avant de plier l’échine devant les armées alfariques bien décidées à conquérir la cité.

Rudvhin, en tant que deuxième plus grande cité de Drasilhelm, serait certainement la prochaine sur la liste. L’état de guerre étant déclaré, les nobles drasiliens prirent les moyens de s’organiser afin de solidifier les défenses de leur royaume. Le Conclave des Joyaux organisé par Ulrich de Citrine fut la première rencontre des représentants des plus importantes familles, des associations drasiliennes et de leurs alliés.

C’est au début du mois de décembre que les forces Cyriannes débutèrent leurs mouvements offensifs vers Rudvhin. Une partie des forces restèrent à Laverne pour en assurer les défenses en cas de contre-attaque. C’est par la terre et par la mer que se déplaça l’essentiel des armées. Les températures froides et la neige ralentirent évidemment les troupes, mais ce n’était pas suffisant pour éteindre la flamme guerrière qui brûlait dans le coeur du Cyr Lombarde. Refusant de laisser l’hiver tout entier de répit aux drasiliens, il avait décidé de mener ses troupes malgré le froid et la neige.

Le 27 décembre au matin, les troupes d’infanteries purent voir la silhouette de Rudvhin au loin. Cette grande ville portuaire avait de meilleures défenses que Laverne, mais elle serait attaquée sur deux fronts. En effet, la flotte du Cyr était en route via la mer de sang. Le général donna ses ordres, les camps militaires seraient montés en bordure de Rudvhin et l’offense pourrait débuter le lendemain matin.

Alors que les soldats se déployaient dans les campagnes environnantes pour y monter leurs tentes et installer les bivouacs, des cris et des détonations se firent entendre un peu partout.

Soudainement, les bruits assourdissants se firent de plus en plus fréquents. Paniqués par les déflagrations arcanique et cherchant couvert, les soldats se disperçaient dans les champs alentours. Lorsque la poussières s’estompa, un paysage de mort teintait l’horizon devant les yeux de l’arrière garde.

Ils ne découvrirent que trop tard l’horrible origine de cette dévastation. Un peu partout dans les champs et sur la route menant aux portes de Rudvin, cachés sous la couche de neige qui recouvrait le sol, se trouvait des pièges marqués de cercles de runes complexes. Au centre de ceux-ci, une pierre précieuse explosant lorsqu’une présence se faisait sentir à proximité avait été déposée.

Soixante-treize soldats forsvarites moururent avant même que les combats ne commencent. Tout cela, sans compté la trentaine d’estropiés devant être évacués. Le moral des troupes s’en trouva fortement affecté alors que les soldats indemnes craignaient de connaître le même sort au moindre faux pas.

Il fallut ainsi retarder encore le début de l’offensive de plusieurs jours afin de trouver un stratagème pour contourner ou détecter, à grand risque, les emplacements de ces traîtres pièges.

Le 2 janvier, alors que l’assaut s’organisait bel et bien, les armées du Cyr rapprochèrent les armes de sièges afin de débuter la destruction des murs. Ce fut une nouvelle surprise qui ébranla encore le moral des assiégeants alors qu’un lourd trébuchet fut complètement neutralisé en tombant dans une fosse creusée au sol. Judicieusement recouvert de planches et de terres, le piège ne pouvait être déclenché par le simple poids des soldats, mais le poid de l’engin enclencha l’effondrement d’une portion de la route. Le trébuchet embourbé et inutilisable dans la fosse bloquait le passage pour le reste du convoi.

Ne pouvant se permettre de perdre ses précieuses armes de siège, le général décida de ne pas s’y risquer davantage et d’aller de l’avant avec l’offensive sans ceux-ci. Seuls les béliers et les engins plus mobiles et légers pourraient ainsi servir.

C’est donc le 3 janvier aux premières lueurs du soleil que les premiers coups de bélier furent donnés dans la porte nord de Rudvhin. Plusieurs centaines d’alfar et d’humains unis sous la bannière du Cyr tombèrent sous les tirs des arbalètes Drasiliennes dans les premiers jours de combat.

Au matin du 12 janvier c’est par la mer de Sang que la flotte Cyrianne arrivait. Bien ancré dans la baie entourant les quaies de Rudvhin, la flotte avait déjà empêché les navires de circuler en direction de la ville. Les 20 navires sur lesquels étaient installées les catapultes se mirent à faire feu au même moment.

À l’intérieur de Rudvhin, un chaos généralisé prit place. Plusieurs demeures s’effondraient sous les impacts violents des projectiles de pierres. Ensevelissant plusieurs centaines de personnes, les ruines des bas quartiers enveloppaient de poussières, de fumée et d’une odeur de mort le reste de la cité.

Dans la nuit du 14 janvier, les équipages de la flotte alfarique sonnèrent l’alerte devant près d’une dizaine de petites embarcations avec à son bord que quelques individus, D’allure inoffensive par leur taille, la surprise fut totale lorsqu’un trait d’un arpon se fixa sur la coque du navire le plus près. La tension d’une corde se raidissant annonça le stratagème drasilien. 
Toutes ces barques n’était que des brûlots visant à couler un maximum de navire. Une sorte de treuil s’activait une fois le arpon planté, tirant le navire vers sa cible et une explosion certaine.

Les déflagrations illuminèrent le port de la ville tandis que tout les équipages manoeuvraient pour neutraliser les brulôts.

Au matin, les ravages sur la flotte n’avaient engloutis que trois navires, mais avaient donné un regain de moral aux troupes drasiliennes.

Bien qu’au départ en surnombre, les Cyrians s’étaient vu fortement handicapés par les défenses mises en place au nord de la ville. De son côté, la flotte n’était pas aussi efficace dû aux dangers des trébuchets ennemis. Deux autres navires furent coulés par des tirs précis provenant des dokkalfars.

La première brèche dans la porte n’apparut que le 22 janvier. Ayant été lourdement renforcées pour tenir le siège, les Cyrians avaient dû user de leur meilleure stratégie pour venir à bout des immenses portes d’acier et de bois de Rudvhin.

Après 3 semaines à nourrir une haine envers leurs ennemis, les soldats des deux camps laissèrent l’honneur de côté pour user des coups les plus traîtres. Les rues de Rudvhin laissèrent place à un tourbillons de flèches et de lames.

Au bout de 3 jours de carnage et de sang, les drasiliens réussirent à repousser les ennemis suffisamment loin dans ses retranchements pour que les généraux Cyrians sonnent la retraite. La joie des habitants de Rudvhin ne fut que de courtes durée, car en guise de cadeau de départ, les Cyrians lancèrent des tonneaux d’huile et des projectiles enflammés dans la ville. Plusieurs quartiers furent la proie des flammes et ce sont des centaines de dokkalfars qui se retrouvèrent sans demeure à la fin de cette funeste journée.

Rudvhin n’était plus ce qu’elle était, mais elle tenait toujours.

Chronique II: L’Hiver Mévosien

Depuis plus de trois ans déjà, le territoire Mévosien est de nouveau accessible aux nations d’Élode. Ancien siège du plus grand empire de l’histoire du continent, les détails entourant la chute de Mévose restent encore aujourd’hui un mystère pour les historiens et érudits. Sans le support et l’aide de l’Ordre d’Élode, faction mystique indépendante des nations du continent, l’ancien empire resterait encore aujourd’hui une région inaccessible. C’est en partie grâce à cet ordre que l’avant-poste de Rivesonge fut construit en l’an 115 de notre ère. Au cœur de l’ancien duché de Valterne, Rivesonge est le point de convergence des regroupements provenant des quatre coins du continent depuis les dernières années. Le contrôle des ressources y transitant en plus de la gérance du territoire a suscité bon nombre de confrontations armées entre les différentes factions habitants la région. Cette année, lorsque l’hiver mévosien enveloppa de son manteau blanc les vallons et forêts, un silence de mort s’immisça dans chaque habitation comme si l’hiver était devenu le pâle reflet de ce qu’il a déjà été.

En Mévose, tout comme dans toutes les régions isolées du continent, la Brume règne maîtresse. Sans Brumelance pleinement active à l’ouest du territoire, cette réalité prend un tout autre sens lorsque l’hiver s’installe. Pour les différents regroupements présents, cela implique de consolider leur assise sur les modestes lopins entourant Rivesonge, tout en résistant patiemment aux vents et autres caprices de la saison froide. C’est pendant ces moments de silence et d’isolement que les hommes et femmes du territoire sont exposés à leurs plus grandes craintes, leurs propres songes…

En frontière du territoire avec l’ancienne Mévose, les mystiques du fort Élode font face à l’un de leurs plus grands défis depuis l’édification de la forteresse de l’Ordre. Avec la venue du conflit entre Drasiliens et Cyrians, les troupes de l’Ordre ont perdu plusieurs sources de financement pendant l’automne en refusant d’appuyer l’avancée Forsvarite. Privé des ressources nécessaires à la pleine réalisation de leur devoir. La surveillance et les patrouilles tout autour de Valterne ont dû être abandonnées. De plus, à la fin février, la situation s’envenima davantage lorsque l’unité dirigée par le commandant Leif de Velsk envoyer dans les montagnes au nord fut portée disparue. Malgré les battues, aucune trace des membres de l’expédition disparue.

Le fort Élode est maintenant le seul rempart où la Brume ne peut s’installer. Laissant libre cours aux vents de brumes de sévir sans résistances.

Les grandes étendues entre Rivesonge et le fort Élode sont dorénavant bien plus hostiles à quiconque tente d’y voyager.

C’est ainsi qu’en date du début avril, l’Ordre d’Élode se retrouve isolé aux frontières de Mévose en pleine crise au sein de son commandement. La gestion des répercussions de la guerre et le manque de ravitaillement amena même certains membres de l’ordre à déserter, ajoutant à la crise et au manque d’effectif.

Avec cela, l’hiver avait maintenant balayé l’un des protecteurs de Rivesonge hors du territoire, ces habitants devant maintenant faire face seuls aux vents de brumes.

Brumelance 1er événement

Chronique I: La moisson

Octobre 117

Malgré les jours sombres dans lesquels notre peuple était plongé, nous attendions avec appréhension les festivités de la Moisson. Il va sans dire que les festins étaient moins copieux que la dernière année, puisque nous redoutions tous un siège imminent. Nous venions de perdre Laverne. Ce n’était qu’une question de temps pour que la rumeur des armées du Cyr ne soit aux portes de la cité-Mère ou de Rudvhin. Nous pouvions tous voir dans les yeux de nos voisins et alliés l’anxiété que causait la situation. La tension était palpable.

Le conseil princier et le Libérateur avait parlé sans détour : la Moisson serait célébrée cette année sans exception. Les réfugiés de Laverne avait bénéficier de réapprovisionnement et la tradition devait resté intouché. C’est ainsi que nous pouvions rester solidaire et droit. Les célébrations débutèrent comme prévue le 22 Octobre au soir et ce poursuivirent 5 jours durant. 
Le dernier jour marquait la fin de la Moisson 117 et le début de la vie politique de plusieurs drasiliens. En effet, c’est en cette journée sacrée pour le peuple drasilien que les héritiers des Maisons allaient être nommés, les candidats à la Haute Cour allait être présentés et les nouvelles assermentations annoncées. Pour ma part, c’était ma quarante-septième Moisson.

Huitième enfant du prince de la Haute Maison du Lazuli, j’étais entré à la cour à ma douzième année de vie dokkalfar. Comme tous mes semblables, la Moisson avait une place importante dans ma vie politique et j’avais peine à contenir la hâte que j’éprouvais. Vêtues de nos plus somptueux habits, les hautes instances de Drasilhelm se rejoignaient dans le palais princier alors que le reste de Drasil et Rudvhin festoyaient avec leurs familles.

La cérémonie débuta avec un flamboyant spectacle d’acrobates et de danseurs. Les représentants des grandes Maisons étaient confortablement installées à leurs tables respectives. Au bout de la vaste salle, sur son trône taillé de diamant et de marbre, se tenait la Reine de Cornaline vêtue de sa splendide sobriété. 
Une fois la représentation terminée, les immenses rideaux de velours noir derrière le Trône s’ouvrirent et le Libérateur salua la Haute Cour. Son discours était bref mais vibrant. Il parlait de l’importance de rester soudés sous les paroles de Myhr, Akkar et de Hevn. Il remercia les représentants diplomatiques de Stahl, du Vigmark, de Varn et le nouvel ambassadeur de Langegarde, Tristan de Monpieux. Il ne fit aucune mention de l’ambassadeur cyrian, mais laissa pénétrer longuement son regard lourd de sens sur lui. Acquiesçant avec soumission tel le prisonnier politique qu’il était, ce dernier savait qu’il ne verrait pas le soleil de sa patrie de sitôt.

On sonna bientôt les tambours des futures présentations. Les aspirants à la Haute Cour allait être annoncés. Les convives s’étirèrent, contenant avec peine la curiosité qui les animaient de voir la nouvelle récolte florissante. Beaucoup de rumeurs circulaient depuis peu et certains mourraient d’envie de confirmer leur doutes et espérances. Le silence était complet lorsque Lancerte de l’Obsidienne se présenta, un humain se tenant droit, l’air stoïque à ses côtés. Nul ne se souvenait de la dernière fois qu’un humain drasilien avait été présenté par la famille à la pierre d’ébène. Konrad de l’Obsidienne fut présenté comme aspirant à la Haute Cour, mais aussi à la descendance religieuse du Libérateur lorsque les Tribus furent décidés lors de la soirée. C’était suffisant pour faire parler la cour des jours durant. Certains cachaient leur désaccord, d’autre le vantaient. Plusieurs étaient fort enclin à ce changement.

Ce qui était sûr, c’était que le visage blanc et crispé de Katharina de l’Obsidienne ne laissait personne indifférent. Lancerte posa calmement sa main sur l’épaule de la Gemme de Givre et lui chuchota quelque chose que seule elle pouvait entendre. C’est à ce moment qu’une nouvelle assermentation eu lieu. Une silhouette de dokklafar fit son entrée dans la grande salle. Sa chevelure d’un blanc argenté se fondait avec sa somptueuse robe d’un blanc vaporeux. Accompagnée de ses deux dames de compagnies vêtues de noir, Sybille du Béryl et Lylianna du Silice, Clarissa du Quartz, nouvellement sacrée de l’Obsidienne, fit son entrée à la Haute Cour pour la première fois depuis la disparition de sa famille. Un sourire narquois sur les lèvres, tout son être dégageait puissance et fierté. On pu voir plusieurs familles se lever à son arrivée dont la maison de l’Améthyste, du Béryl, de l’Opale, de l’Ambre, du Grenat Noir, de Citrine, de Sardoine et plusieurs autres. Dame Clarissa s’inclina bien bas devant la Reine de Cornaline et devant le conseil Princier. Contre toute attente, Katharina de l’Obsidienne se leva de son siège. Le silence était complet. Elle s’avança vers Clarissa. D’un geste lent et dépourvue de tendresse, la princesse retira une plume noire qui ornait le collet de sa robe et la placa délicatement derrière l’oreille de Clarissa. Certains murmurèrent qu’il s’agissait d’une marque de respect et du symbole que Clarissa volait maintenant de ses propres ailes alors que d’autre disaient déjà qu’il s’agissait d’un cadeau empoisonné ou maudit…

Le reste des présentations continuèrent sans attendre. Fritz du Jaspe prit le moment d’annoncer à tous son engagement envers Dame Brianna du Lazuli. La famille de Béryl fut enfin acceptée à la Haute Cour alors que Illiphar du Béryl fut présenté à Sybil de Cornaline par Lancerte de l’Obsidienne. On pu apercevoir Ulrick de Citrine, toujours célibataire, avec de magnifiques créatures dont Malorie de l’Obsidienne. Vivianne de l’Améthyste annonça son mariage à Stanislas de l’Opale.

Les Tributs, héritage du Libérateur, se retirèrent bientôt en coulisses avec celui-ci alors que les lumières se tamisaient. Toutes annonces jusqu’ici n’avaient été qu’un simple amuse-gueule. Tous savaient que les vraies festivités débutaient. Les convives allaient enfin délaisser leurs masques pour en poser un nouveau.

Derrière mon plus beau déguisement, je croisa le regard insistant d’une magnifique dokkalfar. Je la suivit le long des corridors houleux du palais alors que le reste de la grande salle se remplissait d’une musique envoûtante.

Chronique II: L’Héritage des Sang-Purs

Les temps furent difficiles pour les familles dirigeantes du Vigmark. De tradition, un héritier doit être nommé parmi les Sang-Pur de la famille héritière afin d’appuyer en tout domaines le Patriarche ou la Matriarche actuelle. La nomination d’un héritier est un événement majeur pour une famille, les rares Sang-Purs étant précieusement protégés par les familles héritières. La perte de l’un d’eux est une tragédie pour les familles héritières Vigmars. Hors, le décès du fils de Freawyn Alfertz à l’automne 117, Balthus, plongea le Vigmark dans un deuil étendu. Chaque familles apprenant sa perte fit offrande à l’autel famillial afin de célébrer son cycle funèbre et offrir ses respects à l’héritier défunt, prince parmi les siens. L’Hiver quant à lui apporta son lot de perplexité dans la famille héritière d’Eorl, à Caelenbrin. Une inconnue s’étant présentée aux portes de la cité est gardée avec fortes mesures dans les quartiers privés du Patriarche de la famille, Theolin lui-même.

La matriarche Freawyn de la famille Alfertz et le Vigmark est en grand deuil. Tué par l’orc Xander Locke de Stahl lors de la guerre de Belfort au derniers jours de Septembre, Balthus, l’héritié et fils de Freawyn, n’est plus. La famille réclama d’abord vengeance, mais le temps n’est plus aux armes, pas encore… Malgré l’immense peine de la famille, Freawyn s’assura qu’après l’équinoxe d’automne, le rite funèbre soit organisé promptement. Comme de tradition dans les grandes familles héritières, toute la famille Alfertz se rassembla. Fêtes, chants et danses eurent lieux pour célébrer le cycle funèbre de Balthus et ils invoquèrent l’Ingénue par leurs nombreuses offrandes afin qu’elle veille sur sa renaissance. Le rîte funéraire durant plusieurs jours, puis l’ambiance se fit plus solennelle pour la présentation des héritières candidates.

Vitaïe et Lelsina, cousines de Balthus, sont actuellement les deux seules sang-pur de la famille Alfertz en âge d’être héritières. Vitaïe prône une approche plus diplomatique et une approche ouverte en ce qui concerne le commerce et les échanges avec les autres clans et familles, et aimerait changer quelques vieilles lois qu’elle trouve désuètes, tandis que Lelsina dite la Douce est plus traditionnelle, elle a une vision plus rigide des échanges diplomatiques mais a la réputation d’être une femme solidaire et généreuse envers son peuple. Loin d’avoir une relation d’animosité malgré leurs caractères et agenda politique très différents, celles-ci décidèrent de reposer leur nomination au titre d’héritière sur un défi. La famille ayant récemment perdu un artefact important pour sa lignée, l’épée de Balthus étant disparue lors de son décès, elles devraient remplacé ce symbole de ferveur égaré. Ces artefacts du Cycle et familliaux étant très rares, et d’une grande valeur autant religieuse que sentimentale, la première de celle-ci qui se procurerait une authentique relique de la famille héritière Alfertz, ou encore mieux, retrouverait l’épée perdue, obtiendra le titre d’héritière et secondera dans la gestion de la famille héritière la matriarche Freawyn.

Malgré le caractère inusité de ce défi, la famille héritière s’accorde pour dire que celui-ci est valide. Ce défi apportera beaucoup de prestige au clan s’il peut être accompli. Il va sans dire que le mot se passa rapidement chez les familles affiliées du clan; contribuer à la découverte de cet artefact serait promesse d’une belle réputation, et peut-être de récompenses conséquentes.

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À Caelenbrin, Theolin d’Eorl fit grand mystère de son invitée pendant des mois. Sous le regard bienveillant de la patronne du renouveau, l’Ingénue, il convoqua enfin aux premiers jours du printemps une immense cérémonie incluant toute la famille héritière ainsi que ses familles alliées.Theolin présenta alors devant tous la mystérieuse Astrid, sur qui les murmures et rumeurs allaient bon train. Celle-ci était connue comme étant la matriarche d’un petit domaine de la Marche Exilée se faisant appelé la Maison Rouge, comme rare hiérophante oeuvrant dans cette région, mais aussi comme mère d’une famille ayant été victime d’une puissante malédiction. Ses études et recherches assidues dans les sanctuaires du Vigmark et sa participation auprès de la communauté faisait que son visage n’était pas complètement inconnu en la région, mais elle restait une étrangère à la famille héritière.

Requérant le silence, Theolin calma la foule. Il laissa place devant tous à Astrid, petite dame toute vêtue de gris dans sa tenue de fille de l’hiver, tenue de célébrante qu’elle arborait toujours lors de ses fonctions religieuses. Aux côtés d’Astrid se tenait fièrement son neveu Victor et le bras droit et élève de la hiérophante, Sorin. Ceux-ci présentait la bannière d’Astrid, l’arbre noir orné d’un corbeau sur fond rouge. Nulle nervosité ne semblait occuper Astrid, malgré l’énorme foule qui te tenait devant elle. Au lieu de prendre la parole, elle surprit tout le monde en tournant le dos à la foule. Astrid releva cérémonieusement ses cheveux rouges afin de dévoiler sa nuque, et présentant à tous la marque de l’hiver, symbole de Sang-Pur, causant l’émoi parmi l’assistance. Elle se tourna alors vers son audience et d’un geste apaisant de la main requit le silence.

“Famille héritière d’Eorl, familles amies et invités. Je me présente à vous comme Astrid d’Eorl, fille légitime de Theolin d’Eorl. Le cycle a veillé sur moi depuis ma première journée par le biais de nos bien-aimé prêtres en Marche Exilée, qui m’ont recueillie et cachée d’intentions belliqueuse alors que je n’étais qu’un nouveau-né. Mes bienfaiteurs m’ont éduquée comme Vigmar, comme fille des Saisons, comme héritière de Caelenbrin.”

Un murmure agité traversa alors les familles. Lievrow, frère de Theolin et actuel héritier, éclata d’un rire moqueur caverneux. Celui-ci prônant une politique sévère et réservant le savoir mystique et runiste au plus méritants, Lievrow a la réputation d’être intraitable, exigeant mais juste envers les siens. Désirant fermer Caelenbrin complètement aux étrangers, l’héritier actuel ne faisait pas le contentement de tous, mais peu d’élus osaient s’opposer à lui. C’est donc un silence médusé qui suivit les murmures, la foule indécise quant à l’attitude à adopter. Astrid fit signe à ses compagnons de garder le silence et poursuivit en adressant un sourire confiant à la foule.

