Chronique 119

Pour mieux vous situez dans le temps, nous voulions compiler les chroniques jusqu’ici écrite depuis nos tout débuts. Ces textes donnent les pistes d’intrigues qui ont été mises sur le jeu pour notre saison 2019.

Brumelance 1er événement

Chronique I: Le visage de la Marche

Voilà bientôt trois ans que la guerre de l’unification a pris fin. Depuis, la situation politique de la Marche Exilée est en perpétuel changement. Plusieurs des duchés autrefois appartenant à cette nation se retrouvent désormais annexés à d’autres provenance d’élode. La Marche Exilée, autrefois si fier de son indépendance, se voit peu à peu déchiré par de nouvelle allégeance.

Au nord-ouest, de part l’implication de leur voisin au nord, Mésière est devenu l’une des provinces du Vigmark. Dirigé par Viktor d’Hardroise, maintenant intendant des pics de Mésière, sa population se tourne pleinement vers les pratiques du Cycle des Quatre.

Au sud de Mésière, la forteresse de Danselme, ancienne capitale du duché de Belfort, protège la nouvelle frontière du Vigmark devant le Heaume. Appartenant désormais aux forces de Stahl, Belfort a maintenant été transformé en véritable territoire minier. Donnant un site de réapprovisionnement aux forces Stahlienne en Mévose durant la saison chaude.

À l’est, Danteigne par son serment de soumission à l’autorité du Pontife s’est joint à Langegard désavouant la capacité de la noblesse de la Marche à guider celle-ci par cette prise de position. Maintenant dirigé par Sir Lothaire de Lacroix, cet ancien duché se voit profiter d’une position fort enviable devant le Pontife Percile et son conseil de cardinaux.

Désormais, il ne reste que quatre duchés libres à l’intérieur du territoire de la Marche Exilée. Valorie et Chastel, représentant toujours le pilier du patriotisme des exilées, tendent à s’unir pour réaffirmer la nécessité de l’indépendance face aux autres nations. Les duchés de Durance et Ravière quant à eux, se voient plus fragilisé par les nombreux mois de conflits et de famines qu’ils ont dûes subir lors des dernières années. Bien que leurs allégeances soient portées encore à leur duc respectif, ceux-ci se voient quand même des cibles plus vulnérables…

Durant les derniers mois, les mauvaises langues colportent que de Lacroix n’est plus que la marionnette du Pontife. Néanmoins, depuis bientôt 2 ans, Sir Lothaire fait multiplié les oraisons religieuses et les fêtes bradoriennes afin de faire rayonner la prospérité du juste au sein de la marche. Ces processions religieuses apportent un certain réconfort dans les foyers du Duché de Danteigne et dans quelques localités aux abords du duché dévot. Les stigmates de la guerre de l’unification trouvent un baume rassurant par la bonté des gens qui s’implique dans la foi bradorienne auprès des communautés de la marche.

Néanmoins, l’incrédulité des ordres de chevalerie fidèles à la tradition de l’exil face à une telle démonstration caractérise la réaction d’une bonne part de la roture. La méfiance des uns n’alimente que la défiance des autres. En effet, plusieurs voix dans la marche scandent que le Pontife et ses fidèle n’ont pas leur place pour dicter aux marcheurs comment amener la gloire de Brador. Que les éternels protecteurs des marcheurs et des marcheuses n’ont pas abdiquer eux.

À l’opposé de ces rumeurs, d’autres s’exclament que le refus des Ducs du sud face à la main tendue de la part de Langegard mènerait le reste de la Marche à sa perte face à l’opportunisme des Vigmars et des Stahliens lors des conflits précédents. Dans les rues de Chastel, des troubles fêtes remettent encore la responsabilité de la situation actuelle de la Marche au duc Sémont de Banffre, qui avait débuté la guerre de l’unification en 116. Il s’agit de ses mêmes groupes qui rejoignent peu à peu les pro-théocratie de l’est. Pour eux, continuer de suivre aveuglément les régents sans supervision du clergé n’est que folie.

Bien qu’aucune levée de bannière n’est encore eut lieu, il est évident qu’un jeu de pouvoir et d’influence tend à naître au sein des duchés. Nombres d’émeutes populaire naissent aux quatre coins de la Marche à chaque jour. La vérité et le mensonge sont des concepts flous dans le coeur de plusieurs des exilés qui semblent encore à couteau tirés.