“Oui. C’est le titre de mon oncle que je met ici en jeu, avec la bénédiction de mon père. Bien que clamant mon droit à ce titre par mon sang, je ferai mes preuves devant vous durant l’année à venir par ma dévotion au Cycle et à notre lignée. Je prouverai mon appartenance et celle des miens à notre grande famille. Devant la sagesse de l’hermite, aux premiers jours suivant le solstice d’hiver, je vous demanderai gens d’Eorl, ma famille, de choisir qui sera votre héritier.”

Chronique III: La chute de Rudvin

4 Avril 118 après l’Année Sombre.

La pénombre s’estompait peu à peu sur les ruines fumantes de la cité de Rudvhin. Autrefois glorieuse et majestueuse, la cité portuaire avait subi la colère d’une armée cyrianne contrit par les longs mois d’hiver. Devant leurs inhabilités à briser le siège face à la férocité des défenseurs Dokkalfars, ainsi que les multiples pièges défensifs construit à la suite du Conclave des Joyaux, les généraux Alfars avaient prit la décision de laisser aux flammes la basse citée, et de contraindre les défenseurs de Rudvhin à se refermer sur le fortin intérieur de leur cité. Posé sur le haut d’une colline face à la grande Mer de Sang, le fortin intérieur de la grande cité de l’Obsidienne était aussi bien protégé que ses remparts extérieurs et avait été renforcé à multiple reprise depuis le début des hostilités. Ce dernier bastion se dressait fièrement, immuable dans l’horizon enfumé, résistant aux assauts multiples que les forces cyriannes avaient fait contre lui durant les 2 derniers mois. La quantité de défense qui avait été ajoutée à la cité suite au Conclave des Joyaux avaient brutalement ralenti l’avancée de la machine de guerre Alfar, et le siège commençait certainement à refroidir les ardeurs guerrières qui supportaient le moral des troupes durant la fin de l’hiver. Les multiples forces venant des autres grandes familles de Drasilhelm avaient permis à la majorité de la population d’évacuer la cité vers Drasil avec les systèmes de tunnel souterrain et d’égout, amenant avec eux la majorité des vivres et ressources restant dans la basse ville, ne laissant rien pour les envahisseur cyrians.

Depuis leur défaite lors de leur première tentative d’attaque sur la grande cité, les calamités semblaient s’acharner sur les forces Alfarique. La perte d’un des grands Fendeur de Brume représentait une plaie ouverte, brûlante et infectée, dans l’honneur et la fierté des commandants Cyrians. De plus, une brèche avait été fait dans le blocus maritime de la Mer de Sang et les rumeurs disaient que pour la première fois depuis la 2ème grande Conquête Alfarique, les démons d’Al’sharaz se préparait à traverser les eaux, pour porter aide à leurs cousins Drasilliens. Pour les défenseurs de Rudvhin, la possibilité de recevoir des troupes de renforts venant de Drasilhelm pour briser le siège représentait leur principale source de motivation face la rudesse du siège hivernal. De l’autre côté, l’inhabilité des forces Cyriannes à prendre Rudvhin, ainsi qu’une faille dans leur domination maritime commençait à pousser le Cyr Lombarde vers des méthodes plus drastique, des choix militaires encore plus extrêmes qu’il ne croyait pas employer au départ de cette guerre. Avec le mécontentement grandissant des autres grandes familles de Cyriande, une victoire était requise pour le Cyr.

Lorsque le soleil approchait son zénith, les défenseurs de la cité drasillienne purent voir dans la mer, un grand navire, s’approcher de la côte et jeter l’ancre à proximité. Sous ordre immédiat du commandant Alexeï de l’Obsidienne, les forces de Rudvhin commencèrent à se mobiliser pour défendre la cité contre un autre attaque maritime. Suite aux lourdes pertes qu’ils avaient subi lors du premier assaut sur la cité, les alfars avaient priorisés des attaques par la terre pour garder leurs navires hors de danger inutile. C’était la première fois qu’un grand Fendeur était aussi près de Rudvhin, ceux-ci servaient normalement plus de rempart face à la Brume qui tourmentait les eaux de la Mer de Sang, et la présence d’un des navire-forteresses ne pouvait qu’être que mauvaise nouvelle pour les dokkalfars assiégés. Alors que ceux-ci se préparait à un potentiel assaut par la mer, ils purent voir plusieurs petits navires de transport couvert quitter le grand Fendeur et accoster près des retranchements alfars, sans jamais entrer dans la portée des défenseurs de la ville. Restant dans un état d’alerte pour le restant de la journée et de la nuit, les Drasilliens purent constater que l’imposant navire ne semblait pas vouloir se rapprocher plus près de la cité.

5 Avril 118 après l’Année Sombre,

Au soleil levant, alors que les défenseurs de la cité se préparaient à protéger encore et toujours leur dernier bastion, ils purent voir une étrange retraite en ordre des forces Alfarique postées dans la basse ville. Depuis que les Dokkalfars avaient abandonnés cette ruine fumante de leur domaine, cette section servait d’avant-poste principal aux Cyrians pour l’assaut du fortin intérieur. Il n’y avait plus aucun signe de vie dans les quartiers qui autrefois habitaient une grande partie de la population de Rudvhin, symbolisant la grande dévastation que la ville avait déjà subi. C’était la première fois que les défenseurs Drasilliens ne voyait aucune force amassée au pied de leurs murs depuis que le siège avait débuté, et cela créait un vide inquiétant qui semblait prévenir les défenseurs d’une calamité encore plus terrible que les horreurs du siège qu’ils subissaient depuis déjà plusieurs mois.

Lorsque la retraite fût complète, les défenseurs sur les remparts commencèrent à entendre au loin, une grande clameur, un chant guerrier acclamant la grandeur de Forsvar qui s’élevait des retranchements cyrians hors de la cité. Les défenseurs observaient de loin à travers les décombres de la cité, trois bataillons armurés, rutilant sous le soleil naissant, marchant en une formation serrée qui ne ressemblait pas à aucune formation militaire standard, avançant d’un pas constant et impitoyable en direction de la grande porte du bastion de Rudvhin. Face à cette scène étrange, un sentiment d’incrédulité commençait à naître chez les dokkalfars. Depuis plusieurs mois, ils avaient repoussé sans erreur toutes les attaques faites par les forces de Cyriande, même survécu aux assauts cruels de leurs machines de guerres. L’arrogance qu’ils semblaient montrer à ce moment était hors de l’ordinaire même pour les chiens de Cyriande, d’envoyer une si petite force après que le bastion ait arrêté des milliers de soldat semblait un acte de folie. Après un certain moment, lorsque cette force hors du commun fût plus près des remparts les défenseurs purent observer les bannières qui étaient levées au centre des trois bataillons de cette formation particulière à l’allure d’un grand symbole arcanique de protection. Un grand étendard bleu royale, frappé d’un soleil forsvarite brôdé de fil d’or et d’un lion argenté derrière un rempart runique. Symbole de la 3ème citadelle frontalière de Coranthe, un des bastions des Vigiles du Mysthral, première ligne de défense des Cités de Cyriande face aux immondices de la Brume et des invasions Al’Sharazienne, cette bannière n’avait jamais été vue sur un des champs de bataille d’Élode auparavant. De plus près, les défenseurs pouvaient voir les armures runiques bleutées qui bardaient tous les combattants sous la bannière, ainsi que la lueur constante qui se dégageait de leur formation.

Sans aucune hésitation les ordres d’Alexei de l’Obsidienne résonnèrent à l’intérieur de la forteresse et très rapidement les forces de Rudvhin furent mobilisées en grand nombre à la défense de la porte du fortin et du mur principal. Face aux ordres brusques et énervés de leurs capitaines, les défenseurs Rudvhinois se questionnaient intérieurement sur la raison de l’intensité soudaine du chef militaire du bastion, un si petit nombre d’attaquant ne pouvait pas réellement présenter une menace pour le bastion millénaire de l’Obsidienne. Avançant en trombe, le regroupement de Vigiles arriva à portée de tir des défenseurs dokkalfars. Au pied des murs du fortin et sans aucun obstacle entre eux et leurs ennemies, les défenseurs commencèrent à faire pleuvoir un torrent de carreaux d’arbalètes et autres projectiles en direction du bataillon Alfar. Sans jamais arrêter d’avancer, les guerriers entourant la formation, levèrent d’un seul mouvement leurs boucliers, et tel une coquille d’acier mystique imperméable aux assauts, les carreaux semblaient se fracturer sur le regroupement d’alfars sans jamais nuire à leurs mouvements. Pour chaque dizaine de mètre parcouru par les Vigiles, plus d’une centaine de projectiles heurtaient leur formation sans même que ceux si ne semblent être perturber par l’assaut constant.

Au terme de leur avancée constante, les 150 alfars aux airs de combattant mythique étaient finalement arrivés à la grande porte. Ils firent un rapide mouvement de formation modifiant la forme de leur dôme de protection runique, créant une sorte que coquille de protection appuyer sur la grande porte du bastion. Cette étrange sphère semblant vouloir protéger certains membres de leur groupe des assauts continue venant du haut des remparts. Au grand malheur des défenseurs, aucun de leurs moyens de défense ne semblaient pouvoir briser l’impénétrable défense des Vigiles. Pratiquement toute leurs armes de sièges avaient été épuisées aux cours des constants affrontement des derniers mois et malgré leurs constants efforts d’améliorer la défense du fortin, ils n’avaient plus les ressources requises pour créer de nouvelles munitions de défense. Lorsque la formation fût resserrée sur la porte, un long chant arcanique se fit entendre au centre du dôme runique. Une mélopée, entonnée par une multitude voix puissantes et déterminées, dominée par une voix féminine qui semblait guider le groupe, se fit entendre durant un court temps et fut suivie d’une détonation foudroyante, fendant à mille endroits la grande porte du bastion. La puissante frappe de destruction fit disparaître le principal rempart de défense qui restait, en un million d’éclats de bois et de métal qui déstabilisa violemment les forces des défenseurs assemblées derrière lui.

La fulgurante pluie de projectile qui déferla sur les défenseurs Rudvhinois fit une vague de dévastation dans leurs rangs. En un instant les soldats dokkalfars avaient subi pratiquement autant de perte de troupe que depuis le premier assaut de Cyriande sur leur cité. Une peur fondamentale prit le cœur des dokkalfars qui subirent la puissance implacable du sort de destruction. Même aux yeux de plusieurs soldats Rudvhinois doté de talents et de connaissances arcaniques, le spectacle de terreur et de calamité qu’ils venaient de subir était une magie digne des anciennes légendes d’autrefois. Après quelques moments qui semblèrent une éternité, alors que les capitaines dokkalfars réorganisait leurs troupes pour maintenir la défense de la cour intérieure, les bataillons coranthiens commencèrent à avancer dans le dernier bastion de l’Obsidienne. Sans peur, marchant dans une force militaire avec plus de 10 fois leurs nombres, les Vigiles du Mysthral, bardés de leurs armures de Ferargent et de Brumeacier fendaient sans pitié toute âme qui osait se dresser devant eux.

Sur les remparts de la cour intérieure un grand dokkalfars, lourdement armuré et portant sur lui l’étendard de l’Obsidienne prit la parole pour rétablir le moral de ses troupes : 
<< Redresser vous enfant de Vinëren et combattez pour abattre ceux qui commirent le péché ultime. Protéger vos familles et votre souveraine pour que les chiens d’Hérion regrette le jour où ils ont mis le pied à Rudvhin ! >>
Face au courage de leur commandeur, Alexeï de l’Obsidienne, les forces de Rudvhin reprirent rapidement de l’ordre et de la ferveur guerrière et commencèrent leur assaut sur les alfars qui avaient piétiné la gloire de leur cité. Cependant, malgré la ferveur et la volonté des défenseurs, la fureur guerrière à laquelle ils faisaient face semblait déterminé à les exterminés. Les Vigiles se déplaçaient sur le champ de bataille comme si c’était leur demeure. Marchant à travers les cadavres, couverts du sang de leurs ennemis, tuant sans hésitation hommes, femmes, guerriers ou non, tout cela semblait être un mode de vie pour ces guerriers d’un autre monde. Forgés dans les flammes du conflit millénaire du Mysthral, portant sur eux l’expérience de centaines de bataille contre les invasions d’Al’sharaz et les monstruosités de la Brume, ces guerrier-mystiques avaient évolué en machine à tuer telle qu’ils n’en avaient pratiquement jamais vue sur ce continent. Après près d’une heure de carnage, les défendeurs Rudvhinois avaient pratiquement perdu l’entièreté de leur force qui protégeait l’entrée du cœur du bastion. Une dernière force rassembler autour de Alexei et Othello de l’Obsidienne, héritier de Katharina de l’Obsidienne, défendait avec leur vie la dernière barrière entre la fureur d’Hérion et la Gemme de Givre.
Dans un dernier souffle de gloire guerrière Alexeï de l’Obsidienne fit face seul aux combattants alfars déterminés a piétiné sa dépouille, ordonnant à l’héritier de se replier avec les troupes restantes pour assurer que la Princesse ait le temps de fuir le bastion avant qu’il tombe. Prouvant la maîtrise martiale qu’il possédait Alexeï tua le premier membre des Vigiles qui se dressait devant lui, frappant dans une rare faille de l’armure mythique qu’il portait, fait d’arme que peu de dokkalfars avait réussi à faire en ce jour. Déterminé à en amener le plus possible avec lui dans la tombe, il engagea le combat avec un autre aussitôt. La perte d’un des leurs enflamma la rage de vaincre des Vigiles. Il fût projeté au sol par une force arcanique et une grande femme Alfar armurée différemment des autres Vigiles autour d’elle se dirigea vers lui d’un pas décidé, portant en main un grand catalyste façonné dans une longue branche de bois de Vindavel.
<< Pour le crime d’avoir osé abattre un des enfants bénis d’Hérion, moi Mariella Lombarde te condamne à subir la fracturation de ton essence pour que jamais la mémoire d’Alexeï de l’Obsidienne ne puisse retourner aux siens. >>
D’un seul mouvement sans même qu’un autre mot ait été prononcé par la Princesse Alfar, le grand catalyste se posa sur le torse du commandant abattu. Un hurlement d’agonie sorti du corps tordu du puissant dokkalfar, l’entièreté de son être se décomposant en une fine poussière, détruisant son essence et son esprit. Tel fût la fin tragique du stratège de Rudvhin qui avait retenu la machine de guerre Alfar durant plusieurs mois.

6 Avril 118 après l’Année Sombre

Les escarmouches continuèrent durant toute la nuit à l’intérieur du bastion. Plusieurs fortifications de fortunes avaient été fait à l’intérieur du château pour ralentir autant que possible l’avancée des forces de Cyriande. L’entièreté de la cour intérieure était maintenant occupée par les soldats Cyrians qui pillaient à cœur joie les trésors de l’Obsidienne. Pour les Vigiles, leur assaut continuait à l’intérieur du château ancestral, écrasant une à une les poches de résistance des derniers soldats de l’Obsidienne. Lorsqu’ils furent finalement rendus à la cour de Katharina de l’Obsidienne, un dernier retranchement de soldat d’élite se tenait devant une grande porte bardée de plusieurs enchantement runique différent. Dans l’autre pièce un grand rituel était en cour, la rédemption possible pour les derniers membres de l’Obsidienne de pouvoir revenir venger l’affront qui leurs fût fait en ce jour, et pour les derniers guerriers condamnés à mourir, défendre cette porte représentait le dernier acte de courage qui leur était confié par la Gemme de Givre. À leur tête, Othello de l’Obsidienne se tenaient fièrement, prêt à gagner le plus de temps possible pour permettre l’accomplissement du rituel. La position que les derniers dokkalfars avaient choisi de défendre réduisait considérablement l’avantage de nombre que les Vigiles possédaient, et étant des guerriers beaucoup plus expérimenté ils réussirent à tenir leur position pendant plusieurs heures. Ultimement, le destin s’acharnait sur les dokkalfars vaincu, un à un les membres de la garde d’élite de Katharina de l’Obsidienne périssaient sous les lances des Vigiles jusqu’à ce que ceux-ci soient pratiquement rendu à la porte de la cour princière de l’Obsidienne.

Alors que l’héritier de l’Obsidienne sentait la froide pointe d’une lance pénétrer son abdomen, un violent craquement fit trembler l’entièreté du château. Les grandes portes de la cour s’ouvrèrent soudainement et un vent terrible frappa les attaquants alfars. Au cœur du dernier retranchement de Rudvhin, la Gemme de Givre, Katharina de l’Obsidienne se tenait au centre d’une grande faille dans la réalité. Entouré d’un torrent de Brume, un petit regroupement de membre de la famille de l’Obsidienne se tenait le plus près possible de leur souveraine. Le nom d’Othello résonna à travers les sifflements assourdissant de la tempête de Brume présente dans la salle, et les Alfars purent voir le corps pratiquement sans vie de l’héritier de l’Obsidienne agrippé par la Brume pour être amener dans la faille. Lorsqu’il fût finalement au centre de la faille près des autres dokkalfars, la tempête de Brume se resserra rapidement autour de la Gemme de Givre et aussi soudainement qu’elle était apparu, la faille se referma emmenant avec elle les derniers survivant de la grande cité ancestrale de Rudvhin.

Chronique IV: Le conflit d’une autre ère

28 Avril 118 après l’Année Sombre

Quelques semaines après la chute de la cité de Rudvhin, un grand détachement de troupe de l’armée de Cyriande mené par le Prince Lutius Cyriel, 3ème né de la Maison Cyriel, prit la route vers Drasil dans le but de s’assurer que le chemin était dégagé de pièges et autres embuscades pour l’avancée de la grande machine de guerre alfarique. Après les longs mois de sièges hivernaux, les forces de Cyriande étaient ragaillardies par la victoire foudroyante que les défenseurs du Mysthral leurs avaient apportée. Le bataillon mené par le jeune prince Cyriel, marchant sur les grands chemins de pierre menant au berceau ancestral des Dokkalfars, la tête haute et fière, n’avait pas la moindre crainte de possible attaque provenant de Drasil. Comment est-ce que les Dokkalfars pourraient oser les attaquer après avoir subi une aussi violente défaite à Rudvhin; n’avaient-ils point conscience de la grandeur de l’armée marchant vers eux ?

C’est dans cette ambiance triomphante que les soldats cyrians avançaient depuis déjà six jours en direction de Drasil, avançant rapidement sans trop de précautions dans le but de pouvoir créer le principal poste de ravitaillement pour soutenir l’assaut futur de Drasil. Ayant incité ses troupes à bouger rapidement avec relativement peu de repos, Lutius Cyriel prit la décision de donner une nuit de repos à ses troupes et de construire un campement pour que ses soldats puissent être d’attaque pour les quelques jours de marche restant avant d’atteindre leur objectif. Il fit arrêter ses troupes avant la fin de l’après midi, dans une plaine à proximité d’une grande forêt pour avoir la possibilité de chasser le gibier qui pourrait s’y trouver permettant ainsi aux soldats d’améliorer leurs rations. Ayant donné ses ordres à ses capitaines, Lutius prit la décision de prendre un petit groupe plus spécialisé et des membres de sa garde rapprochée pour aller tenter lui même sa chance avec le gibier de la forêt.

Les forces de Cyriande, qui n’avait pas vu de réelle grande guerre depuis l’invasion mévosienne du territoire connu comme Langegarde aujourd’hui, recommençait à avoir l’air d’une grande armée d’expérience. Après presque un an de guerre contre Drasilhelm, la majorité des soldats avaient plusieurs grandes batailles derrière eux, la prise de Laverne ainsi que de Rudvhin, sans parler des multiples embuscades et autres combats. Cela commençait à créer une grande armée puissante digne des contes d’autrefois. Marchant à travers les troupes, le prince Cyriel était fier d’être à la tête des soldats qui lui avait été confiés et honoré d’avoir eu la tâche importante d’être la figure de proue pour la grande armée dirigée par sa soeur aîné. Entouré par les membres de sa garde, plusieurs soldats d’expérience de la maison Cyriel, qui tous offriraient leurs vie pour lui sans hésitation, Lutius Cyriel s’enfonça dans la forêt sans aucune crainte, avec l’espoir d’avoir l’honneur de ramener le plus gros gibier pour lui et ses compagnons. 
Au terme de près d’une heure à avancer dans la grande forêt majestueuse, les Alfars commencèrent lentement à réaliser à quel point l’environnement les entourant était immobile et silencieux. Ils n’avaient vu aucun gibier ni aucun oiseau depuis qu’ils avaient pénétré plus profondément dans la forêt, et un sentiment étrange de danger commençaient à pénétrer le cœur des soldats aguerris qui protégeait le jeune prince Cyriel. La nuit commençait lentement à tomber et l’inquiétant silence semblait s’étendre partout autour d’eux. D’un pas rapide, tout en tentant de porter attention à ce qui pourrait se tapir dans les bois, les alfars reprirent le chemin vers le grand campement. Après quelques minutes leurs avancée s’arrêta brusquement. Une multitude de figures sombres, couvertes de large quantité de tissu et d’armure de la tête au pied, s’était soudainement retrouvées partout autour d’eux. À travers la forêt silencieuse, sans qu’aucun soldat cyrian ne les aient aperçu, près d’une vingtaine d’étranges assaillants apparurent à proximité d’eux. D’un seul mouvement les gardes Cyriel dégainèrent leurs armes et formèrent un cercle autour du prince, prêt à le protéger avec leur vie, si requis. Alors que les figures sombres s’approchaient lentement du cercle cyrians, une lueur commença à éclairer le ciel pratiquement complètement assombri. Cette lueur aux teintes orangée fût perceptible par le petit groupe en même temps que survint le bruit de hurlement de douleur et de panique qui semblait sans aucun doute venir du campement qu’ils avaient établi quelques heures plus tôt.

En même temps que la symphonie de carnage débutait au loin, un rire profond s’éleva d’une des figures portant ce qui pouvait clairement être identifiée par la lumière reflétant sur le ciel comme étant un turban d’un bleu très foncé avec un joyaux en son centre. Parlant avec un accent prononcé, l’étranger venait clairement d’ailleurs. Il s’adressa au cercle de combattant cyrians :
<< Il semblerait que nos compagnons aient débuté sans nous… Pas très surprenant considérant que cela fait trois jours qu’ils sont obligés de tenir leurs bêtes en laisse, avec leurs proie si proche et sans défenses…>>
Sans attendre une seconde de plus, le petit regroupement Cyrians tenta de faire une percée dans l’encerclement qui les tenait en étau. Conservant le prince au centre de leurs formation, ils ne partirent pas directement vers leur campement. Il ciblèrent plutôt une partie de l’encerclement qui semblait comporter moins de guerrier. Dès qu’ils furent à proximité du premier assaillant, les alfars au devant de la formation eurent un instant d’hésitation. L’assaillant, portant un turban émeraude bardé de runes anciennes, émit une série de petits sons, qui furent suivit de plusieurs profonds grondements derrière lui. Dans leur moments d’hésitation, les guerriers alfars purent voir que derrière les trois figures aux airs de mystiques, se trouvaient plusieurs bêtes d’allure féline, dont l’apparence sortait directement d’un cauchemar de Brume. Ces créatures arrivaient presque à l’épaule des alfars leurs faisant face, même si elle n’étaient qu’à quatre pattes, munies de yeux jaunes perçant et une mâchoire de crocs faits pour la guerre, la vision de ces créatures de cauchemars fit mourir le peu d’espoir restant dans le cœur des cyrians pris au piège. Étant tous des chasseurs aguerris, ils avaient conscience que les prédateurs qui se trouvaient devant eux pourrait les mettre en pièces sans aucun problème, même malgré l’armure qu’ils portaient. Arrêtés dans leur élan pour s’échapper de l’encerclement, les autres figures enturbannés en avaient profitées pour refermer le cercle autour d’eux.
<< Vous partez si vite ? Pourtant vous sembliez si confortable il y a quelques heures …>>
Il n’y avait plus aucun doute dans l’esprit des guerriers alfars de ce qu’était les ennemis les entourant; des démons d’Al’Sharaz. La majorité d’entre eux avaient entendu les histoires et récits venant des soldats stationnés dans les citadelles frontalières du Mysthral, en aide à l’ordre des Vigiles. Des histoires de démons enturbannés empreints d’une cruauté et d’un désir pour le carnage comme il n’y en avait nulle part ailleurs, attaquant sans relâche les territoires coranthiens, tentant depuis toujours de reconquérir les territoires perdus durant la 2ème Grande Conquête Alfarique. Des monstres de guerre qui affrontaient l’élite d’Hérion, qui quelques semaines plus tôt avait fait tomber Rudvhin en un jour et une nuit, chaque année depuis plus d’un millénaire sur les plaines ensanglanté du continent d’Al’sharaz… Comment espéraient-ils s’opposer à cette furie guerrière d’un autre monde?

Alors que l’angoisse du trépas agrippait le cercle de cyrians, le jeune prince Lutius Cyriel s’avança fièrement devant la figure enturbannée de bleu qui leur avait adressé la parole deux fois déjà et plaida pour la survie de ses gardes :
<< Je suis Lutius Cyriel, troisième né des Cyriel de Berluse, nous nous avouons vaincu et je vous offre notre reddition en échange de la survie de mes compagnons.>>

Un petit moment de silence suivit la courageuse déclaration du prince et fut suivie d’un éclat de rire cruel de la part de l’al’sharazien qui lui faisait face. Ce dernier avait abaissé son voile lorsque le jeune Alfar s’était avancé vers lui, et on pouvait discerner une barbe sombre taillé en pointe ainsi que les tatouages de couleurs sombre sur son visage. Toujours avec l’air amusé de celui qui domine, il répondit au jeune prince :
<< Il semble que sur le continent, les chiens de Forsvar soient beaucoup moins farouches que d’habitude. Normalement, vous vous ravissez du bain de sang et vous êtes divertissant, mais là… C’est un peu décevant… Par chez nous, les petits couards comme toi… on les expose sur des pieux pour que les vautours les dévorent. >>

Sans un mot de plus l’al’sharazien fendit l’air avec sa lance qui alla se loger dans la gorge du garde juste à la droite du prince. Les autres membres du cercle tentèrent de se défendre comme ils le pouvaient, mais leur esprit avait déjà été mis en pièce par la peur d’une mort atroce qui planait sur eux et ils succombèrent rapidement à l’assaut sans pitié des dokkalfars du désert. Après quelques minutes de carnage seulement le prince et son dernier garde avait été laissés en vie, acculés contre le tronc d’un arbre centenaire. La figure ressemblant à un arcaniste bardé de vert émeraude, qui n’avait pas participer au massacre, s’avança lentement vers les deux malheureux. Sans arme sur lui, les bras cachés dans de larges manches bardé des mêmes runes que sur son turban. Avant même qu’il n’ait pu prononcer un mot, le dernier garde cyrian bondit vers lui dans l’espoir d’au moins amener un de ces monstres avec lui lorsqu’il rejoindrait Forsvar dans les Voûtes de Lumière. Un mystique ne portant pas d’arme était une cible facile pour un guerrier aguerris comme lui. Lorsqu’il fut rendu à proximité de l’al’sharazien, il leva sa lame au-dessus de sa tête pour fendre en deux la monstruosité et s’élança dans un dernier acte de courage, en l’honneur de sa patrie. Dans le même mouvement, une des grandes manches de l’al’sharazien s’ouvrit, laissant passer une main griffue cauchemardesque qui fractura la lame du guerrier cyrian d’un seul mouvement et se posa tranquillement sur son casque. La dernière chose que le pauvre alfar vit avant de périr, fut le regard de satisfaction d’un prédateur qui avait finalement une proie entre ses griffes. De son point de vue, le jeune prince regarda avec horreur son compagnon, alors que son casque et son crâne furent broyé sous les griffes monstrueuses de l’al’sharazien…

6 Mai 118 après l’Année Sombre

Une cavalière cyrianne venant de Rudvhin chevauchait sans répit depuis plusieurs heures déjà. Les messagers, qui étaient supposés tenir la générale Marianna Cyriel au courant des développements de l’avancée cyrianne vers Drasil, n’avaient pas été vus depuis quelques jours déjà et en crainte qu’ils aient été attaqués par des dokkalfars, une éclaireuse avait été dépêchée pour obtenir de l’information. Le soleil était déjà haut dans le ciel quand finalement elle arriva face à une plaine d’horreur. Encore sur le dos de son cheval, elle avança vers ce qui était, quelques jours auparavant, l’emplacement du campement que les forces de Cyriande avaient choisi pour se ravitailler. Des milliers de corbeaux et autres charognards pillaient ce qui restait des cadavres de cyrians qui avaient déjà l’air d’avoir été dépecés par des créatures beaucoup plus grosses. Retenant la nausée qui l’envahissait face à ce carnage, l’éclaireuse pénétra dans les décombres du campement. Après quelques minutes à subir ce spectacle de mort et de destruction, elle arriva face à une longue lance plantée dans le sol au centre du campement. Plantée sur cette lance se trouvait le corps massacré du frère de la générale de l’invasion cyrianne, le jeune Lutius Cyriel sans son armure, enroulé dans les restant d’un drapeau de Berluse, les pieds et les mains tranchées, avec une lune gravée dans la chair de son visage. Prêt de la pointe de la lance, un grand étendard avec les effigies d’Al’Sharaz et de Vinëren couronnait le cadavre, flottant doucement au-dessus de cette déclaration morbide.

Pour les peuples d’Élode, un conflit d’une autre ère, combattu depuis des millénaires entre les enfants d’Hevn et d’Hérion, venait maintenant de traverser le détroit pour se continuer sur leurs terres…

Chronique V: L’hiver à Rivesonge

À l’automne, les feuilles prirent leurs teintes rouge, orange et jaune, les arbres se dépouillèrent de leurs atours dans l’étrange beauté qu’apporte la mort de de la nature. Au départ, il n’y eu pas de signes de changements. Mais rapidement, lorsque novembre pris fin, le peuple de Rivesonge commença à discuter du temps saisonnier inhabituel. Le temps étonnament doux n’avait pas encore amené de premier gel, et les cultivateurs commençaient à redouter une très mauvaise saison pour leurs champs; si les sols ne gelaient pas bientôt afin de leur créer une protection pour l’hiver, ce serait promesse d’une possible disette l’année suivante.

Puis vint décembre, avec une fine neige fondante, rien de comparable aux tempêtes des années précédentes. Grise et maussade, la température plongea la populace dans un humeur morose. Un silence inhabituel accompagnait cet hiver, comme si soudainement, la nature s’était tue et que les environs s’était vidés de toute vie. Le temps était froid et sec, glaçant les os des résidants. De plus, les feuilles brunies n’avaient pas quittées les arbres.

En janvier la neige s’installa pour de bon, rendant les routes impraticables et isolant Rivesonge. Plongés plus que jamais dans le silence de cet hiver singulier, pâle reflet de ce qu’il avait déjà été, les habitants de Rivesonge furent gagnés lentement par un vent de panique. Cela commença par la visite impromptue d’animaux. Chaque matin était aperçu différentes créatures en des lieux inusités; cerfs, ratons, orignaux, rien d’inhabituel jusque là, excepté leur grand nombre et leur air égaré. Et leur silence. C’est lorsqu’apparut d’autres créatures, des marmottes et même un ours en plein milieu du village, que les habitants commencèrent à s’inquiéter. Ces animaux ne sont-ils pas sensés dormir, en plein hiver? Que se passait-il? Et comme si ces phénomènes étranges ne suffisait pas, le temps semblaient indécis quant à sa conduite. Des tempêtes s’alternaient au jours de temps chaud, le froid cédant sa place à des jours d’humidité et de pluie, aussi vite partit qu’ils étaient arrivés.

Février vint, et d’autres ours et créatures de l’été se présentèrent, grattant les palissades et fouillant les campements à la recherche de nourriture qui se faisait de plus en plus rare. Des oiseaux migrateurs pépiaient dans les arbres, telle une sinistre chanson d’été. Le mois débuta avec une subite énorme tempête. Pendant trois jours il neiga et grêla sans relâche, il fut dangereux de sortir de chez soi sans mettre sa sécurité en jeu. Puis, un soudain temps chaud fit fondre totalement l’épaisse couche de neige accumulée, dégela la terre, ce qui abîma les champs et rendit la populace encore plus morose. La panique se transforma en une lente angoisse, et tous furent obligés de convenir que l’hiver de 118 n’était pas un hiver comme les autres. Et aux arbres, les feuilles tenaient bon.

Mars fut acceuillit avec un mélange de soulagement et d’acceptation. La neige crasseuse s’était réinstallée recommença à fondre. L’hiver achevait, au grand soulagement de tous. Devant cette difficile saison, tous s’étaient tournés vers leur croyance afin de trouver réconfort et support. Pendant que tous priaient pour leur survie et la fin de cet hiver chaotique, les Cyclaires quant à eux semblaient en grand deuil. C’est à la fin du mois de mars que survint la pire tempête vécue depuis des années par tout ceux résidant à Rivesonge. Pendant neuf jours, il fut même impossible de sortir de chez soi tellement la neige encombra les portes et les fenêtres. Des froids incomparables, tellement glaciaux que même ceux habitués au pires froids subirent engelures et grippes, frappa sans prévenir. Tel un coup de fouet, cette tempête subite laissa une douleur cuisante pour tous et de nombreux malades et blessés. Lorsqu’ils purent enfin sortir de chez soi, de nombreux témoignages laissa la populace perplexe. Les rares personnes ayant mis pied dehors, les autres l’ayant aperçu de leur fenêtre; tous s’accordait sur la même vision à travers la neige. La rumeur commune disait que dans la tempête, certains avaient aperçu un énorme loup gris au loin, marchant en solitaire à travers les bois et le village. Aucun témoin ne revit la créature, au grand soulagement de la populace. La bête vénérable, seule, et de taille considérable, semblait s’être évanouie avec la tempête.

Avril vit les feuilles mortes enfin se détachées des arbres, remplacés par les bourgeons. Les dernières traces de ce pénible hiver s’effacèrent avec l’arrivée du printemps et enfin la vie sembla revenir sur le territoire de Rivesonge. L’hiver 118 resterait dans les mémoires comme étant l’hiver le plus cruel et le plus étrange vécu en Rivesonge dans la mémoire commune.

Chronique VI: La Libération

En cette année 118, la Libération eut lieu dans la nuit du 20 au 21 mai. La cérémonie d’ouverture fut sombre, modeste et sans grand éclat. Le Libérateur invita le peuple à la réflexion en ces temps troubles. Alors que la nation est aux bords du gouffre suite à la chute de Laverne et de Rudvhin, les conflits internes semblaient prendre moins d’importance et faire verser le sang des siens devenait quelque chose de bien plus lourd de sens.
Malgré cela, la Libération ne manqua pas de faire couler du sang et de faire courir bien des rumeurs dans la gigantesque ville de Drasil.

L’une des victimes de la Libération fut l’un des émissaires d’Al’Sharaz qui se trouvait à Drasil afin de voir aux stratégies de défenses et autres questions en lien avec la guerre contre Cyriande. Alors que le dokkalfar se rendait à sa nouvelle demeure dans la ville, il fut attaqué par 4 individus qui s’identifièrent par la suite comme membre de la famille du Topaze. S’opposant à l’arrivée massive des Al’Sharaziens, reconnus pour leur agressivité et leur caractère raciste envers les humains. Connues pour leurs affiliations avec de nombreux humains drasiliens, plusieurs membres de la famille du topaze voulurent faire passer un message clair et fort, les extrémistes Al’Sharaziens ne sont pas en Drasilhelm chez eux et leurs moeurs ne seront jamais respectées sur le continent d’Élode.

C’est lorsque le soleil se leva le 21 mai que le corps de l’Al’Sharazien fut découvert, plusieurs indices laissaient deviner la famille responsable. C’est lors de la nuit du 21 au 22 mai que la réplique, imprévisible, survint. S’attaquant directement à la plus grande demeure de la famille du Topaze et faisant fit que la Libération soit terminée, une demi-douzaine de dokkalfar provenant du continent désertique défoncèrent les portes de la noble maison afin d’y attaquer les résidents. Tous ceux qui s’y trouvaient perdirent la vie, et plusieurs items précieux furent volé. c’était non seulement une démonstration de force et de barbarie, mais aussi une preuve que les traditions drasilhiennes ne seraient pas respectées par les Al’Sharaziens.

Un autre incident peu prévisible attira l’attention de la cour lors de la nuit de la Libération. Ulrich de Citrine, l’ambassadeur drasilien en Stahl qui avait organisé le Conclave des Joyaux se trouvait dans ses appartements de Drasil lors de la Libération. Après plusieurs semaines de négociation avec le royaume des orcs et des malandrins, celui-ci profitait de quelques jours d’accalmie.
Il se réveilla difficilement le 21 mai alors que le soleil était déjà haut dans le ciel, lui qui en temps normal est un individu matinal. Se sentant malade et faible, il fit venir à lui son médecin personnel qui eut du mal à déterminer ce qui affectait le dokkalfar pourtant en pleine santé la veille.

Après quelques jours d’étude et de recherche, il fut établi hors de tout doute qu’il s’agissait d’un empoisonnement, mais pas du type mortel. Un individu avait voulu affaiblir l’ambassadeur drasilien, l’empêchant d’exercer ses fonctions et de quitter le lit. Était-ce là un stratagème des cyrians pour empêcher qu’une alliance entre Drasilhelm et le royaume de Stahl soit forgée afin de faire pencher la balance de cette guerre? Ulrich avait-il des ennemis mystérieux qui souhaitaient le voir ainsi cloué à son lit? Était-ce une simple histoire d’un règlement de compte? Quoi qu’il en soit, le poison utilisé était extrêmement rare et le médecin ne put rien faire pour aider le noble de Citrine.

Brumelance 2ème événement

Chronique I: Assaut sur le fort Élode

Le voile d’ombre couvrait les murailles du Fort Élode à mesure que la nuit tombait. Voilà une première nuit où la chaleur suffocante laissait place à une fraîcheur inespérée. Enfin une nuit qui allait être reposante après cinq jour d’une chaleur sans nom.

Même s’il avait réduit les patrouilles du trois-quart, Aurel d’Aprebrise, désormais le Commandant en place depuis la disparition de Leif de Velsk, devait composer avec des effectifs presque inexistant face à la tâche à accomplir. Voilà bien longtemps qu’il n’y avait plus 200 soldats en poste. Seulement 35 hommes et femmes, de métiers divers, habitaient le fort Élode et tentaient du mieux de leur connaissance de le protéger. Heureusement qu’il avait reçu quelques camarades transférés du Fort du Solstice.

Lorsque les gardes sur le chemin de ronde entendirent les premiers bruits suspects provenant de la plaine, ils sonnèrent l’alerte promptement. Mieux valait être plus prudent en ces temps difficiles. Des torches furent allumés et les soldats se mirent sur le pied de guerre dans la cour intérieure. Le commandant d’Aprebrise monta sur le rempart, et aperçu un mur de brume particulièrement opaque, sans hésiter il lança une torche dans le vide. La lueur perdit rapidement de son éclat alors que la flamme, pourtant vive quelques secondes plus tôt, s’éteignit avant même de toucher le sol. Les gardes eurent guère le temps de formuler leur incantations que des traits d’arbalètes se plantaient à même leur gorge.

S’agenouillant pour éviter un carreau qui aurait été mortel, Aurel comprit que ce n’était pas à des engeances qu’ils avaient à faire, mais bien à des brigands qui avaient dû pactiser avec la brume afin de jouir d’une telle protection. Ils avaient tout intérêts à les empêcher d’installer leurs protections mystiques. Criant ses ordres de formation d’urgence, Aurel fut lui aussi interrompu par un son inattendu et inquiétant. Un hurlement de loup déchira la nuit. Sombre et lugubre, ce cri animal fut rapidement répété une, deux, puis dix fois un peu partout autour du fort.

S’armant de lance, de bouclier et de torches, les soldats se positionnèrent au centre de la cour dans l’espoir que les immondices ne pourrait passer la porte solidement bloquée.

Deux confrères d’Élode étaient restés en haut prêt à délivrer une pluie de projectile aux malheureux qui se seraient risqués à vouloir défoncer la porte. Voyant leur respiration fendre l’air tout à coup glacial les entourant, les condamnés n’eurent que le temps de se lancer en bas de la muraille au moment de leur dernier souffle. Leur corp se fracassa au sol comme s’ils avaient passé des mois à gelé au plus fort de l’hiver. À ce moment, une brume bleuté engouffrait la muraille de la porte, une couche de glace se formait sous le passage du brouillard. En quelques secondes, les doubles portes de bois étaient recouvertes de neige et de glace. Le son des bêtes qui grugeaient et arrachaient la porte annonçait l’inévitable confrontation.

Des grognements brutaux transpercèrent le silence de mort suivant la destruction du portique.

Les courageux défenseurs avaient dressé un mur de lance devant la charge carnassière des bestiaux ennemis. Seule celle porté par Aurel scintillait et brisait le brouillard devant lui.

Fendant la noirceur, les gueules se bouscoulaient devant les proies devant elles quitte à se jeter à la mort pour créer une brèche.

Les guerriers et mystiques d’Élode parvinrent à mettre à mort les premières bêtes. Vicieuses et impitoyables, les créatures déferlaient sur les carcasses des leurs pour se jeter sur les confrères et consoeurs pris au dépourvu. Trop occupé à occir la meute de créature, c’est au premier trait reçu à la poitrine qu’un malheureux d’Élode pointa la troupe de brigand prête à décocher sur les restants du contingent.

Durant un bref instant, le combat s’estompait, il ne restait au centre qu’Aurel et une quinzaine de ses compagnons à ses côtés. Les loups et les assaillants avaient sournoisement poussé la troupe vers la seule sortie du fort, la porte qui avait volé en éclat quelques minutes plus tôt.

Dos à eux, la troupe sentit une présence malsaine et se retourna brusquement pour y faire face, sachant que ce qu’il y avait derrière était plus dangereux que les brigands. Entrant calmement dans le fort, la silhouette encapuchonnée se tenait avec une lance comme bâton de marche. Ses épaules étaient couvertes d’une fourrure noire et grise et des traits sévères cadrait des yeux bleu inquiétants. À ses côté se tenait un loup gris, sa carrure supposait qu’il était bien plus âgé que ceux qui avaient attaqués précédemment. L’animal grogna lorsqu’il vit les carcasses des siens sur le sol. Les brigands s’inclinèrent à la vue de l’entité avant de faire volte face et d’entrer dans les différents bâtiments, visiblement à la recherche de quelques choses.

Les contours de la silhouette émanait un doux brouillard donnant froid dans le dos. Le regard de l’homme croisa celui des mystiques, Aurel recula de quelques pas alors que ses camarades étaient figés de stupeur. Maintenant seul face à l’engeance, il fit encore quelques pas vers l’arrière, attrapa rapidement un bouclier d’un camarade tombé au combat.

L’engeance aux traits surprenamment humain, s’adressa à lui.

«C’est la fin, Aurel. La fin de l’Ordre d’Élode pour toi et ce détachement. Vous avez toujours été une nuisance pour la prospérité de Mévose et pour le continent. Maintenant, tous profiteront de vos secrets que vous avez trop longtemps gardé dissimulés.»

Alors qu’il voulut poursuivre son monologue en avançant vers Aurel, l’entité sembla se cogner contre un mur invisible. Contre toute attente, Aurel avait leurrer l’engeance vers une prison astrale qu’il avait eu la vivacité de faire tracer avant le coucher du soleil. Incrédule devant ce qui lui arrivait, la créature se mit à hurler de colère.

Sans perdre une seconde, Aurel cria « Maintenant!!!». À ce moment, Nathanaël Cendrecoeur ouvrit brusquement la porte des cuisines en lançant un baril d’huile vers le loup. Anciennement de la division Tournepierre à Rivesonge, celui-ci attendait le meilleur moment pour créer une ouverture. Agrippant une torche à l’intérieur, il la projeta sur la traîné d’huile vers la bête. Un brasier s’éleva entre Aurel et sa troupe et la créature et son maître emprisonné. Cendrecoeur fondit alors sur les brigands affairés à dérober les parchemins et les artefacts dans la voûte de l’ordre.

Portant un regard sur ses compagnons, il s’écria
«Partez! Je ne laisserai pas ces chiens de pactiseur d’engeance partir avec quelques chose qui en valent la peine!»

Incantant d’un pas déterminé il s’arrêta sec en-dessous du cadre de porte de la voûte.
Les brigands à l’intérieur tentèrent d’interrompre son incantation sans succès. Au son des dernier mots de sa formule «enalinestro arofo mycellas…» son épée s’enflamma.

La dernière chose que la troupe encore dans la cour purent voir était la silhouette de leur compagnon enveloppée par l’incandescance de sa lame. qu’on entendit fut la voix courroucé de Cendrecoeur dire: Comment ozez-vous! VOUS après tout ce qu’on a ….

Le crépitement des parchemins s’embrasant couvrit le tumulte de la lutte à venir. Un madrier éclata alors qu’il foudroyait les brigands de son arme ardente.

Le Fort Élode était perdu, le feu se propageait aux barraquements adjacent. Avec le peu d’effectif avec lui, pour la survie de l’ordre et des connaissances qu’ils protègent, Aurel devait sonner la fuite.

Portant un ultime regard sur sa défaite, Aurel pu voir le visage déformé de l’engeance. Dans sa rage, le visage pâle de l’homme semblait changer. vieillissant et se ridant, ses cheveux blanc tombaient pour ne laisser qu’un crâne chauve et une longue barbe grise orner son visage. L’engeance semblait avoir plusieurs forme qui s’entremêlaient.

Chronique II : L’Acier et le Chêne

Lors de l’automne de l’an 117, Balthus Alfertz, héritier du printemps, fut brutalement tué sur le champ de bataille de l’affrontement de Danselme. Cela laissa la famille Alfertz du Vigmark en deuil et sans héritier. À l’aube du solstice d’été de l’an 118, en Rivesonge, les digitaires cyclaires demandèrent réparation aux délégations Stahliennes présentent sur le territoire. Leur demande était fort simple; amené l’orc ayant tuer Balthus devant la justice des esprits du cycle durant un duel avec l’un de leur champion. Les stahliens, fiers et honorables, n’eurent aucune hésitation à accepter le défi.

Après plusieurs échanges de missives et négociations durant le mois de juin entre les dignitaires, il fut décidé que ce duel aurait lieu en Rivesonge, territoire non-revendiqué où opérait chacune des factions en question, Xander Locke, l’orc responsable de la mort de Balthus, se présenterait en Rivesonge au zénith de la lune de juillet. Il fut dicté par les autorités des deux nations que celui-ci ferait son duel au crépuscule du même jour. L’acier enterrerait la hache de guerre de ce conflit une bonne fois pour toute.

L’agent Locke, membre de l’unité militaire des Besträfts, était un soldat sanctionné par l’armée Stahliennes pour crimes de guerre divers. Suivant strictement les ordres du Dôme pour remplir sa sentence à vie au service de Stahl, il avait participé à la guerre en Belfort. Durant la dernière bataille de la guerre, celui-ci avait tué près d’une vingtaines de cyclaires , dont Balthus Alfertz. Enfermé depuis cette mission à l’intérieur du Dôme, en Stahl, celui-ci se devait maintenant d’être escorté en Rivesonge pour son duel contre le champion du cycle.

À l’aube du cinquième jour de juillet, une caravane quitta la capitale avec le détenu. Les groupes Stahliens présents en Rivesonge allait avoir la responsabilité d’assurer la protection ainsi que la surveillance du prisonnier lors de son arrivée en Mévose. Le trajet requis pour cette expédition à forcer les Stahliens à longer les affrontements entre Cyrians et Drasiliens. De ce fait, la caravane devait sillonner aux limites des Brocéliantes et de plusieurs couloirs de Brume présent sur le territoire mévosien. Bien que les orcs du Dôme étaient préparé à ce genre d’escorte, les risques encourus était tout de même extrêmes.

C’est durant le neuvième jour du voyage que l’évènement se produisit. À la frontière sud du duché de Valterne, la dizaine de soldat escortant l’orc se préparait à faire le campement pour la nuit. Depuis quelques lunes, des bruits se faisaient entendre autour de l’escorte lorsque l’obscurité était tombée. Les chevaux, pourtant conditionnés au danger, se montraient de plus en plus craintifs des silhouettes qui se tapissaient dans l’ombre. Pendant cette nuit, de l’obscurité surgit une faible lumière rouge, se rapprochant lentement du camp de fortune. Autour du feu, l’un des gardes somnolent, se réveilla brutalement, hurlant de douleur et de rage. Dans sa folie, celui-ci bondit sur l’un de ses confrères. N’ayant aucun autre choix, le second dégaina son arme et la planta dans le premier, le laissant inconscient, possiblement mort, au sol…

Suite à ce geste troublant, le feu s’éteignit mystérieusement avec le levé du vent et la lueur écarlate disparue. Maintenant en formation militaire, prêt à la confrontation, les soldats n’avaient que leur ouïe pour les guider devant ce qui s’approchait d’eux dans la noirceur. Dans cette obscurité, des cris et des rires stridents se faisaient entendre entre les fracas de l’acier.

Alors que la caravane et le prisonnier semblait peine perdue au main de la Brume, deux fioles enflammées furent projetés des bois jusqu’au campement, explosant au contact avec la créature et les soldats masqués par l’ombre. En proie aux flammes et à la lumière, l’énorme créature grotesque et difforme, hurla de douleur avant de s’enfuir dans la nuit. Les quelques soldats toujours en vie n’ayant été atteint par le liquide vorace furent rapidement mirent à genou devant les deux individus opportunistes.

En toutes apparences, deux orcs de tailles moyennes, ayant pris l’opportunité du chaos, avait tendu un piège à la caravane. Suivant celle-ci depuis son départ de Stahl, les motivations des roublards étaient simples, libérer Xander Locke de ses chaînes. Sans dire un mot, laissant les survivants ligotés, le trio quitta le sentier pour rejoindre la forêt. Trois jours plus tard, l’information fut relié aux représentants Stahliens en Rivesonge. L’Agent Locke s’était évadé et bien que sa position exacte restait incertaine, tout laissait à présager qu’il était toujours dans l’ancienne Mévose.

Chronique III: Relève de la garde

Ce qui aurait pu être un matin comme plusieurs autres pour les officiers du Camp des Astres, s’avéra être plus surprenant qu’ils ne l’auraient espérés.

Le campement sommaire avait été installé en escale au Carrefour des Astres, nom donné à la croisée des chemins reliant le territoire de Valterne aux principales routes de commerce. Le Carrefour servait naturellement d’arrêt temporaire pour tous les caravaniers et marchands qui entraient et sortaient du territoire de Valterne. Autrefois sous la gérance de l’Ordre d’Élode, les gardes postés à ce campement avaient pour mission de s’assurer de la sécurité des lieux et des marchandises qui y passait. Hors, cette gérance avait été contestée par l’autorité du Cyr Lombarde à l’automne 117.

Au plus fort de l’avancée des Cités Libres sur le territoire de Valterne, les Cyrians n’avaient pas laissés passer l’opportunité de mettre la main sur les droits d’exploitation de la route en saisissant le représentant de l’Ordre d’Élode. L’immunité de l’ordre mystique face aux conflits entre les nations du continent était révolue. Du même coup, cela sonnait le glas du financement de l’Ordre d’Élode par Cyriande, son plus puissant commanditaire. Le carrefour servait depuis lors d’avant poste douanier pour les Cités Libres.

Quelques gardes de caravanes d’origine Cyrianne étaient encore assoupis alors que le soleil se levait lentement sur le 29e jour de Juin 118. Ce fût le bruit de multiples sabots et bottes martelant le sol de façon rythmique qui tira ceux-ci de leur sommeil. Sur la route devant eux, un regroupement de troupes approchait. On y reconnut les bannières Langegardoises, Varnoises ainsi que de la Marche Exilée. Croyant au début que ceux-ci étaient quelques troupes marchandes en route pour le centre de la Marche, bien intimidantes en apparence mais non anormal vu la provenance. La débandade et la confusion s’installa rapidement alors que des troupes aux couleurs de l’Ordre de Saint-Bréval s’affairaient à inspecter, fouiller et même confisquer des marchandises sur les lieux du Campement.

Un homme à cheval arriva au trot à l’avant du convoi, le caparaçon bleu et argent sur son cheval démontrait clairement son appartenance à l’Ordre militaire des piliers de Langegard. Il était accompagné de trois autres cavaliers; une femme tout autant armurée portant le vert et blanc typique des Chevaliers de l’Ordre de l’Exil, un homme portant une bure rouge, brodé de l’emblème de l’Ordre de Sainte-Égionde ainsi qu’Igné de Forgepuit. L’homme de Saint-Brévall fit rassembler les Cyrians sur place pour leur faire l’annonce de ce qui se passait. 
« Un agréable matin à tous, je me présente, Modeste de Rocquefer. Je suis ici pour vous offrir les plus humbles explications et excuses pour votre réveil mouvementé. »

Martino Falconi qui était à la surveillance des convois fut pris d’une colère sans nom, il était déjà au courant ce qui se passait mais, face à une telle démonstration de force et n’ayant pas les effectifs pour protéger ses droits, il n’eut d’autre choix que de plier l’échine et laisser le Langegardois terminer sa déclaration. Ce dernier déroula son parchemin avec une lenteur théâtrale avant de reprendre parole:

« En date d’aujourd’hui, le contrôle douanier du Carrefour des Astres et donc, de la principale route commerciale de Rivesonge, sera retiré des mains Cyriannes suite à ce qui fût négocié en Rivesonge le 26 Mai 118. Les représentants des Cités Libres en Valterne n’ont pas argumenté contre la décision de les libérer gracieusement de ce fardeau alors qu’ils ont les mains pleines avec la guerre contre Drasilhelm. Les décisions prises par la Coalition représentée ici… »

Modeste leva le bras pour souligner les bannières des troupes qui l’accompagnait, continuant:
« … donc, en premier lieu, l’Ordre de Saint-Brévall positionnera des hommes et des femmes au Carrefour des Astres en tant que nouveaux douaniers, remplacent les gardes Cyrians. En second lieu, Le titre de Maître des Caravanes, autorité commerciale en Valterne est officiellement donner à Rémi Julbert, fils du duc de Durance. Quant aux Clan du Coyote, ils assureront un soutien logistique pour le transit des marchandises. Sieur Julbert se verra attribué des conseillers commerciaux local à Rivesonge dans les semaines à venir.

La Grande Théocratie des Piliers de Langegard s’assurera du respect et de la continuation de cette nouvelle ère commerciale en Valterne. 
Puissiez vous toujours marcher dans la Lumière du Juste. »

Ainsi, sous le regard des cyrians impuissant devant les regroupements armés, la route, ses droits de taxes, ainsi que tout pouvoir discrétionnaire passait aux intérêts de Langegard et de ses alliés.

Chronique IV: Courrier du front

Ma Chère Isadora,

Je t’écris ces lignes en espérant que ce ne soit pas les dernières qui ne quittent mon cœur pour rejoindre tes yeux resplendissants et remplis de joie. La situation ici est un enfer que je ne saurais te décrire, ni ne voudrait le faire de peur d’atteindre cette délicieuse joie de vivre dont je me languis.
Chaque jour en cette vile terre semble drainer un peu plus de mon essence. Devant nos avancées spectaculaires du début de l’offensive, les chiens de Vineren s’en sont remis à des tactiques lâches et malignes pour tenter de jeter une pierre dans l’engrenage de notre machine de guerre. Loin de nous affronter en bataille rangée, loin du comportement d’un fier soldat, les Infidèles s’en remettent à une guerre d’attrition des plus déloyale.

Là où les chemins qui nous ont mené à nos premières victoires sur les cités de Laverne et Rudhvin étaient clairs et bien entretenus, ceux qui s’étalent sur les terres menant au dernier bastion vinerain sont des plus tortueux et semés d’embûches. Les routes jusqu’à Drasil sont en effet soit ensevelies sous des montagnes de débris, dont le sergent Lurienor doute que les saisons soient à l’origine, traversées par d’énormes fossés creusés à la hâte ou parsemés de trappes, d’embuscades et de pièges, tant physiques que mystiques. Tant de mes frères d’armes sont tombés sous les assauts de ses traitrises pernicieuses que je ne puis plus fermer les yeux sans voir leurs cadavres, horriblement mutilés, leurs visages crispés de douleur…

Pas que je puisse de toute façon trouver une seule minute de repos. Depuis l’arrivée des démons du désert, les Al Sharaziens, les ardeurs des drasiliens semble décuplée de plusieurs fois. Leurs attaques sont incessantes. C’en est au point où je me demande si ces démon d’Hevn venu de par-delà la mer de Sang sont encore mortels. Jamais ils ne semblent dormir. Jamais ils ne semblent hésiter. Hier soir, j’ai vu un Al Sharazien aux bras monstrueux, que l’on aurait dit empruntés à un être des Brumes, le flanc percé par une lance, déchirer la gorge d’un aide de camp avec ses griffes, un sourire sadique aux lèvres. Ces… créatures, je ne saurais les appeler autrement, car ils ne sont clairement plus tout à fait mortels… ne semble aucunement craindre pour leur vie, et se jette corps et âmes dans la mêlée, avec pour seule envie de nous éventrer…

Je suis désolé de te faire part de tous ces détails aussi sordides. Là ne devrait pas être les mots que j’accorde à celle qui, dès que cet enfer sera terminé, seras la plus merveilleuse des épouses, j’en suis certaine. C’est tout simplement qu’à travers les manques de sommeils, les attaques incessantes, les détours et les impasses tortueuse sur ces routes de malheur, l’angoisse silence et de l’obscurité de la nuit, sachant très bien ce qui pourrait s’y cacher, et tout autres tragédies qui, tels des rapaces survolent nos cohortes agonisantes en attente du moment opportun, le moral ici est abyssal. Mais malgré les affres de cette guerre, la seule pensée de te savoir en sécurité, dans nos appartements de Berluse, et de savoir que tu attends impatiemment mon retour, me réchauffe suffisamment le cœur pour me pousser à continuer, à persévérer dans cette guerre. Ton rire cristallin et tes yeux azur me donnent la force de continuer.

J’espère que cette lettre saura te trouver dans un délai raisonnable. La ville de Rudhvin, après que les gardiens du Mysthral aient percé ses défenses du revers de la main, est pour nous inhabitable et inhospitalière. Elle croule toujours sous les pièges et les runes laissées par les drasiliens pour nous retenir en dehors des murs du bastion intérieure. Malgré notre victoire sur cette cité, malgré la fuite de ses défenseurs, ses rues et ses allées nous sont toujours périlleuses. Avec un si grand détour à effectuer et sans la possibilité d’utiliser la carcasse de la cité comme base d’opération, nos lignes de ravitaillement sont étirées au-delà de leur capacité, ce qui rend nos caravanes et nos convois de vivres, d’équipement et de courrier lents et inefficaces.

Après la défaite et la perte de la majorité de mon ancien bataillon face aux troupes du Jaspe et à leurs mercenaires douaris de l’Ordre de la Flèche dans la forêt de Narsoss, j’ai été affecté à la septième division du sixième bataillon de la seconde armée de Viscogne. Ou du moins je crois que c’était le Jaspe. J’ai reconnu l’armure noire et rouge de Fritz du Jaspe pour l’avoir vu lorsque j’étais de service durant la visite diplomatique drasilienne il y a une vingtaine d’années. Pourtant, la bannière qui flottait de la scelle de son destrier n’était pas celle dont je me rappelais. Le symbole du Jaspe y était toujours, mais les couleurs avaient changé. Elle était cette fois de bleu et de rouge, et ses bordures ressemblait à celles de l’étendard des Lazulis. Je ne sais que penser de cette altération. Mais bon, de toute façon, une fois cette guerre terminée, la menace Infidèle sera à jamais exilée de notre continent. Je doute que ces familles et leurs blasons ne soient d’actualités pour longtemps.
Bref, l’escale de mon régiment arrive à sa fin. Nous partons en direction de Laverne afin d’escorter un convoi de munitions pour les armes de sièges qui sont destinés à l’assaut des remparts de Drasil. À tout le moins, loin comme nous sommes du front, les embuscades des Infidèles et leurs dispositifs défensifs se font plus rare. Cette pensée lève quelque peux le voile d’angoisse qui couvre mon esprit depuis le début de l’avancée vers Drasil.

Je t’aime, ma belle fleur d’aube, et je suis impatiente de recevoir à nouveau ton étreinte. Je compte les jours avant la fin de mon service ou, espérons-le, de cette guerre, n’attendant que ta présence pour panser les blessures de cette guerre.
Encore et à tout jamais tienne,

Arienna Vizelli

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Rapport de mission de l’opération Aube de Victoire, rédigé depuis le camp médical de Laverne.

Selon nos ordres de mission, nous avons rassemblés cinq (5) divisions, précédemment postées dans le théâtre est de la région de Rudhvin, avant de nous diriger vers le camp de base de Laverne à l’aube du 8 juin de l’an 118.

En partant, nous avons eu le bonheur de croiser un détachement de Gardiens du Mysthral, se présentant comme le sixième bataillon du Rempart de l’Ouest, qui se dirigeaient vers le camp d’arrimage du Fendeur de Brume l’Arpenteur d’Himme. Ils ont refusé de révéler la raison de leur déplacement ou l’identité du civil encapuchonné qui les accompagnait, citant les ordres directs du Cyr. Heureux d’avoir rencontré des compagnons de route aussi compétents, nous avons convenu de faire route commune jusqu’à ce que nos itinéraires se séparent.
La route s’est déroulée sans accroc durant les deux premières semaines, sans incident qui ne soit nécessaire à rapporter. Mes troupes étaient anxieuse face aux rumeurs d’attaques nocturnes et d’embûches sur les routes, mais en présence d’alliés aussi formidables que les Vigiles du Mysthral, le moral s’est bientôt redressé, les hommes et femmes sous mon commandement se sentant bientôt en sécurité. Si bien que ce présent rapport tient à spécifier l’incorporation de bataillons de Vigiles dans chaque déplacement important et convoi cruciaux, compte tenu des évènements qui vont suivre. (*Note du général Aurelius : Malgré les problèmes à la cour que la vacation des Vigiles de leur diverses forteresses cause au Cyr et à son conseil, je ne saurais que seconder cette recommandation. Sans eux, je ne vois pas d’issue favorable au conflit, et une défaite ferait pire atteinte au pouvoir du Cyr qu’une absence continue des Vigiles de la péninsule Al Sharazienne.)

Le 23 juin 118 est le jour où notre itinéraire se séparait de celui du détachement des Vigiles de manière trop prononcée pour pouvoir continuer à faire route commune. Nos deux convois se sont donc séparés, eux allant plein sud alors que nous bifurquions vers l’est. Et c’est cette nuit la que les troubles ont commencés.
Dès cette nuit, et durant les quatre jours suivants, nous avons commencé à voir des formes humanoïdes se profiler à l’horizon dès la tombée du jour. Dès que la noirceur envahissait le ciel, ces véritables fantômes surgissaient à la limite de notre vision, et esquivaient avec aise toute tentative de les éclairer. Le moral et l’angoisse ont de nouveau plongés au plus bas, alors que tous tentaient de faire le sens de ces apparitions.
Puis, le cinquième jours, suite vers environ 3 heures du matin, l’attaque s’est produite. Sans que nos gardes ne sonnent l’alerte (Note du général Aurelius : après examen, il apparaît que la rotation standard de gardes a été éliminée avant le début de l’attaque sans attirer l’attention des occupants du camps) les démons d’Al Sharaz ont fondu sur nous. Sans aucune sommation ni pitié, les Dokkalfars ont massacrés les soldats à moitié réveillés, avant de rassembler ce qui m’as semblé être 20 survivants des 500 soldats présents, dont moi-même, et de les crucifier vivant, les laissant à l’agonie. (Note du général Aurelius : C’est dans cet état que les 4 survivant ont étés retrouvés. Les 16 autres crucifiés n’ont malheureusement pas survécu à ce calvaire.)

Étant donné la perte de mes divisions, il me sera donc impossible de remplir ma mission et de transporter les munitions au camp de base de l’offensive contre Drasil.

Sergent Lurienor Dénavare.

Conclusions du rapport, rédigées par le général Aurelius Valente depuis le camp de base de Laverne, à l’Attention du Cyr Lombard et de son État-major.
– La menace Al Sharazienne est définitivement ancrée en Élode, et devra être une faction à prendre en compte dans les futurs calculs militaires et logistiques.
– Les forces Al Sharaziennes semblent avoir des tactiques de guérilla bien différente de celles utilisées par les drasiliens. Aux lieux de s’embusquer et de frapper dans des endroits propices tout détachement s’y aventurant comme ces derniers, les Dokkalfars du désert semblent traquer leurs proies des jours durant, cherchant un moment opportun et semant la peur dans l’esprit de leurs proies.
– Cette dernière constatation m’amène à penser qu’aucun rapport ne fait éloge d’attaques regroupant les deux royaumes dokkalfariques en un seul. Selon mon expérience, cela vient probablement du fait de leurs modes opératoires fortement opposé, qui rendent la coordination des leurs forces mutuellement difficiles.

-Ainsi, les deux royaumes ne semblent pas aussi unis et cohésifs qu’initialement assumé par l’État-major. Des recherches devraient être effectuées sur cette piste de dissensions.

– Comme expliqué dans mon dernier rapport, les groupes formés ou accompagnés par les Vigiles du Mysthral semblent ne jamais être les cibles de ces attaques et embuscades. Même les drasiliens, dont les tactiques permettent difficilement un choix de leurs cibles de par leur style sédentaire d’embuscades, n’attaquent pas les Vigiles au sein de points d’embuscades qui nous sont connus. Ceci pourrait être à notre avantage. Disperser des bataillons de Vigiles a travers chaque déplacements d’envergure pourrait certainement limiter les possibilités d’escarmouches et forcer les Dokkalfars à concentrer leurs forces en un point fixe ou notre puissance militaire supérieure pourra leur infliger la défaite décisive qui nous est nécessaire pour sceller notre victoire.

-Finalement, il m’incombe la difficile tâche de déclarer la perte irrémédiable de la première, troisième, quatrième, sixième et septièmes divisions du sixième bataillon de la seconde armée de Viscongne, et souhaite faire la demande de cinq (5) nouvelles divisions afin de prendre en charge leurs postes.

Cordialement,

Général Aurelius Valente

Chronique V:  

L’heure est grave. Les démons d’Hérion harpentent la fière Principauté de Drasilhelm, semant la guerre et la destruction sur leur passage. Déjà, la Jeune et Fougueuse Laverne, tout comme la Puissante et Fière Rudhvin, sont tombées sous l’égide des Fidèles. Seule, Drasil, l’Immuable, bastion des Dogmes, acculée aux montagnes tel un mur gargantuesque devant l’avancée des hordes du Cyr, se dresse fièrement face aux afres de la défaite.

Alors que le Royaume de Stahl, lèchant ses plaie encore fraîches, tarde toujours à honorer le Traité du Joyau, les clans venus des Crocs d’Hevn arrivent au compte goute pour prêter main forte à leur frères de foi, s’amassant sur les quais de la Lance d’Hérion, Fendeur de Brume volé aux forsvarites pour traverser la mer de sang. Ainsi, toujours dénuée des légions alliées promises, le Fier Royaume de Drasilhelm sent lentement se resserrer l’étau de Brumeacier cyriand autour de son cou, suffoquant sous cette étreinte méticuleuse et mortelle. Ses campagnes ravagées, ses domaines assiégés et razés, la Principauté semble vouée à une fin, lente et agonisante, alors que le glas semble sonner sur la terre d’asyle des vinerains d’Élode.

Il semble que la Monarchie de Cornaline ne soit vouée au trépas.

Pour contrer cet étau mortel, la Reine, Dame Sybille de Cornaline, pose maintenant son sage regard sur un point des plus singuliers. Loin des champs de batailles, des machines de guerres et des forteresses de pierres se tient un petit village des plus anodins. Ne comportant pas plus de 15 batiments et abritant près de 300 âmes, Rivesonge, de l’autre coté de l’Empire déchu de Mévose, contre son apparente médiocrité de par une importance symbolique et significative des plus étranges. En effet, ce petit recoin oublié de Mévose semble disposer d’une influence étrange et incalculavle, alors que de simples évènements s’y déroulant semblent porter un écho démesuré à travers le continent.

Animé par le désespoir, mais aussi par une étrange intuition, la Reine de Cornaline tourne donc son attention et ses espoirs vers cet épicentre à la portée presque grostesque. Elle se fie aux plus puissants de ses serviteurs, les familles princières de l’Obsidiennes et du Lazuli, pour prendre en main ce théatre et y livrer une performance qui saura garder vivante la vascillante lueur qui émane encore de l’être chancelant qu’est devenu Drasilhelm. Autrefois éternels rivaux, les deux gardiens de cette flamme, aujourd’hui guère plus forte que celle d’une bougie, se rencontrent durant les derniers jours du mois de mai de l’an 118 après le Cataclysme.

Déjà présente sur le territoire, la Famille de l’Obsidienne mise sur l’implication de l’un de ses commandos les plus chevronnés, l’Oeil de Fer, composé de membres hétéroclites assemblés et engendrés par nul autre que Valentin de l’Obsidienne. Katarina de l’Obsidienne, la Gemme de Givre, Matriarche de la Maison, leur offre sa bénédiction pour, comme il leur semblera nécessaire, agir au nom de l’Obsidienne et de la Couronne. Elle mandate également la Famille du Béryl, ainsi que le clan Térédryn, de supporter l’Oeil de Fer en tant que vassaux de l’Obsidienne.

Pour sa part, Cornelius du Lazuli, Protecteur de Drasil, opte pour une approche plus indirecte et constructive au casse-tête qu’est Rivesonge. Il deploit donc le Synode de la Marée d’Azure, aspirants de l’Ordre des Tailleurs d’Azur démontrant un grand potentiel. Ce regroupement d’artisans et d’innovateurs, oeuvrant du métal et de la rune, aura pour mission d’influencer le cours des évènements et des combats de Rivesonge.

Ensemble, ces factions ont pour but d’acheter pour leur Royaume la denrée dont elle manque cruellement, du temps. Le temps, si cher à la Grande Prophétesse, est ce qui fait tant défaut à la Principauté. L’arrivée prochaines d’armées protectrices, le lent effritement des supports du Cyr dans sa propre cour sont deux courants qui sauront rétablir la balance de ce conflit qui semble si sombre pour les Infidèles. Encore faudra-t-il que ceux-ci tiennent bon, jusqu’à ce que les lourds nuages quittent la voute étoilée, et qu’ils soient baignée de la douce lueur de l’Astre lunaire.

Brumelance 3ème événement

Chronique I: La lame dans la tempête

Voilà plusieurs mois que la famille Alferzt n’avait eu de signe de vie de Sieg Alferzt.

Au printemps 118, les hostilités de Belfort s’étaient atténuées et il était temps pour Sieg de considérer les conséquences de la mort de son oncle, l’héritier de sang pur, Balthus Alferzt.

Le chevaucheur aguerri avait décidé d’entreprendre le voyage seul. Ses compagnons à Rivesonge lui avaient à plusieurs reprises proposé de le suivre ce qu’il avait refusé; il préférait éviter de s’entourer d’une cohorte qui l’aurait rendu trop visible. Son instinct l’avait bien guidé jusqu’à présent et il espérait que les quatre lui seraient favorables.

Agile voyageur, les vieilles cartes de l’ancienne Mévose n’avaient que peu de secrets pour lui. Ayant lu et relu les récits de ses ancêtres, les périls du voyage sur les terres qu’il s’apprêtait à chevaucher n’avaient rien d’assez terrible pour refroidir ses ardeurs. Les forêts sauvages et les steppes brumeuses seraient ses seules compagnes pour les jours à venir.

Voyant cette chevauchée comme un pèlerinage sacré, on raconte que le jeune homme avait prit le temps de méditer avant de quitter toute civilisation. À genoux devant le soleil levant, tenant un paquet long et étroit enveloppé de tissu, le vigmar implora la marâtre de faciliter son voyage et de mettre du gibier sur son chemin. Sa quête était noble et la lame sacrée qu’il portait se devait de retourner chez les siens.

Après avoir bien pris soin de son équipement et reçu les bénédictions des prêtres du Cycle, Sieg Alfertz était prêt à rentrer chez lui en passant par la route désormais en ruines qui traverse les plaines du Midlodhian.

Le voyage ne devait durer que deux semaines mais pourtant, les mois passèrent et jamais Sieg n’arriva à la grande maison Alfertz au Vigmark.

Pendant la même période, certains nomades furent confrontés à l’apparition d’un vent de brume ayant pris une direction imprévisible. Selon les témoignages, la tempête immense aurait complètement englouti la région sur des lieues à la ronde. Les méandres les plus denses de ce nuage de brouillard recelaient des échos de lamentations et des bruits d’une bataille d’une autre ère. De part et d’autre de cette vague de brume, les voyageurs s’étaient abrités au meilleur de leur capacité. Plusieurs parlaient du son des catapultes et des explosions, des hennissements des chevaux s’écroulant sous les coups de lance, des cris d’agonie de guerriers en pleurs. Pendant cinq jours, la tempête stagna sur une large plaine sans bouger…

Sans nouvelles de Sieg pendant plusieurs semaines et ce, malgré les expéditions menées pour le retrouver, l’espoir faiblissait.

Voilà qu’au début août 118, une nouvelle rumeur fit son apparition, soit près de trois mois après le départ du chevaucheur. Un petit regroupement de femmes et d’hommes fut aperçu, marchant dans les vastes landes du Midlodhian et avec eux, un individu ayant de la difficulté à se mouvoir était souvent soutenu par des membres du convoi. Selon ces mêmes rumeurs, c’est vers Valterne que marchait cet étrange regroupement. S’ils avaient retrouvé l’homme, l’on pouvait se demander dans quel état ce dernier se trouvait…

Chronique II: La bataille du delta de Noc’tol

La guerre entre Drasilhelm et Cyriande continuait d’être un gouffre sans fin de perte de vie et en ce 8 août 118, le théâtre du conflit allait s’étendre pour la première fois jusqu’aux eaux sauvages de la Mer de Sang.

L’amirale Ymeria Ivaldi se tenait sur le pont du grand Fendeur, La Colère Eyrimiel, scrutant l’horizon dans l’espoir d’y trouver du changement. Depuis déjà près de deux semaines, le navire amiral de la flotte cyriande était positionné dans la Mer de Sang. Pour la vétérane, les hurlements et horreurs des tempêtes de Brume se fracassant sur l’arcane ancestrale du Fendeur de Brume étaient pratiquement relaxants. Bien qu’elle n’eût aucune raison de douter de la véracité des informations qui lui avait été transmises du continent, cela faisait maintenant plusieurs jours que l’amirale regardait l’horizon qui demeurait inchangé, perdant espoir de finalement apercevoir au loin le navire qui avait été lâchement dérobé par des émissaires Drasilliens. L’honneur et la fierté de la marine de Cyriande étaient construits depuis des millénaires autour de la puissance des Grands Fendeurs et la simple idée qu’un navire de sa flotte puisse se trouver entre les mains des démons d’Al’Sharaz empêchait Ymeria Ivaldi de dormir la nuit. Par chance, un petit regroupement sur la terre ferme avait réussi à mettre la main sur une carte indiquant le lieu d’ancrage du Fendeur dérobé, La Lance d’Hérion, donnant la chance à l’Amirale de laver la tache à l’honneur de Cyriande. Dès qu’elle eût reçu l’information, elle avait immédiatement ordonné la mobilisation de deux Fendeurs de Brume en plus du navire amiral et fit déployer sur ceux-ci des armes qui n’avaient pas eu d’utilité depuis la dernière Grande Guerre Alfarique. Artefacts datant du grand Empire d’Hériondel, elles étaient construites avec finesse et ingéniosité, se nourrissant à même l’énergie du Fendeur de Brume auquel elles étaient rattachées. Ces reliques étaient placées, en temps immémoriaux, en multiples exemplaires sur tous les navires de la flotte d’Hériondel et leur puissance était un testament à la formidable violence des vieux conflits ayant divisé les Alfars et les Dokkalfars. Il semblait juste pour l’amirale que ces anciennes armes retrouvent finalement leurs anciens ennemis.

Quelques heures après le lever du soleil, le capitaine de L’Ire de Valente aperçut au loin le grand mât de La Lance d’Hérion qui naviguait lentement dans le delta du marais de Noc’tol. Après avoir usé des multiples signaux de lumières afin de signaler aux deux autres Fendeurs que leur objectif était finalement à portée de main, il se mit à rapidement annoncer à son équipage de se préparer pour aborder le Fendeur volé dès qu’il serait sorti du marais.
Ayant reçu les signaux, l’amirale Ymeria prit position sur le pont de son navire pour observer elle aussi le vaisseau lointain à l’aide de sa longue vue permettant de percer le voile de Brume. Cela ne prit que quelques instants avant que l’amirale ne réalise que leur plan d’origine serait sans doute voué à l’échec. Entourant le Grand Fendeur dérobé se trouvaient près d’une vingtaine d’embarcations plus petites, invisibles quelques instants plus tôt, servant d’escorte afin de protéger le prix convoité des Cyriands. Il s’agissait évidemment de renforts supplémentaires, sans doute envoyés en prévision d’une attaque après que la fuite d’information ait été découverte sur le continent. La quantité de troupes dans chacune des petites embarcations rendait extrêmement risquée la possibilité d’aborder le Fendeur et de le reconquérir. Les Cyriands ne pouvaient pas se permettre d’offrir aux drasilliens ainsi qu’à leurs alliés Al’sharaziens l’occasion de mettre la main sur un deuxième Fendeur de Brume.

Le cœur de l’amirale se serra pendant un instant alors qu’elle constata le seul chemin qui se dressait devant elle. Le Cyr lui avait ordonné en personne, lors de son passage à la Cité d’Azure pour monter les anciennes armes sur son vaisseau, qu’il préférait voir La Lance d’Hérion au fond de la Mer de Sang plutôt qu’entre les mains de leurs plus grands ennemis. Bien sûr, couler complètement un des plus grands navires de guerre que le monde ait connu n’était pas une simple tâche, mais l’amirale connaissait plusieurs méthodes pour empêcher un Fendeur de pouvoir traverser la Brume de Sang. Sans attendre une seconde de plus, elle ordonna à son équipage de signaler aux deux autres navires le changement de plan, ainsi que de faire préparer les projectiles dans le but d’attaquer leurs ennemis.

De longues minutes passèrent pendant que les équipages des 3 Fendeur de Brumes se mettaient en position pour avancer sur La Lance d’Hérion. Pendant ce temps, l’armada de navires ennemis continuait à avancer dans le delta, forcés de maintenir une progression au ralenti dû au fait que les petites embarcations étaient lourdement équipées et n’avaient pas la même capacité de navigation rapide que le Fendeur possédait.

Le plan dokkalfarique étaient bien réfléchi, démontrant que les navigateurs qui contrôlaient le Fendeur de Brume avaient une compréhension relativement avancée de la Brume de Sang. La brutalité des tempêtes de Brume ainsi que la puissance requise par le Fendeur pour y maintenir son bouclier arcanique rendaient la probabilité d’une attaque cyriande dans la Brume de Sang très basse. Ainsi, le maintien d’une lourde escorte autour du navire jusqu’à la frontière des grandes tempêtes était sans aucun doute la meilleure méthode pour protéger leur possession contre les forces cyriandes. La seule faille à ce plan était qu’il se basait sans doute sur la présomption que les cyriands n’oserais jamais attaquer le Fendeur dans le but de le détruire. L’amirale se doutait bien qu’aux yeux des drasilliens, l’arrogance et la fierté des cyriands ne leur permettraient jamais d’anéantir un des symboles de leur grande puissance navale. Cependant, les multiples défaites éprouvées durant l’avancée de Cyriande vers Drasil, auxquelles les guerriers et arcanistes Al’sharazien avaient contribué en venant à l’aide de leurs cousins du nord, faisaient en sorte que le Cyr était prêt à détruire ce symbole cyriand dans le but de faire cesser les débarquements massifs de troupes al’sharaziennes en Élode.

Lorsque La Lance d’Hérion eut quitté les confins du delta, les trois Fendeurs de Brume menés par l’amirale de la flotte cyriande amorcèrent leur avancée pour quitter la Brume de Sang. Près de la proue de chaque navire, de gigantesques balistes couvertes d’entrelacs runiques complexes étaient prêtes à être chargées de leurs lourds projectiles. Le lien arcanique entre ces armes d’un autre temps et les Fendeurs de Brume était trop complexe pour que les arcanistes d’aujourd’hui comprennent comment les reproduire. Façonnées d’un bois extrêmement dense provenant du continent d’Hériondel ainsi que d’une fine lame de brumeacier dans l’arc, chaque arme était activée par un contrôle de l’énergie arcanique du Fendeur de Brume pour permettre à l’équipage de charger le trait de baliste runique dans l’arme, ainsi que pour la déclencher. Les runes couvrant les projectiles étaient des symboles servant à une chose seulement; l’absorption d’énergie arcanique dans le but d’affaiblir l’alliage de Brumeacier protégeant le Fendeur. Percer la coque d’un Fendeur de Brume était une tâche titanesque et l’amirale avait la conviction qu’ils ne pourraient pas y arriver, même avec les armes qu’ils avaient aujourd’hui; cependant elle avait la certitude de pouvoir détruire certaines parties du navire permettant l’établissement du bouclier arcanique.

Ne passèrent que quelques instants avant que les dokkalfars réalisent qu’ils étaient attendus de pied ferme. Lentement mais sûrement, la silhouette massive des trois Fendeurs de Brume traversa le mur de Brume, moins d’une lieue avant que l’armada n’arrive sur eux. Étant beaucoup plus rapides que leurs opposants, les cyriands se mirent rapidement en position afin de pouvoir utiliser leurs armes contre La Lance d’Hérion. Il n’y eut pas beaucoup d’hésitation de la part des forces drasilliennes, se positionnant rapidement de manière à rendre toute tentative d’abordage par les cyriands impossible. Le temps sembla s’étirer pour une éternité entre les deux forces armées, jusqu’à ce qu’un bruit rappelant le tonnerre ne résonne des trois Fendeurs de Brume et que de massifs traits de bois et de métal se heurtent au Fendeur de Brume drasillien. Surpris de la violence de l’assaut ainsi que du fait que les cyriands ne semblait pas vouloir aborder le Fendeur de Brume, les drasilliens semblèrent avoir de la difficulté à rapidement communiquer leurs ordres pour changer de manœuvre. Pour les dokkalfars d’Élode et d’Al’Sharaz, le combat maritime était une chose très nouvelle; depuis la dernière Grande Guerre Alfarique, les dokkalfars avaient été complètement coupés de la mer, créant ainsi une perte massive de connaissances maritimes. Ultimement, trois vagues de traits furent relâchées avant que les drasilliens ne réorganisent leurs forces, tournant tous les navires de l’escorte en direction des trois Fendeurs de Cyriande, alors que La Lance d’Hérion faisait demi-tour vers le delta. Montrant leur courage et leur dévotion à leur nation, les marins de l’escorte drasillienne prirent sans hésitation la décision de se sacrifier pour permettre au Fendeur en leur possession de se sauver. Les cyriands n’eurent la possibilité de tirer que quelques vollées de traits supplémentaires avant que La Lance d’Hérion se retrouve hors de leur portée.

L’amirale Ymeria Ivaldi ordonna rapidement aux navires Cyriands de faire demi-tour vers la Brume de Sang, où les forces drasilliennes seraient incapables de les suivre. L’intensité de la réponse drasillienne face à leurs assaut avait été une surprise. Acculés au pied du mur dans la guerre qui faisait rage présentement sur leurs terres, les soldats drasilliens chargés de protéger le Fendeur de Brume avaient pris la décision d’attaquer les navires cyriands et d’utiliser leurs vies comme bouclier beaucoup plus rapidement que ce que l’amirale avait prévu. Ne souhaitant pas mettre en danger les trois Fendeurs présentement engagés dans le combat, elle prit la décision de ne pas combattre la panoplie de petits navires devant eux. Une sombre sorcellerie avait permis aux dokkalfars de dérober La Lance d’Hérion et Ymeria Ivaldi se refusait à imaginer les conséquences d’un autre navire capturé. En pénétrant dans la Brume de Sang et perdant de vue les forces drasilliennes derrière, l’amirale espérait que leurs attaques avaient causées assez de dommage à La Lance d’Hérion pour rompre le pont reliant les al’sharaziens à Élode…

Chronique III: La procession glaireuse

5 août 118, Rivesonge

J’ai été mandaté en Rivesonge pour faire enquête sur des rumeurs troublantes circulant à propos de cette région. Depuis quelques mois, on y rapporte de terribles récits concernant la magie Écarlate et ses conséquences sur la région.

Voici ce que j’ai pu constater.

Au 21 juillet 118, j’étais arrivé la veille dans la région et j’ai assisté bien malgré moi à des escarmouches d’un niveau de violence absolument troublant.

La nuit étant sombre, je n’y voyait presque rien; le chemin était à peine visible. Pendant que je marchais, un sentiment des plus perturbants me parcourait l’esprit. Mon visage se crispait au rythme du souffle inquiétant qui frôlait ma nuque. Pas à pas, le bruissement du sol craquant à chaque foulé trahissait ma maladresse se voulant discrète. Soudainement, j’entendis des cris de créatures qui provenaient d’un peu plus loin sur mon chemin. En m’approchant, je puis reconnaître les habits de la Maison Rouge et de leurs voisins. Une fureur désespérée s’échappait des célébrants de cette messe du cycle tandis que des griffes s’arrimaient aux corps des premiers tombés. En retrait, deux de ces créatures semblaient commander la horde. L’un d’eux était le seigneur de sang, plus communément appelé l’Écorcheur, muni de ce qui semblait être un fouet composé de trippes luminescentes.

Investis d’une mission claire, les engeances arborant des lambeaux de chair étaient d’une efficacité déconcertante. Les malheureux tombés étaient alors minutieusement démembrés par l’Écorcheur. Celui-ci semblait récolter les morceaux des damnés et s’en vêtir. Couvert de ses trophées, peu à peu, ceux-ci devenait part intégrante de son corps répugnant. Les cris de terreur des agonisants se faisaient entendre jusque dans le village tout près de la scène cauchemardesque.

Pire encore, après avoir été dépossédés, les cadavres désormais écorchés étaient lentement animés par le lieutenant du seigneur écarlate. Les misérables, pris sous l’emprise de l’immondice, criaient des insanités aux vivants tout en marchant aux côtés de l’Écorcheur. La plaine imbibée du sang de cette horde grotesque empestait la mort. Ce n’est que lorsque la vague d’engeances fit face à une résistance trop organisée que celle-ci se replia, satisfaite de sa récolte. Englouti par la noirceur de la forêt, malgré moi, je décidai de les suivre à nouveau.

L’armée de sang arriva alors à la croisée des chemins, là où une délégation d’âmes égarées les attendaient. Une troupe d’individus de peu de foi, communément appelé les «’Hiens Cornus», firent serment d’allégeance envers l’Écorcheur qui leur promettait une place auprès de lui dans la mort. Au même moment, un regroupement de troupes non négligeable vint interrompre le seigneur de sang dans son discours avec ses suivants. La rencontre fut brève mais elle permit à l’Écorcheur de disparaître dans la Brume avec ses sbires, abandonnant derrière lui les «’Hiens Cornus» et quelques engeances.

Cette nuit-là, une ferveur s’éveilla dans le coeur de ces âmes égarées. Leur doute envers le cycle et les discours blasphématoire de leurs congénères marqués avaient emplis ceux-ci d’une nouvelle ambition. Attaquant Rivesonge et leurs anciens voisins au nom de leur nouveau seigneur, les «’Hiens» scellaient leur destin. Ceux qui les reconnurent purent constater l’écume à leur bouche dans la frénésie du combat. Ayant patrouillé dans la nuit, ils mirent à mort plusieurs habitants de Rivesonge au nom de leur seigneur écarlate.

C’est au matin du dimanche qu’une purge commandée par l’Ordre de l’Absolution vint à la porte du repaire encore endormi des «’Hiens», soustrayant la vie à tout individu reconnu comme tel. Toutefois, seuls quelques clébards encore enivrés par le massacre qu’ils avaient commis la veille furent débusqués. Le repaire empesta la mort durant quelques jours jusqu’au moment où un brouillard s’y engouffra et avala la moindre goutte de souillure laissée par les damnés.

Tout indique que les plus fidèles suppôts ont tout fait pour rôder loin de toute civilisation depuis ce temps.

Ainsi, je retourne à mon enquête dans les pourtours de la région de Valterne. Je vous ferai part de mes découvertes lors de mon retour aux camp Langegardois près de Rivesonge.

Robert Montvif, Auruspice de l’ordre de Sainte-Égionde.

Chronique IV: La fierté d’un peuple

Cela faisait des jours qu’une chaleur accablante pesait sur la ville de Val-Du-Lys. La populace tentait tant bien que mal d’accomplir leur labeur quotidien, mais tout semblait bouger au ralenti. On ne pouvait dire s’il s’agissait surtout de la chaleur ou des récents évènements, mais les dernières semaines avaient vu nombre d’esprits s’échauffer. Tant que le Duc Auguste Julbert avait renforcé la garde de la ville de plusieurs éléments de sa garde personnelle pour éviter tout débordement. Se réunissait aujourd’hui en Val-Du-Lys, et pour cause extraordinaire en ce mois d’été, l’ensemble des comtes et barons du duché, alors assuré la quiétude de la ville devenait une priorité.

Devant les portes closes du grand hall, un homme vêtu d’un grand manteau gris faisait les cent pas devant deux gardes au regard bien navré par la situation. Les consignes du Duc avaient été claires, toute personne souhaitant faire doléance aux seigneurs ainsi rassemblés se devait d’avoir préalablement son autorisation personnelle. Or, le langegardois qui se tenait devant eux n’apparaissait sur aucun registre. Alors il se devait d’attendre que le Duc puisse juger de la pertinence de son interruption.

Prisonnier de ses pensées, envahi par la nervosité, ce n’est pas le grincement sourd des grandes portes qui tira le langegardois de ses réflexions, mais bien l’appel de son nom par le maitre des cérémonies. Isidore. Révérend Isidore de Montpieux, ecclésiaste de l’Aurore. À ces mots. Le jeune homme releva ses yeux bleus pour croiser ceux de l’homme qui l’appelait. Enfin. Le Duc se décidait à le laisser s’adresser à l’assemblée. Les évènements s’étaient enchainés si rapidement dans les dernières semaines, on ne pouvait se permettre d’attendre plus longtemps.

D’abord, ça avait commencé par des regards remplis de peur à leurs endroits. Des gens du peuple de Durance, des gens à qui sa nation avait tendu la main, approvisionnés, aidés à survivre au carnage de la guerre — au carnage de l’hiver —, ces gens-là se méfiaient d’eux, désormais. Il avaient cessé de voir en Langegard un allié salvateur. Ils avaient cessé de voir en lui un héros. Peut-être qu’aligner des colonnes de chiffre n’avait rien d’héroïque pour certains, mais Isidore se plaisait à penser qu’il avait sans doute sauvé plus de vie par la coordination de l’approvisionnement d’un comté entier que n’importe quel soldat. Mais son travail de la dernière année semblait être peu à peu oublié par certains qui en avaient pourtant tellement bénéficié.

Ensuite, ce fut les cris de colère. La première fois qu’Isidore avait essuyé le courroux des gens de Durance, c’était alors qu’il négociait, comme à son habitude, pour le transport de la pierre visant la construction du Mur de Lumière. Les questions inquisitrices de l’homme administrant la carrière s’étaient rapidement transformées en accusations. Et d’autres voix s’étaient jointes à la sienne pour discréditer la construction, pourtant sensée les protéger contre les incursions des pillards avides de Mésière, ceux-là mêmes qui mangeaient dans la main du Vigmark. Et cela n’avait été qu’un début. Bientôt dans la rue, des gens ne se gênaient plus pour dire de lui qu’il était un étranger, un envahisseur même pour certains.

Et maintenant, ça en était arrivé à la violence. Une monstrueuse agression commise en un lieu de communion avec le Très Haut. Car deux jours avant, alors qu’il se trouvait dans une chapelle à quelques lieux du Bastion de La franche, un regroupement de damnés s’étaient joints à la Cérémonie du Pardon, présidé sous le regard attentif de la Vicaire Tempérance d’Angecourt. Et alors que le Marcheur sensé guidé le rituel sacré bredouillait son oraison, il fut repris par la femme au regard compatissant. Étant plus loin dans l’assemblée, Isidore ne distingua pas d’où provinrent les premiers hurlements, mais la chapelle eut tôt fait de sombrer dans le chaos, alors que s’entremêlaient les injures, les larmes et bientôt les cliquetis des lames. Dans ce tourbillon de fureur, plusieurs furent blessés. Quelques-uns furent tués. Ce n’est que lorsque la foule fut enfin dispersée par les siens que le langegardois put entrevoir sa Vicaire s’effondrer au sol. Alors que la femme de foi tirait un homme de la mort, elle avait été rattrapée par un mal incertain. Sous l’inspiration d’Égionde, la délégation langegardoise en place avait rapidement pris charge, mais pour Isidore, le dénouement de la situation demeurait encore inconnu. Sa place n’était pas là-bas, mais bien auprès de la noblesse de Durance.

C’est pour cela qu’il avait franchi au galop les lieux qui le séparaient de Val-Du-Lys, et exigé audience auprès de l’assemblée noble ainsi réunie. Il avait pris la place qu’aurait dû occuper Tempérance, pour raconter ce qu’il avait vu et demander à ce que des actions soient prises pour que l’Ordre soit rétabli et que les excessifs soient matés. Tout au long de son récit, Isidore sonda la pièce, et alors que certains nobles arboraient des regards compatissants, il fut surtout surpris de se heurter à la froideur des traits de d’autres. Lorsqu’il eut fini, il fallut de longues secondes avant que le Duc lui-même ne réponde. Les traits d’Auguste Julbert étaient durs, mais ne semblaient pas avoir lourdement subi l’usure du temps. Lorsqu’il ouvrit la bouche, les mots résonnèrent avec fermeté partout dans le hall :

 » Je vous remercie pour votre témoignage, Isidore. Vous me voyez navrer de l’assaut sur un éminent membre de notre Église, Tempérence d’Angecourt est une femme que je respecte grandement. Je ferai dépêcher immédiatement mes médecins personnels pour m’assurer de son rétablissement. J’abonde en votre sens, cet acte est impardonnable, et je conclus par votre histoire que les responsables sont aussi tombés.

Toutefois, il vous faut comprendre une chose, c’est que l’évènement que vous me décrivez ne reflète en rien la situation de mon duché. Vous me parlez de peur, de colère et de violence, et mettez la faute sur mon peuple. Combien de fois les bonnes genses de Durance me rapportent-t-ils les exactions de personne sensés être sous votre tutelle? Combien de fois mes barons doivent-ils gérer des conflits entre leur serfs et les vôtres stationnés chez eux? Vous avez été aidant, je le reconnais, mais comprenez-moi bien, je suis un fier Duc de la Marche exilé, et comme mon père avant moi, j’ai juré de protéger et d’écouter les miens avant tout. Qu’importe ce que vous ferez ou nous offrirez, vous demeurerez des étrangers chez nous. Peut-être vous faudrait-il commencer à tendre l’oreille à vos hôtes, car en ce moment même, Durance vous parle. Et si vous souhaitez que notre collaboration demeure, il vous faudra commencer par entendre son message.  »

Durant les jours qui suivirent, un rassemblement se massa devant le village fortifié de La Franche, lieu de convalescence de la Vicaire où était stationné l’avant-poste langegardois en Durance depuis la fin de la Guerre de l’Unification. Le message d’Auguste Julbert semblait avoir eu un étrange écho parmi les siens, puisque s’était assemblée une foule avec un message clair. Les langegardois devaient quitter Durance.

Chronique V: Le pari du Cyr

Ambré, avec des notes de jasmin et de rose, roulant sous le palais telle un doux satin sur la plus délicate des peaux; telles étaient les sensations dont se délectait Alvise Lombarde, assis à la place d’honneur de la somptueuse salle de réception. Devant lui, accoudés à de longues tables de chênes débordantes de somptueuses décorations et de victuailles riches et décadentes, le gratin de la société cyriande dégustait les mets et les plaisirs offerts. La musique était jouée à l’unisson par plusieurs groupes disséminés au travers de l’immense hall de façon stratégique afin que tous soient bercés par les doux accords se réverbérant au sein des hautes et majestueuses voûtes. Se blottissant davantage sur les coussins somptueux de son siège, le Cyr prit un instant pour bien profiter de la scène qui se déroulait devant lui. La lueur argentée des torches surnaturelles rangées le long des mur et illuminant les tablées jetaient une aura surréelle sur l’assemblée. Telle un tableau vivant évoluant au rythme des sons et des rires, la scène qui s’offrait au patriarche Lombarde semblait davantage enivrante que les doux accords du vin qu’il sirotait.

Complètement absorbé par cette effervescence de splendeur obnubilant ses sens, le fier dirigeant de Coranthe ne prit pas compte d’un détail qui, en rétrospective, s’avèrerait capital dans le cours des évènements qui vinrent ensuite.

Doucement, l’alfar passa la main dans son épaisse chevelure brune, jetant un coup d’œil rapide à sa réflection dans le lustre miroitant de sa coupe d’argent. Replaçant une mèche de cheveux rebelle tout en jetant un regard amouraché à la jolie servante qui le débarrassait des couverts dénués de victuailles, Alvise retourna ensuite sa pleine attention vers la salle, sachant que la partie agréable de la soirée touchait à sa fin. Rougissant sous l’effet impérieux de son monarque, la jeune humaine laissa échapper un petit rire nerveux avant de s’éclipser vers la porte des cuisines. Admirant sa découverte, le seigneur fit signe à l’un des membres de sa garde rapprochée, debout derrière lui, jetant un regard terne et stoïque sur l’assemblée. Alors que l’interpellée rapprochait son oreille de son protégé, celui-ci dit d’une voix légère :
“Ma chère Isadora, veuillez s’il-vous-plaît faire part à la jeune demoiselle que voici de la relégation de ses devoirs de servante pour ce soir et lui offrir une place à mes côtés pour le restant des festivités.”

Habituée aux envies cavalières et aux actes en apparence tout à fait anodins quoique parfois peu respectables, mais cachant une planification pernicieuse et , la jeune garde du corps répondit simplement d’un signe de tête, son air sombre ne quittant jamais son fin visage. Affectée depuis 5 ans à la garde personnelle du Cyr, elle avait mainte fois reçu la preuve que l’intelligence du Cyr était aussi perçante que le bleu de ses pupilles et que ses talents de stratèges égalaient les plus hautes cimes des montagnes d’Argent. Elle savait que défier les ordres de son suzerain mettrait quelqu’étrange et complexe partie de ses plans en péril. Lentement, elle emboîta le pas à l’humaine vêtue sobrement en comparaison à l’opulence dont le gratin de la noblesse et de la bourgeoisie cyriande faisait preuve.

Ses plans pour le reste de la soirée maintenant en œuvre et la faille la plus saillante de sa défense à présent sortie, le Cyr se résolut à s’attaquer à la partie la plus ardue des festivités. Se redressant sur son siège, il fit lentement tinter sa cuillère sur la sublime coupe de cristal se tenant devant lui. Davantage un geste symbolique du fait que les sons et l’ambiance avalèrent complètement le timide son qu’il produisit, il eu toutefois l’effet désiré. Les occupants des divers podiums musicaux dans la salle, repérant cet ordre discret, cessèrent à l’unisson leur doux accords. La foule, constatant cette interruption du décor sonore, eu tôt fait de cesser sa myriade de discussions et de rires, les invités de la dynastie Lombarde cherchant du regard la cause de ce soudain désagrément dans cette soirée autrement exquise.

Pour le Cyr, cette chaîne d’événements était cruciale pour le bon déroulement de ce qui allait se produire. Démontrer son contrôle sur les événements et forcer ses convives à effectuer cette marque de respect envers lui démontrait habilement qui était en contrôle de la situation, et selon les termes de quelle personne les choses allaient se jouer. Satisfait de l’effet dramatique, le monarque des Cités Libres se leva, écarta les bras vers l’assemblée et entonna d’une voix profonde et sonore : “Mes amis, je voudrais profiter de cette accalmie dans nos divertissements pour porter un toast.” Levant sa coupe d’un geste élégant, l’alfar enchaîna: “Je tiens à souligner la bravoure de nos troupes, qui, de par le génie de nos stratèges, s’occupent de l’ardue tâche qui nous incombe. Bientôt, grâce à leur bravoure et à leurs cœurs vaillants, le continent d’Élode sera finalement épuré des Infidèles et de l’Immondice qu’ils appellent leur civilisation.”

À ce moment, il prit une pose. Déjà, il voyait les coupes se lever, en un bloc distinct, quelques réfractaires disséminés au travers de la pièce. Loin d’être l’objet du hasard, l’arrangement des places assises avait été conçu dans le but de couper et isoler ses opposants politiques, divisés par des masses de suivants unis. Chaque avantage, peu importe sa valeur, raffermissant son assise dans ce genre de duel politique, il se permit un sourire en coin narquois, adressé aux divers opposants politique qui commençaient à y voir plus clair dans ses manigances. Ils étaient pour la plupart pris au dépourvu devant le stratège politique qui se tenait fièrement devant eux. “Pour paraphraser l’un des grands hommes de notre ère,” continua le suzerain forsvarite, “la Mer de Sang sera bientôt la base sur laquelle nous érigerons un mur implacable entre nos terres et maisons et la menace venue des landes désertiques du Sud. Le tome de cette Grande Guerre entrera bientôt dans un nouveau chapitre alors qu’un nouveau continent sera libéré des atrocités commises par ceux qui, autrefois, commirent l’acte le plus dévastateur de l’histoire écrite; acte qui, encore aujourd’hui, nous prive toujours de connaissance perdues. Nous vengerons Forsvar, nous vengerons le Traité et, petit à petit, nous exterminerons les parasites dokkalfariques!”

Déja, le souffle de l’anticipation et de l’excitation embaumait la pièce. Les plus habiles politiciens voyaient de plus en plus les manœuvres du Cyr et préparaient déjà leurs réponses. La scène bien jetée, l’arène gladiatoriale du combat politique à venir bien délimitée, le Cyr se lança sur le sable métaphorique, prêt à affronter tout opposant. Lisant l’énergie de la foule et voyant que le paroxysme du discours d’ouverture approchait, il décida de pousser quelque peu la note.
“Il va de soit que cette entreprise est loin d’être sans coût ni pertes. Bien entendu, beaucoup ont déjà donné leur vie, et beaucoup la donneront dans les évènements à venir. Ces sacrifices pour le bien de notre cause nous honorent et nous rappellent notre humble place en ce monde. Certes, certains semblent incapables de voir plus loins que les affres et les retournements de la guerre. Ces gens souhaitent que nous cessions les hostilités et formulent le voeux totalement anti-patriotique qu’est de souiller la mémoire de nos troupes tombées au combat pour sauvegarder leur précieuses routes et caravanes commerciales!”
Aussitôt, une clameur s’éleva de parts et autres de la pièce, signe que ses opposants avaient mordus à l’hameçon. 
“Toutefois, il ne nous faut aucunement prioriser le profits et les ressources à …” Continua-t-il, avant qu’une voix ne vienne trancher le silence, retentissant dans le hall. 
“Ce que le Cyr semble oublier, c’est que dans les caravanes et le commerce qu’il semble si prompt à dénigrer est le sang qui animent le corps de Cyriande. Sans eux, il n’aurait pas les coffres bien remplis qui lui permettent de se payer ses frivolités en Drasilhelm.”

Tous se retournèrent vers l’impertinent qui osait couper la parole à son suzerain. Comme pour le désigner, un vide se forma autour de l’impétueux alfar vêtu de somptueux habits, chacun tentant de s’éloigner de lui afin d’éviter le courroux royal. Drapé des satins et des soies les plus fins, tous reconnurent Armando Brymielles, maître des coffres de la Guilde des Argentiers. Parmi les marchands les plus riches et puissant de la fédération des Cités Libres, sa fortune, si l’on pouvait en croire la rumeur, égalait celle des Princes Cyriels. Toutefois, aussi habile cet alfar était-il avec des bouliers et des registres, il prouvait à nouveau ne pas être fin stratège politique en se jetant gueule ouverte sur l’appât du Cyr. 
“Mais bien entendu, maître Brymielle,” répondit le suzerain avec un sourire narquois aux lèvres. “Il est évident que votre expertise militaire ainsi que votre patriotisme enivrant vous rendent ici une voix tout à fait légitime. Je me demande, quand avez-vous ne serait-ce que porté pour la dernière fois une arme pour les intérêts de notre peuple?”

Devant cette répartie, des acclamations du bloc uni des supporteurs du Cyr vinrent faire écho dans la salle. Surpris par la remarque cinglante et humilié par l’impétuosité qu’était sienne d’oser interrompre son monarque, le commerçant tenta de balbutier une réplique. 
“M..m… Mais mon Cyr, cette guerre a trop durée! Nos routes commerciales et nos convois de ravitaillement sont ravagés par les embuscades et les embûches! Nos troupes sont dans un tel état de famine qu’il leur a fallu reculer loin des routes entres Drasil et Rudhvin! Le gros de l’armée est repoussé jusqu’aux abords de la base de Laverne! Nous avons perdu le momentum!”

Fier d’avoir acculé son premier opposant de la soirée, le Cyr jubilait intérieurement. Il avait espéré que l’un des conglomérats marchands prennent la parole en premier afin que leur manque de finesse politique donne le ton au débat entier. Pour bien marquer le coup et achever son premier adversaire, il répliqua simplement: 
“Je ne m’attendrais pas à ce qu’un marchand ne puisse comprendre les convolutions et les spécificités de la chose martiale. Voyez-vous, cet apparente perte d’avance est communément dénommée une retraite stratégique. Devant les récents revers, nous avons décidé de nous regrouper dans un lieu sécuritaire dans le but de consolider nos régiments et nos convois afin de reprendre la guerre de plus belle. Contrairement à ce que vous semblez croire, Rudhvin ne sera ni reprise ni ses défenses remontées dans les quelques semaines où nous serons partis. Elle sera toujours le tas de ruines remplies de pièges où même un rat, ou pire, un Infidèle, ne saurait vivre.”

Les rires qui s’ensuivirent vinrent mettre un terme aux aspirations de défiance de l’illustre magnat de la soie. Embarrassé et en mal de crédibilité, celui-ci se rassit, rougissant jusqu’à la pointe de ses oreilles. Alors que la clameur se calmait et que le Cyr se délectait de son ascendance, un nouvel opposant s’annonça, avançant au-devant de la foule. Celui-ci n’était autre que Veneti Cyriel, maître de la première maison de Cyriande et précédant chef d’État des Cités Libres. Un certain stress vint agripper le monarque pour l’instant victorieux, sachant que ce nouveau venu était bien plus habile de ses mots.

“Là ou je ne saurais remettre en question le savoir stratégique du Maître de Coranthe,” dit le patriarche Cyriel, brisant la tumulte de la foule de son autorité, “il n’en est pas moins réel que la situation en Drasilhem semble des plus néfastes. Les Vigiles du Mystral menés par votre soeur devront bien un jour regagner les forteresses de Coranthe en vue des tempêtes de la saison des crocs. Tous ici connaissent l’importance de prévenir les assauts des démons d’Hevn. Là où vous souhaitez pousser notre nation et les vôtres, vous ne trouverez qu’amertume et désarroi. Les drasilliens sont dévastés, Rudhvin et Laverne sont tombées. Ils mettront des centaines d’année à se remettre de la leçon que notre nation leur a servi. Déjà, plus nous nous rapprochons de ce nid de vipère, plus notre péril est grand. Ne serait-il pas plus sage de simplement consolider notre mainmise sur Laverne? Nous sommes les fils et filles de Forsvar après tout. Long a déjà été notre règne sur ce monde, et long sera-t-il encore. Nous avons pleinement le temps de démanteler ce bastion de l’impur petit à petit.”

Devant cet argument posé et logique, la foule sembla se calmer, avec un murmure d’approbation qui semblait se disperser à travers les convives. Le Cyr s’inquiéta quelque peu. Les Cyriels supportaient ses efforts depuis la déclaration de guerre mais depuis la mort de l’un des membres de leur lignée principale, ils semblaient chercher n’importe quelle excuse pour se retirer du conflit. Toutefois, avant qu’il ne puisse rétorquer, une nouvelle voix s’éleva du milieu de la salle. Telle une marée contrôlée par une puissance divine, la foule se fendit pour révéler, à l’horreur d’Alvise, Théodora Ivaldi, maîtresse de la Maison des Ivaldi et présumée héritière du titre de Cyr.

‘’Ce que nous devons faire est de quitter cette guerre catastrophique où nous sommes maintenus par la simple force des vaines ambitions et fiertés de notre ‘’Sage’’ Cyr! Ils nous a promis une guerre rapide, une victoire éclatante et des terres, richesses et secrets à profusion! À la place, nous nous sommes embourbés dans un conflit qui dure depuis plus d’un an. Nos villes sont privées de vivres, nos armées en lambeaux, nos fils, nos filles, nos amants et fiancés meurent par centaines face aux atrocités et à l’attrition en ces terres maudites! Notre monarque voudrait nous faire croire que la victoire est à notre portée. Pourtant, chaque jour, les Démons du désert se multiplient et assaillent nos forces. À chaque heure, les hordes de barbares de l’Überst se rapprochent de leur alliés. On dit même que l’Ocre et le Noir des Thorvald est déjà présent sur les lignes de front! Chaque minutes, des dizaines des nôtres risquent leur vie pour satisfaire l’égo démesuré d’Alvise Lombarde! Cette atrocité doit cesser!’’

Devant son ardeur, une large partie de la foule subit une véritable éruption de clameur en support à celle qui venait de crier ce que beaucoup pensaient mais n’osaient dire. Le Cyr contempla la foule s’animer, voyant s’ajouter aux réfractaires des membres de la Coalition des Cygnes, la famille princière des Valente et plusieurs autres factions influentes. Sachant qu’il se devait de retrouver le contrôle de l’assemblée pour maintenir le support public, il s’en remit à sa dernière carte. Claquant des doigts, chaque torche dans la salle intensifia sa lumière dans une parfaite unisson, jetant une ombre surréelle sur l’assemblée. De même, l’enchantement de son amulette s’activa et propulsa ses propos de façon surnaturelle dans la pièce. D’une voix impérieuse, le monarque ordonna: “SILENCE!”

Alors que la foule lui rendait son attention face à une telle démonstration théâtrale, la Dauphine cyrique sembla momentanément calmée dans ses ardeurs, elle aussi impressionnée par la coordination des effets. Saisissant sa chance, le coranthin s’élança dans un discours pour réintégrer l’avantage moral et idéologique aux yeux de ses sujets:

“Cette guerre n’est pas un fardeau ni une plaie. Ce conflit est notre mission, notre héritage!” tonna le Cyr de toutes ses forces. 
“Ces abjectes entités, ces insectes qui n’existent que par la fourberie et la traîtrise sont responsables de la pire atrocité qui soit! De par leur puérils actes, nous avons perdu le Traité, le lègue de notre Père! Le Rêve de Forsvar nous est à jamais proscrit par la jalousie et la haine des Infidèles! Tous et chacun ici présent devraient être fiers de l’honneur dont ils jouissent de se voir attribuer la même tâche que le Divin Hérion, de trancher et pourfendre les traîtres suivants de Vinëren!’’

Prenant une pause pour bien laisser son discours prendre ampleur dans les esprits, le monarque cyrian fut heureux d’apercevoir des lueurs avides et emplies de fierté dans la plupart des regards qu’il croisait. D’une voix plus douce et emplie d’émotion, il poursuivit:

“Croyez-vous que je ne connais pas vos sacrifices? Votre douleur? Chaque cyrian qui meurt sur le front est l’un des miens. Chaque soldat qui succombe aux démons aux yeux noirs est l’un de mes fils qui ne reverra jamais la splendeur de nos cités ni l’effervescence des Voûtes de Lumières. Mais cela est la Voie que nous suivons. Ce chemin nous est enseigné par les écrits des Sages Prophètes de Forsvar. Soyons vigilants, tous autant que nous sommes, et éradiquons le mal en ces terres afin que plus jamais il ne puisse sévir. Le Souffle de Vinëren se doit d’être éteint!’’
Puis, en jetant un regard empli d’une ferveur à glacer le sang, il vociféra en direction de Théodora, qui, déjà, semblait battre en retraite: 
‘’Jamais je ne laisserai le martyr des héros de notre temps sombrer dans l’oubli et la ruine! Jamais je n’accepterai que des êtres grandioses comme mon défunt Lionel ne soient morts en vain!’’ 
Toutefois, alors que le suzerain semblait réussir à galvaniser l’assemblée et remporter son pari, un froid vint s’abattre sur la pièce. Là où le sang s’était échauffé de patriotisme et de fierté, il était maintenant glacé et dénué de toute passion. Tous devant le Cyr semblaient figés de tristesse et de douleur, fixant un point par-delà son champ de vision. Se retournant, l’être sur lequel il posa le regard lui causa une détresse sans nom. Telle une vague déferlante balayant toute trace de passion de son corps fut la vision qu’était Isadora, seule à l’embrasure de la porte menant aux cuisines, le visage baigné de larmes, les yeux saturés de douleur et de fureur. Et c’est à ce moment qu’il comprit. Le détail qui lui avait échappé depuis le début. Comme une illumination, il le vit; cet air terne, empli de peine et de… deuil?

“Isadora,” tenta d’articuler le monarque, son habituelle éloquence enrayée par la vision de pure douleur qui se tenait devant lui.

“Non,” rétorqua-t-elle d’une voix qui semblait aspirer tout autre son aux alentours.

“J’en… Nous en avons eu assez de vos paroles d’or et de miel. Vous parlez de tragédie, vous parlez de perte. J’étais présente aux funérailles d’État que votre frère a reçu… J’était auprès de vous alors que vous pleuriez à chaudes larmes votre cadet, pour ne plus montrer signe de chagrin quelques heures plus tard… Mais je vous demande, Ô grand Cyr, où sont les funérailles des soldats? Où sont les obsèques pour ceux dont le nom n’est pas Lombarde?..” 
Sa voix sembla s’étrangler, comme si les mots qu’elle s’apprêtait à exprimer étaient trop lourds de douleur pour s’élever hors de sa gorge.

“Où sont les cérémonies pour mon Arienna? Où est son corps, où est son sourire, sa joie? Où est ma fiancée?” 
Peu à peu, le silence sembla se résorber, alors que des murmures parcouraient la salle. Bouche-bée d’être défié par sa plus fidèle garde, Alvise Lombarde ne sut proférer aucune parole, sachant très bien que chaque mot de cette âme en peine était un nouveau clou dans le cercueil engouffrant lentement cette soirée et ses plans.

“Vous me l’avez prise. Vous nous avez tous pris nos Arienna, nos Lionel. Notre peuple saigne chaque jour. Vous avez attiré le démon du désert sur notre continent. Vous avez exsanguiné nos coffres et nos caravanes. Vous avez aliéné nos alliés. Et pour tous ces maux, qu’avez-vous à montrer? Une cérémonie hypocrite et une ville en ruines. Je pleure mon aimée chaque soir, alors que vous, vous flattez votre égo.” 
Et de ces paroles, Isadora défi sa cape de bleu et d’or, laissant le vêtement tomber lâchement au sol avant de se retourner et de disparaître dans les méandres des cuisines. Obnubilé par le vide que laissait derrière elle cette être de chagrin et de douleur, Alvise n’entendit pas la houle grandissante de colère et de protestations. Alors que les opposants à la guerre vociféraient passionnément, le Cyr, sans un mot, se retourna vers l’entrée royale derrière son siège et, lentement, quitta la pièce, désireux de se séparer ce cette arène politique qu’il avait lui-même édifiée alors même que les factions des deux camps dégénéraient en une cacophonie d’arguments et d’invectives.

Brumelance 4ème événement

Chronique I: Du Renard et de la Croix

Revêtu d’habits étrangement guerriers pour l’occasion, le jeune duc s’apprêtait à recevoir les membres de son conseil restreint afin de faire son annonce. Voilà déjà plus d’un an que le jeune Valentin Danteigne avait repris en main le duché et ainsi, plus d’un an qu’il tâchait à remettre de l’ordre sur les terres dont il était désormais le gardien. Son nom, sa lignée, avaient été entachés par le parricide avide et envieux de son abominable sœur mais ce soir allait être le moment où lui, un jeune homme de 15 ans que l’on n’aurait jamais cru voir régner, allait regagner l’honneur de sa famille.

Dans la pièce rectangulaire où se rencontrait son conseil, il avait fait installer de longues bannières aux couleurs de sa famille. Du temps de la guerre de l’Exil, ces bannières avaient flottées aux côtés de celles de Banffre dans le but d’assurer la force des siens contre l’envahisseur. Maintenant, plus que jamais, la position des exilés était fragile et il fallait agir pour permettre à son peuple de préserver ses véritables racines. Et c’est justement ce à quoi le Duc œuvrait, plein de fierté, depuis le début de son règne.

L’heure venue, les gardes de la salle firent ouvrir les grandes portes de bois pour que puissent entrer les 5 comtes et comtesses qui se séparaient les terres de son duché. Chaque invité prit place de part et d’autre du jeune régent, toujours debout devant le fauteuil ancestral où avaient siégé les siens avant lui. Le climat ambiant au départ léger s’alourdit peu à peu, alors que chacun posait le regard sur le jeune Valentin qui ne rendait aucun sourire et surtout, tenait à son poing l’épée de son père. Même son sixième et dernier invité, l’irrévérencieux Lothaire de Lacroix, fut surpris dans sa typique et joviale désinvolture et bredouilla des excuses polies au jeune homme avant de prendre place. Chevalier et homme de confiance de son père, Lothaire avait été un allié précieux de sa famille, et en fut l’un des siens tout au long de la passation des pouvoirs. Surtout, cet homme avait su trouver les mots pour le survivant lors des événements tragiques qui avaient fracturé sa famille. Une personne bien. Et c’est pourquoi les premiers mots de Valentin à l’assemblée furent d’accepter l’écart de celui qu’il considérait désormais comme son ami.

Pris de nervosité devant l’ampleur de ce qu’il avait à dire, l’adolescent prit quelques instants pour passer en revue dans sa tête le discours qu’il allait prononcer. Son précepteur, Vaillant Corallin de Rive-Sainte, lui avait longuement parlé de la guerre de l’exil et chacun des mots lui revenait immédiatement en tête. Il lui fallait surtout éviter d’être trop long ou de flancher sous la pression. Être ferme, comme tout duc doit savoir le faire. Sans laisser paraître ses hésitations, il ouvrit l’assemblée sans aucune parole cérémonielle :

 » Voilà bien une centaine d’années, nous, véritables héritiers de Mévose, nous sommes tenus ensembles et avons affirmé nos héritages devant les envahisseurs. Nos ancêtres se sont tenus debout alors que tous les croyaient morts, affirmant qu’en leur cœur brûlait toujours la flamme de l’empire et qu’en leur esprit résonnait toujours plus fort le discours de Brador, porteur de la lumière. Mais aujourd’hui, la Marche Exilée n’est plus comme ainsi. Elle est gangrénée par les luttes de pouvoir intestines. Nos frontières sont désormais si diffuses que plusieurs se convertissent aux fois païennes et laissent ces dernières entrer chez eux et mener des guerres contre les leurs. Et où cela nous mène-t-il? À des orcs qui trônent impunément dans la région de Belfort, se disant maîtres de la route vers Valterne.  »

Prenant une courte pause, le garçon toisa les seigneurs qui l’entouraient. Son entrée directe et délibéré en la matière avait causé une vague de confusion qui parcourut chacun des invités en présence. Ils avaient l’habitude que le garçon s’emporte dans des discours passionnés et trouvaient même ce trait mignon, voire attachant, mais la sévérité actuelle du jeune homme était décontenançante, et les pouvoirs qu’il avait désormais entre ses mains les fit craindre le pire. Leur duc allait-il s’embourber dans une nouvelle guerre contre Belfort? Cela relevait de l’impossible. S’amusant un peu de l’effet dramatique, Valentin reprit après quelques longues secondes. Il ne cherchait pas à jouer avec les émotions de ses plus fidèles alliés, seulement de mettre la table pour ce qui allait suivre. C’est pourquoi il s’adressa cette fois aux nobles attentifs de manière douce et pesée :

‘’Depuis ma naissance, j’ai pu vous voir à l’œuvre et vous juger, malgré mon jeune âge. À travers chacun de vous, je vois ces héros du passé ressurgir. C’est vous qui êtes les protecteurs du peuple et votre dévotion à l’endroit de votre communauté, mon peuple, n’a d’égal que votre piété. Malgré d’aussi preux modèles, je me sens faillir. À travers moi, je ne reconnais aucun héros. Même vous, à travers vos regards, je vois qu’il y a du doute. Un doute justifié, car si je ne peux me faire confiance, comment le pourriez-vous?’’

À ces mots, le duc pencha la tête, laissant entrevoir à ses proches que même si le discours semblait avoir été préparé, l’émotion, elle, était réelle.

 » Dans ces deux dernières années, j’ai vu mon père mourir aux mains de ma propre sœur. Cette ulcération m’afflige… ainsi que toute ma lignée. Je suis jeune et je crois que la seule chose qui me permette de ne pas céder aux corruptions du pouvoir, c’est votre force et vos conseils à tous. Notre unité nous tient loin du danger de l’envie. Mais plus jamais je ne veux qu’une personne ne soit tentée par le pouvoir en Danteigne au point où ce trône lui-même ne passe avant les intérêts de notre communauté. »

Surprenant son conseil, l’adolescent s’élança d’un bon élan et frappa de l’épée de son père le siège où il aurait dû être assis. L’arme résonna contre le bois solide mais le siège ne se brisa pas. Au contraire, le contrecoup du métal sur le bois causa un tel impact lorsque la lame ne se planta pas que le garçon fut contraint de laisser tomber l’épée qui atterrit au sol dans un bruit sourd. Devant ce geste qui se voulait symbolique, le comte Guillaume Lemaresquier se leva de son siège pour poser une main rassurante sur l’épaule de son duc. Répondant au regard compatissant par un sourire déterminé, Valentin tourna la tête vers les plus puissants seigneurs de son duché et leur livra son projet avec une assurance renouvelée :

 » J’ai vu ce que le pouvoir peut faire et je déclare en ce jour qu’il ne régnera plus sur Danteigne aucun prince. Vous serez ceux et celles qui guideront le peuple et serez gardiens de nos traditions, mais ce sera l’Église qui assurera l’administration suprême du duché. Moi, Valentin Danteigne, dernier duc de Danteigne, affirme qu’il n’y aura de maître en ces terres que les plus dignes descendants de Brador, choisis par notre Église. En ce jour, je vous annonce que le Pontife Sigmund Percile et moi-même pavons la voie vers la réparation de l’outrance qui a été commise contre nous il y a un siècle de cela, alors que l’Empire mévosien fut scindé en deux entités. Danteigne devient le huitième pilier de Langegard et ce fut le premier pas vers la renaissance de notre défunte puissance. Dans 40 jours, Lothaire de Lacroix, le plus fidèle ami de mon père et l’homme ayant assuré la régence durant la dernière année, sera officiellement sacré Cardinal de Danteigne. Quant à moi, je prendrai la route avec une délégation des plus fidèles soldats que je connaisse dans le but se renforcer la brigade frontalière et prêter main forte à nos compères de la Marche. Je ne laisserai pas mon seul sang faire mon nom. Je suis un Danteigne, et il est temps que je vous prouve que je mérite le respect que vous m’accordez, par ma vie, ou par ma mort! »

Malgré qu’il était arrivé à maintenir sa candeur tout au long de son discours, Valentin Danteigne ne put s’empêcher de s’écraser sur la chaise qu’il avait voulu démolir dès ses dernières paroles prononcées. Ce qu’il venait de faire là, il l’avait répété des semaines durant tellement il croyait important que le moment passe à l’histoire. Et même s’il maudissait le foutu “trône” de ne pas s’être brisé sur le champ, il remerciait également la providence d’avoir maintenu pour lui un siège suffisamment solide sous son poids pour répondre aux questions de son conseil.

La haute noblesse du duché avait déjà vu venir l’inclusion de Danteigne à l’intérieur des piliers de Langegard. Discrètement, les officiels langegardois s’étaient déjà assurés de négocier celle-ci avec chacun d’eux. Toutefois, vu la jeunesse et l’apparent idéalisme de leur seigneur adolescent, il avaient tous préféré laisser paraître qu’il s’agissait là de sa décision à lui seul. À une époque plus stable le garçon aurait assurément pu faire un bon seigneur, mais par ces temps troubles, il leur fallait de la stabilité. Les six personnes assises à la table s’entendaient pour dire que l’annexion à Langegard était la voie vers une Danteigne plus forte. Progressivement, le peuple et les petits seigneurs allaient être informés de ce changement mais ils ne craignaient pas une forte opposition de ce côté, la présence langegardoise étant déjà massivement amassée partout sur le duché. Néanmoins, l’ombre de nouveaux conflits à l’intérieur même de la Marche planait. La dissociation de Mésière au profit du Vigmak s’était faite tellement discrètement que peu en avaient fait de cas; mais pour Danteigne, l’animosité déjà présente risquait à tout moment de les mener à une nouvelle guerre…

Chronique II: l’équinoxe de l’appréhension.

En les terres reculées de Valterne, là où la pratique du Cycle s’était toujours faite discrète jusqu’à présent, Rivesonge voyait désormais un vent de changement décisif amené par l’arrivée massive de priants du Cycle depuis le dernier hiver. Pour la première fois, l’Équinoxe d’automne prit une importance incontournable. Les préparatifs se firent subtilement, mais une agitation notable occupa le fort des Saisons et le petit domaine regroupant la Maison Rouge, la Coterie du Solstice et la compagnie d’Eadwulf. De nombreux va-et-vient se firent entre le fort et le domaine, et la population du village, laissée dans le mystère des activités, furent bientôt bien intrigués par ce remue-ménage peu habituel chez leurs voisins généralement à l’écart.

Puisque la construction du grand Sanctuaire devant accueillir les priants n’était pas achevée, la décision fut prise de déplacer le lieu de célébration plus près du village. Dans la plaine devant la résidence de la Maison Rouge, de grands chapiteaux furent érigés et les décorations de feuilles colorées et d’herbes firent foisons en quelques heures, transformant le lieu en une explosion de couleurs chaudes et de vie. Malgré la connotation religieuse de l’événement, tous furent invités à partager les festivités avec les priants du Cycle. Après tout, les récoltes font généralement le bonheur de tous durant l’hiver, Cyclaires ou pas, et c’est une part de ce que représente l’Équinoxe d’automne.

La veille des festivités toutefois, les résidents de Rivesonge furent froidement rappelés à la réalité qu’avait dissimulé l’esprit festif. Des messagers, nombreux, apportèrent de sombres nouvelles concernant des actes barbares et effroyables, des écorchements massifs et autres actes ignobles autour de Rivesonge. L’effroi de la situation et la proximité de l’arbre maudit des lieux de fête refroidirent l’ardeur des villageois et beaucoup préféraient délaisser la célébration au profit de gagner la sécurité relative de leur demeure. Les Cyclaires quant à eux, malgré leurs regards s’égarant parfois vers le sombre sentier menant à cette entité maléfique, tinrent bon et les festivités de l’Équinoxe eurent lieu; par jeux, contes, vins, chants ancestraux (et quelques-uns plus coquins bien sûr, signés de la patte de Merlot), et souhaits d’abondance et d’accomplissement pour tous.

Alors que l’après-midi tirait à sa fin, les invités peu enclins à assister aux pratiques religieuses cyclaires furent poliment incités à quitter les lieux. Le cercle composé des vétérans de l’événement se ressera autour du feu afin de procéder à la cérémonie elle-même. Astrid Dennissov d’Eorl, dans sa tenue grise de cérémonie, requit le silence de la petite foule. À sa droite se trouvait son élève et tout premier hiérophant de Rivesonge, Sorin. À la place d’honneur, à sa gauche, se trouvait la prêtresse Valborg de Memento Mori, un groupe de Cyclaires dévoués à l’Éphèbe. Derrière eux, en retrait un peu dans l’ombre, Sieg Alfertz observait la scène en souriant, les bras croisés. Astrid prit la parole de sa voix douce et ses propos furent rapportés dans tout Rivesonge par la suite à qui voulut bien les entendre.

“Enfants du Cycle, que vous soyez de l’ancestrale Vigmark, de la grande Marche Exilée, des rives lointaines de la chatoyante Cyriande ou de toute autre nationalité… vous êtes ici l’incarnation même des piliers du Cycle en Rivesonge; frères et soeurs dans l’adversité. Ce soir, vos offrandes seront reçues et offertes au Cycle. Je sais que la situation semble lugubre mais je prie que cette entité qui cherche à nous contrôler par la peur ne prenne pas le dessus sur nos âmes. Notre sang coulera. Mais pas inutilement! Le sang Cyclaire est précieux, il doit être versé avec discernement et jamais en vain. Nous sommes réunis pour célébrer l’accueil que nous fait l’Éphèbe en son domaine. Le temps de récolter ce pourquoi nous avons travaillé, ce que nous avons édifié, et fournir les efforts nécessaires pour se préparer à l’hiver qui vient.”

Un mouvement de malaise parcourut l’assemblée à la mention de l’hiver en approche. Si de nombreux regards furent tournés vers l’orée des bois à la mention du sang, l’hiver était une menace intangible que tous appréhendaient. Ce fut Valborg qui prit la parole, avec toute l’assurance que dégageait naturellement sa voix forte et ferme.

“Astrid Cadunt!”, tonitrua-t-elle, élevant au-dessus de sa tête une coupe de verre remplie d’un vin rouge opaque.

Une clameur s’éleva de l’assemblée, en écho à l’appel de Valborg : “Astrid Cadunt!”.

“Mes sœurs et frères cyclaires! L’Éphèbe, généreux, nous fait cadeau de ses fruits. Mais ne laissez pas votre estomac repu vous alanguir. Gardez-vous de l’engourdissement de l’ivresse des vendanges.”

Son regard sévère parcourut l’assemblée. “Pour les Cycles!”, s’exclama-t-elle. D’un geste large et vif, elle répandit le contenu de la coupe devant elle et fut imitée par quelques cyclaires.

“Votre travail n’est pas achevé. L’équilibre des cycles doit être rétabli pour que l’hiver retrouve sa clémence d’antan. Accepterez-vous avec humilité votre rôle pour le restaurer? Filles et fils de l’automne, ouvrez les yeux : votre fardeau est d’honorer les défunts. Et plus que jamais cet automne, honorez-les avec rigueur et piété.”

Alors que tous levaient leurs verres pour l’acclamer, un hurlement inattendu remplaça les cris d’allégresse. Habitués à s’élancer pour secourir ceux qui se trouvent en détresse, les célébrants s’arrêtèrent d’un coup sec devant la scène qui se déroulait devant eux. De l’autre côté du lac, des gens couraient vers le village, fuyant une masse sombre et verdâtre qui poursuivait une pauvre victime avec fureur. Puis, soudainement, la forme s’arrêta sèchement au milieu du pont. Sa cible maintenant hors de portée, la créature se figea et se retourna lentement vers son auditoire impromptu. Croisant ses lames devant lui comme s’il saluait les Cyclaires, le Gardien fléchit les genoux avec lenteur et fut amené à disparaître dans le sol, avalé par un amas de ronces et de Brume. Jamais il n’avait été aperçu si loin de la rivière. Le silence engloutit les célébrants alors qu’Astrid, la gorge nouée, levait les yeux vers le soleil couchant.

“Oh, enfant de l’Éphèbe, tu n’as pas accepté mon sang pour apaiser ta colère. Devras-tu donc boire celui de tous ceux qui ont foi en toi avant d’être enfin apaisé? Que le Cycle nous en garde…” soupira-t-elle avec amertume.

La hiérophante se retourna vers l’assemblée incertaine. Avec toute la douceur qui la caractérisait, elle soupira et éleva la voix afin que tous l’entendent bien.

“Cyclaires, amis. l’Éphèbe n’est pas notre ennemi. Il est conclusion, aboutissement. Il n’en tient qu’à nous d’agir avec sagesse et discernement. Nous devons réparer la faute commise. D’aider le Cycle à se rétablir est notre tâche sacrée, le fardeau de notre peuple. Ne craignez point l’hiver, ne craignez point la fin. Seul compte ce que nous faisons du temps qui nous est accordé en notre Cycle. Bien que ce ne soit pas coutume, je souhaite que perdurent nos prières et cérémonies offertes à l’Éphèbe, jusqu’à ce qu’il soit apaisé… ou que le Gardien soit rétabli de ses blessures. Seul cela nous sauvera du chaos qu’a créé ceux qui ont poignardé l’Hiver.”

Chronique III: De ronce et de sang

On ne pouvait pas dire que les habitants de Rivesonge n’avaient pas essayé de dissiper les effets de l’arbre de chair. Malgré la terreur que le Seigneur de Sang lui-même avait semé, plusieurs regroupements avaient tenté de s’en prendre à sa création. Les attaques physiques s’étaient multipliées malgré leur faible efficacité, symbole de la ténacité des multiples peuples présents. On raconte même que certains membres de la Maison Rouge, accompagnés d’un expert de siège, avaient déplacé de toute misère un canon à travers les chemins forestiers peu avenants jusqu’à l’arbre. À l’aide de boulets bénis, ils avaient même réussi à fissurer l’arbre! Toutefois, chaque impact rendait la réaction surnaturelle de plus en plus forte; une première onde de choc fit trembler le feuillage des arbres, une seconde secoua les branches… Pendant ce temps, les ronces se mettaient à s’agiter et se tordre de plus en plus alors qu’un gémissement s’émanait de l’arbre. Au troisième impact, l’onde de choc fut si violente que les spectateurs furent violemment projetés au sol. Une des immenses ronces fouetta vers le canonnier et sitôt la première goutte de sang tombée au sol, son pied commença à s’enfoncer dans la terre. Il ne fut sauvé que par la réaction rapide de ses comparses qui le tirèrent immédiatement de là, au même moment qu’un gémissement grave résonna de l’arbre et répandit un écho à travers la forêt. Toutefois, la blessure se referma à vu d’oeil et ne laissa aucune trace de la violente tentative et tel que la rapide guérison de l’arbre pouvait laisser présager, les semaines qui suivirent furent bien sombres pour la région…

À quelques jours seulement du solstice d’automne, les histoires colportées de délégations macabres composées d’être vêtus de lambeaux de chair dont l’état variait de fraîchement dégoulinants à fétides de putréfaction qui sillonnaient la région. Les témoignages rapportaient que de telles apparitions aux quatre coins de Valterne laissaient derrière elles le saccage des chaumières de ceux assez malchanceux d’habiter sur leur chemin. En travers des murs encore debouts des ruines, les créatures avaient tracé des formes grossières à l’aide d’une encre fétide qu’ils avaient vomie; un mélange de bile, de pus et d’autres fluides corporels dont l’obtention avait été sans nul doute violente. De la souillure résultante, les initiés pouvaient reconnaître des runes de magie écarlate grossièrement reproduites.

De plus, les préoccupantes nouvelles soulignaient que les courageux qui osaient interrompre les terribles processions connurent un triste sort. Les écorchés ne s’empêtraient d’aucun prisonnier et ainsi, ça et là, les victimes étaient éparpillées en un sillage sanglant. Crispés par la douleur, ils succombaient lentement de l’effet de la gravité, le poids de leur corps les enfonçant de plus en plus bas au long de pieux à peine dégrossis sur lesquels ils avaient été plantés sans cérémonie. Leurs gémissements faisait trembler les malheureux qui venaient qu’à croiser leur chemin et leurs larmes se mêlaient à leur sang qui humectait la terre qu’ils ne touchaient pas encore. Ensemble, ils formaient un avertissement macabre à l’endroit de ceux assez fous pour vouloir déranger l’aboutissement de l’oeuvre des chevaliers de sang.

Il n’avait fallu que peu de temps avant que les rumeurs des horreurs perpétrées se trouvent aux lèvres de tous et toutes. Certains clâmaient que toute effusion de sang disparaissait dans la terre et même, parfois, qu’une seule goutte y tombant s’y enfonçait immédiatement. En Rivesonge, l’on savait ces rumeurs “vieilles”; si près de l’arbre de chair, tous avaient eu vent des courageux (ou insensés, tout dépendant à qui on demandait) qui s’étaient rassemblés autour d’une lance possiblement plus dangeureuse que l’arbre lui-même, se servant d’elle afin de catalyser une magie puissante à l’aide de laquelle ils réussirent à affaiblir celui-ci, quoiqu’à fort prix. Par leur sacrifice, le rayon d’influence de l’excroissance macabre avait été réduit à quelques dizaines de mètres seulement mais, au grand désespoir commun, le danger au sein de cette zone rétrécie ne s’était qu’amplifié à la suite des soins que les chevaliers de sang avaient apportés à l’arbre. On pouvait dorénavant compter quelques dizaines de corps qui avaient été assemblé à l’oeuvre de chair, colmatant les fissures.

N’aidant en rien le moral commun, si la majorité du sang versé ne faisait plus que tacher le sol comme auparavant, l’arbre maudit gagnait tout de même en puissance. L’on pouvait entendre l’habitant sanguinaire, s’étant enfoncé à l’intérieur de sa création, rire des tentatives nombreuses de prières ponctuant les jours qui suivirent et narguer les maladroits aventuriers qu’il interrompait sans cesse dans leurs vains efforts. De ceux qui réussirent à entamer une discussion avec lui, tous recevaient la même réponse; les visiteurs n’étaient pas les bienvenus et devaient partir. Constatant que leurs actions n’avaient aucun effet sur la situation, les différents regroupements quittaient inévitablement les lieux. Et, comme si cela n’était pas suffisant pour serrer d’inquiétude le coeur des peuplades de Rivesonge, la brume qui émanait de l’arbre s’immisçait de plus en plus loin dans la forêt et les ronces géantes qui s’étaient dressées en un halo de protection autour de la chose de chair s’étendaient au même rythme. Le chemin vers l’arbre fut éventuellement entièrement bloqué par les épineuses croissances. La forêt elle-même se trouvait également sous attaque; les troncs se dressant dans l’enceinte grossissante n’eurent pas l’occasion de vivre leur transformation automnale en couleurs chatoyantes que la corruption les envahit et les firent virer, de la terre en montant, au rouge dégoulinant de la chair qu’on dévoile. En effet, leur pureté végétale fut dénaturée, graduellement couverte de plus en plus du manteau terrible et immédiatement reconnaissable comme étant la signature de l’être immonde qu’était l’Écorcheur. En une irradiance dégoûtante, le sol dégageait une odeur de la fétide putréfaction qu’était son infection.

À mesure où la forêt glissait dans l’emprise du Seigneur de Sang et que la lune de septembre se rapprochait, plus les habitants de la région ressentaient une présence intrusive et malaisante s’emparer d’eux. Certains, plus sensibles, en firent des cauchemars affreux, voyant dans la nuit l’arbre et la forêt au grand complet se remplir de chair immonde et de cadavres pendus par les tripes dans les arbres, des sbires aux différentes silhouette riant grossièrement tout en arrachant sans cérémonie la peau d’un malheureux, toujours conscient, hurlant de douleur… Nombreux furent les réveils couverts de sueurs froides.

Dans la pénombre, les habitants de la région pouvait également apercevoir des lueurs rouges un peu partout dans la forêt et, parfois visibles à l’orée du bois, des silhouettes difformes et immobiles.

À ce jour, les Chevaliers de Sang, hérétiques habitants de Valterne, continuent leur travail macabre en collectant des tributs auprès des plus faibles et s’accaparant des portions de terre des Stahliens basés à Rivesonge. Leur dessein semble plus complexe que ce que laisse voir les grotesques machinations de leur seigneur. Plusieurs racontent que ces traîtres à la vie sont très méticuleux lorsqu’ils démembrent les cibles qu’ils ne pieutent pas; ils ne prendraient que certaine parties et laisseraient le restant des corps pourrir après avoir terminé de s’amuser ou, possiblement, la culmination de leur plaisir. Certains cadavres avaient été retrouvés dans un état particulièrement horrible, leurs tripes faisant office de banderoles macabres, leur langue partiellement arrachée en pendant de façon dépravée en en travers de leur joue s’ils les avaient encore, leurs yeux ouverts, comme figés dans l’horreur de leur mort elle-même…

Le plus troublant vient des histoires encore plus sordides des misérables qui ont consenti à marchander avec les sbires écarlates. En effet, quelques-uns ont maintenant un lien plus particulier avec le seigneur Écarlate car si l’Écorcheur a consenti à leur insuffler de nouveau la vie, celle-ci n’est pas sans prix.

Il est dit par les plus téméraires de la lune dernière que l’Écorcheur lui-même aurait annoncé que l’arbre contenait sa monture, une entité qui lui permettrait de quitter Mévose et d’aller répandre son pouvoir ailleurs sur Élode. Vers quelle nation irait donc la folie macabre de l’Écorcheur? Il va de soi pour plusieurs en Rivesonge qu’ils devront se mobiliser, peu importe les réticences, et devront prendre action s’ils ne souhaitent pas découvrir ce que le Seigneur de Sang planifie réellement. L’ambiance lourde qui pèse sur les alentours du domaine maudit n’apparaît être que l’ombre de l’oppressante canicule se trouvant en son centre qui semble insensible à l’hiver en approche. À l’instar de la zone surnaturellement tempérée, plusieurs coeurs avoisinants semblaient empreints d’une étrange chaleur qui ne coïncidait guère avec le changement des saisons…

CHRONIQUE IV : De lune et de sang

Lentement, l’Astre du jour étirait ses dernières heures en cette 20ème journée du mois de Septembre.Indéniablement, la chaleur des derniers jours s’estompait, au plus grand bonheur des condottieres de la 6ème bannière du Rempart d’Argent. Enfin, leurs lourdes armures lamellaires ne seraient plus tels des fourneaux, cuisant et asséchant peu à peu leurs corps endoloris par les multitudes de combats et de marches forcées qu’ils avaient dûes subir depuis l’effondrement de la ligne de front cyriande. Du haut de la vénérable tour de guet, Clarence observait l’horizon, le stress agrippant ses entrailles telles les terrifiantes serres d’un démon du désert. La jeune recrue de la compagnie de mercenaires, enrôlé à peine un an auparavant, le jeune Alfar était l’une des perles rares qui avaient su refaire la réputation de la compagnie après les affres de la guerre d’Unification. Bretteur hors pair, il avait su, de la pointe de sa rapière, terrasser des vétérans des forces drasiliennes avec une telle précision que déjà plusieurs le considéraient comme l’un des futurs Héros des Songes de Lumières qui seraient chantés d’ici quelques dizaines, voire même centaines d’années.
En contrebas de son poste d’observation, il entendait la furieuse conversation de ses supérieurs. Les officiers argumentaient à nouveau sur le sujet qui avait occupé les esprits de tous et chacun tout au long du dernier mois. Le jeune prodige se rappelait bien les horribles péripéties qui avait mené à la situation périlleuse dans laquelle ses frères d’armes et lui se trouvaient.

C’était au début du mois. L’habituelle caravane de Ravenne, contenant paie pour les mercenaires ainsi que vivres et équipements pour ravitailler la troupe n’était pas arrivée. Le retard étant loin d’être inhabituel, les jours passèrent normalement dans le camp du Rempart aux abords de Rudhvin, tous étant persuadés que le convoi était simplement en retard, ou bien qu’il avait succombé aux embûches et assauts des Infidèles. Mais, à mesure que les jours s’écoulaient sans message ni caravane, sans que le silence de Cyriande ne soit brisé en aucune façon, les lames à louer aguerries se rendirent lentement à l’évidence. L’habituel flot de caravanes interrompues puis remplacées par les Cités Libres semblait soudainement immobile. Bien vite, les éclaireurs revinrent avec des nouvelles macabres. Chacune des forteresses, autrefois conquises et occupées, était maintenant désertée, chaque camps ravagé, empli d’un silence que seule la mort pouvait évoquer. Il semblait que la compagnie mercenaire, chargée de défendre la route principale entre Laverne et Drasil, soit maintenant la seule composante d’une ligne de front qui, jusqu’à tout récemment, tenait admirablement face à l’attrition et à l’incessant harcèlement des forces vineraines. Pire encore, nul éclaireur envoyé vers le camp de base de Laverne n’était revenu.

Ainsi, la troupe se retrouvait seule en territoire hostile, sans ravitaillement, sa seule voie vers les territoires contrôlés coupée par un nombre inconnu d’opposants. 
Finalement, après quelques jours, durant lesquels la paranoïa et la peur furent les ingrédients d’un marasme d’inquiétude et de nuits blanches, les condottieres firent une nouvelle et sombre découverte; une sacoche ensanglantée, apparue comme par magie entre deux tours de garde à l’aube, clairement déposée là par un être presque surnaturellement habile avec les ombres. A l’intérieur, on trouva une lettre, arborant un sceau cyrique brisé, parsemée de tâches que tous purent rapidement identifier comme la résultante d’un meurtre des plus barbares.

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À l’attention de tout régiment ou compagnie sous les ordres de l’État Major des Cités Libres de Cyriande.

Suite à de lourdes pertes d’effectifs, et devant l’Insubordination des Compagnies marchandes face à la volonté du Cyr Alvise Lombarde, chaque membre des forces armées présentes sur le territoire occupé de la Principauté drasilienne doit immédiatement se replier vers le camps de base de Laverne pour y recevoir sa réaffectation. La ville de Rudhvin est considérée comme une zone mortelle et n’est plus occupée par nos forces.

Les bataillons comprenant des corps d’ingénieurs ont pour ordre de se présenter directement à la contremaitre Fiorina Viscogne et d’emporter tout matériaux de construction pouvant servir à l’érection de nouvelles défenses dans la ville. 
La zone de Laverne prend dès maintenant préséance sur celle de Drasil comme zone d’intérêt premièr.

Général Aurelius Valente.

Ajouter en note au bas de la page, on pouvait y voir d’un rouge cramoisi :

Bon séjours Fidèles agneaux égarés. Nous vous montrerons la Voie très bientôt.

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Clarence eut un frisson face à cette dernière ligne, tentant de se convaincre qu’il s’agissait là du sang d’une bête et non de l’un de ses frères. Combien de rumeurs avait-il entendues sur ces êtres d’Al-Sharaz, ces fous furieux qui tuaient tels des fanatiques et qui pactisaient avec des Habitants et autres horreurs de la Brume. Leurs corps déformés par leur magie cauchemardesque. Leur soif de sang et de carnage face à ses dignes frères et soeurs de foi. Les monstres qu’ils lâchaient sur leurs proies. L’audace malsaine avec laquelle ils chassaient sans cesse, se repaîtrant de la chair des Alfars et humains tombés au combat. On disait même que certains d’entre eux se donnaient volontairement la mort pour faire périr des dizaines d’ennemis dans des explosions d’arcanes.

Le jeune Alfar, se surprenant à entretenir ce genre de pensées, ébouriffa son épaisse chevelure dorée pour se changer les idées. Après tout, les Al Sharaziens étaient coincés sur le continent après la perte du fendeur de Brume. Celui-ci, à peine en état de naviguer, était ancré dans le détroit de Noc’Tol, incapable de traverser la Mer de Sang. Selon les derniers rapports des espions, pas plus de deux ou trois milliers d’entre eux se trouvaient sur les terres drasiliennes, alors qu’un nombre similaire se retrouvait pris dans le camp d’arrimage, n’osant pas traverser le détroit, la puissance cyriande paralysant ces insectes Infidèles.

Et après tout, la forteresse de Draliénor qu’occupaient les Remparts d’Argents était une imposante pièce défensive aux murs intriqués et aux tours solides. La place forte était savamment conçue et en parfait état, elle saurait repousser tout assaut des chiens vinerains et de leurs bêtes de guerre. Sans oublier que Clarence lui-même était présent. Il était au fait de sa réputation, et de la facilité déconcertante avec laquelle il effectuait des manoeuvres qui laissaient ses confrères pantois et verts de jalousie. Certes, la troupe de mercenaires en elle-même était composée de plusieurs centaines d’hommes et de femmes d’armes hautement disciplinés et compétents, et leur équipement, bien qu’usé, provenait des forges les plus ardentes de Viscogne. En comparaison, les haillons, les guenilles et les quelques pièces de cuir, tenant plus de l’ornement que de l’utilitaire, que les bâtards de la Prophétesse pavanaient sur le champ de bataille semblaient bien dérisoires. Le jeune duelliste se mit à sourire. Il n’avait aucun doute que le château repousserait toute attaque le temps que l’offensive reprenne du momentum et ne vienne libérer la zone où ils étaient cloués.

Ce regain de confiance vint calmer l’angoisse de l’impétueux Alfar, qui prit une grande inspiration afin de relaxer ses muscles tendus. La brise fraîche était une bénédiction après la récente recrudescence de chaleur des derniers jours. Lentement, il se laissa choir sur le parapet du mur devant lui. Levant les yeux vers le ciel, il admira le soleil se coucher, remerciant l’image du Maître des Voies de sa bénédiction durant la journée. La nuit allait tomber, la voûte stellaire allait succéder à l’azur des cieux. Et encore une fois, les diables d’Hevn resteraient inactifs. Déjà quatre nuits sans suite à la menace de la lettre. Ces sauvages n’osaient probablement pas s’aventurer à portée de leurs arbalètes.

Il leva davantage ses prunelles couleur de mer, admirant les nuances d’Ocre et de Pourpre qui parsemaient lentement l’horizon. Le calme s’empara de lui, alors que la fraîcheur parcourait son corps. Sa tête continuant sa motion en arc, le jeune Alfar se sentit léger, étrangement en paix avec la situation. Le doute quitta son esprit, alors qu’une certaine fatigue et une rigueur s’emparait de lui. Maintenant parfaitement droit, il ne jugea pas bon de cesser son mouvement, se laissant lentement tomber vers l’arrière, une assurance de glace semblant l’animer. Tout soucis s’estompant tranquillement, Clarence s’abandonna docilement aux étreintes de la nuit, glissant doucement vers un sommeil de marbre, bercé par la splendeur des astres. Une seule pensée vint troubler sa pure sérénité. Cette étrange chaleur qu’il sentait, irradiant de son torse, ébranlant la quiétude de son esprit. Alors que ses pieds semblaient quitter le sol, son regard s’attarda un instant sur la curieuse tige tressée de plus dépassant des lamelles de son plastron.

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Délicieusement, les crépitements du bois du brasier central de la place forte accompagnaient la danse mesmérique des flammes. Les cadavres empilés sur l’enchevêtrement de poutres et de bûches disparaissaient lentement. Zarif se délectait doucement de voir la chair des pathétiques Fidèles fondre, le gras se faufilant entre les lamelles des encombrantes cages d’acier que les sôts de Cyriande étaient si prompt à revêtir, espérant qu’elles puissent pallier à leur franche incompétence sur un champ de bataille. Alors que ses frères riaient du macabre spectacle tout en célébrant une chasse fructueuse, le sorcier du désert posa un regard quelque peu dépité vers leurs guides drasiliens, reclus de la scène qu’ils considéraient grossière et vulgaire. 
Amusant à quel point ces idées de civilité et de protocole semblaient avoir rendu les suivants de Myrh et d’Akkar complaisants et empêtrés dans de vaines courbettes. Tôt ou tard, il était impératif que la faiblesse quitte ces porteurs du Souffle et qu’ils reconnaissent l’unique Dogme digne de Vineren. Qu’ils abandonnent enfin ces fourbes prétentions d’individualisme dans leur quête de perfection, et que, finalement, ils soumettent leur volonté à celle de ceux hautement plus méritants qu’eux-mêmes. Car telle était la volonté d’Hevn. La race dokkalfarique, bastion de perfection, libérée de ses impuretés tel l’acier, martelé et plié jusqu’à ce que celles-ci soient rejetées.

À tout le moins, l’Al-Sharazien était heureux de pouvoir dégourdir ses jambes et utiliser ses griffes d’Al-Agai. Trop longtemps avait-il croupi au sein du camp des siens, aux abords de la capitale des Dokkalfars d’Élode. À moins d’un jet de pierre des sites d’asile hébergeant les milliers de réfugiés de la guerre, les maladies et infections y étaient presque pandémiques. La famine généralisée, alors qu’à peine un tiers du royaume appartenait toujours aux Drasiliens, et les champs des zones occupées pillées et ravagées par le conflit, exacerbait la propagation des miasmes environnants. L’approche de la saison morte semblait causer une frénésie chaotique, alors que chacun tentait de se nourrir au jour le jour, évitant comme la peste toute pensée des affres hivernaux à venir. Même les Grandes Familles, tel le Lazuli, la Cornaline et la déchue Obsidienne semblaient succomber à cette panique ambiante.

Les landes contestées, au contraire, offraient au Dokkalfar d’Al Sharaz tout ce dont il pouvait rêver. Des vivres, fournis par les Drasiliens ou par la négligence des Fidèles en fuite, vers Laverne ou leurs prétendues Voûtes de Lumières. De l’espace, où les plaines du centre du Royaume lui rappelaient les dunes de sa terre natale. Et, bien entendu, la Traque, les terres occupées regorgeant de petits agneaux égarés. La chance lui donnait parfois même l’opportunité de prouver sa perfection face à un Al-Aguai, alors que des filets de Brume s’échappaient de ce que les élodiens appelaient le Défunt Empire de Mévose, serpentant entre les Brumelances, telles des plaies béantes lacérant la contrée, disséminant les horreurs qu’ils contiennent semblables à de virulentes infections.

Nul n’était certain de la cause de ces cicatrices assaillant les terres drasiliennes. Certains murmuraient au coin du feu, invoquant la perte de vie et d’essence que les carnages de la guerre occasionnaient, alors que les hordes de croyants désertaient les campagnes pour se terrer dans les villes et forteresses. Selon son expérience des phénomènes de Brume, Zarif penchait davantage en faveur de l’idée que ce que les locaux appelaient l’Ordre d’Élode était en ce moment incapable d’assurer la protection des nations du continent. Sans ce rempart, la brume s’immisçait assurément partout à travers le continent, profitant des vides dans le filet déchiré de l’Ordre.

Zarif adorait la tournure que la guerre prenait, même si le départ des Vigiles du Mystral le peinait légèrement. Sans eux, la Traque n’avait plus la même saveur, ne constituait plus le même défi. Et une certaine lassitude semblait le gagner, alors qu’il perdait progressivement l’intérêt et l’engouement de mener les petits agneaux lentement et méthodiquement à l’abattoir. Il enviait ses frères restés sur Al Sharaz, qui auraient une traversée du Corridor du Mystral spectaculaire, les vigiles ayant gagné en haine et en expertise durant les quelques mois de guerre qu’ils avaient connus.

Son regard noir se porta vers l’horizon, alors que l’Astre du jour se levait, teintant graduellement le ciel de notes d’azur et de cyan, subtilisant la voûte stellaire à la divine lueur de la Lune. Apercevant au loin le miroitement de la ville de Laverne, ses yeux changèrent quelque peu, se voilant d’un air presque rêveur, arborant une étincelle de convoitise.

Laverne. Premier bastion vinerain perdu lors de la guerre. Dernier considérable défi de la quatrième Grande Guerre alfarique d’Élode. Comment serait-elle nommée dans les saga et les Songes de lumières à venir? L’air frais caressa le visage du Dokkalfar en une agréable brise. Une dernière chance de prouver sa perfection devant Hevn. Certe, il aurait voulu poursuivre la Traque jusqu’aux terres perdues des Al Karak, les glorieuses cités de Berluse, de Viscogne. Mais les faibles de Myrh étaient exténués. Cette guerre les avait menés au bord de l’extinction. Déjà, ils rechignaient à l’idée d’un siège de Laverne. Jamais ils n’accepteraient de pousser plus loin. Jamais ils n’auraient l’audace de prendre ce qu’ils désirent. Là était leur faiblesse. Zarif n’avait aucun doute que la ville reviendrait aux méritants. Les Grands Seigneurs incapables de quitter leurs tours d’ivoire ne pourraient invoquer leurs droits de naissance sur ces terres.

Au final, peut-être Myrh n’avait-elle pas complètement tort. La patience serait une vertue que les Al Sharaziens devraient adopter. Attendre la prochaine Traque.