Voyant ces nombreux dénouements éclater au grand jour, un seigneur de Caelenbrin, au Vigmark, s’élève en influence dans l’ancien duché de Mésière. Se voulant porteur de la volonté du cycle, Lievrow d’Eorl fait la promesse d’un jour nouveau aux pratiquants de ce courant et pour ceux souhaitant s’y convertir. À l’ouest, beaucoup de survivants de Belfort ont rejoint les rangs de ce libérateur. Avec l’arrivée du mois de mai, les forces salvatrices de Lievrow se voient maintenant pénétrer les territoires frontaliers au nord du Heaume en direction de Ravière. À cette heure, nul ne sait si les intentions du Vigmar se veulent hostile face aux Stahliens. Chose certaine, Viktor d’Hardoise supporte les initiatives de ce nouveau joueur sur l’échiquier. L’importance du Cycle des Quatre pour bien des serfs et petits nobles de cette région en font un élément imprévisible aux yeux des grands noms de la Marche.

C’est ainsi que depuis les derniers jours, plusieurs missives sont reçu en Rivesonge. Nombre de regroupements précédemment et nouvellement installés devront adopter une position face à ces manoeuvres. Les émissaires de Rivesonge reçoivent en ce moment leurs directives face à la Marche. La proximité du jeune pays avec Valterne décuple la nécessité d’y accorder une attention de la plupart des nations. Tractations et confrontations devraient rapidement se dessiner sur l’ancien duché de Valterne…

Chronique II: Les voix du Cycle

Dans le grand nord du Vigmark, l’hiver s’est retiré. Les rues de la ville portuaire de Nigde se vide au rythme des bateaux qui quitte le mouillage en vue des expéditions printanières. 

 Le paysage maritime de l’estuaire de Nigde se dessine à mesure que la brume hivernale s’estompe. Dans l’estuaire libéré de ses glaces depuis quelques semaines les pêcheurs et commerçants attendaient le retour de la saison chaude avec impatience.

Un feu crépitait doucement dans le fond de l’habitation. Deux massives chaises en bois sculpté étaient occupées par des femmes, l’une à peine entrée dans l’âge adulte, et l’autre dont les traits trahissaient les soucis du temps. D’épaisses fourrures reposaient à leur pieds, délaissées au profit de la brise printanière. Installées dans la modeste maison hivernale de Vitaïe depuis le mois d’avril, les deux héritières s’étaient consacrées à temps plein à leurs recherches sur les différents rites et courants religieux qui avait marqué Vigmark au fil des temps.

Dans la pièce, une quantité considérable de livres et parchemins s’éparpillent ici et là. Entre les deux vigmars, la table s’agrémente de nombreuses chandelles consommées et d’encrier vides parmi plusieurs tentatives de rédactions ratées. Vitaïe soupira et releva la tête, passant une main lasse dans ses cheveux. 

“ Enfin, je ne peux pas croire que nous n’ayions pas tout ce qu’il nous faut, Astrid. Le Conseil ne pourra plus s’entêter maintenant. Ils devront réaliser que le Cycle a plus d’un visage désormais, et chacun d’eux témoigne d’un Cycle bien différent” 

 Astrid reposa le document qu’elle lisait, visiblement exténuée par des semaines consécutives de recherches et de lectures assidues. L’équinoxe, dans quelques jours à peine, serait la dernière occasion qu’elles auraient de présenter leurs arguments au Conseil avant que celui-ci ne se disperse pour tout l’été. Vitaïe se saisit de ses notes, et se mit à en faire la lecture d’un ton déterminée.

“Nous sommons le Conseil de Caelenbrin de prendre action sur la situation. Il est attendu de nous que nous prenions part aux enjeux qu’affronte Élode. La Marche Exilée…”

 Elle ratifia une phrase ou deux de sa plume, ajouta quelques mots et reprit.

“La Marche Exilée a droit à notre soutien. Nous devons d’abord assurer la sécurité de nos propres terres, de notre peuple et de nos ressources. Il nous est impossible de prendre en charge de nouveaux territoires. Mais nous pouvons être de précieux alliés. Les Cyclaires de la Marche ont droit à des terres bien à eux, libres du joug de ceux qui ne peuvent comprendre leur foi. Nous souhaitons que cette transitions vers une vie spirituelle saine se produise avec délicatesse, sans effusions de sang, ni guerre futile. Mais il faut dès aujourd’hui démontrer notre appui.”

 Elle leva les yeux vers Astrid. Toutes deux semblaient peu convaincue que cette oraison allait faire bouger les membres du conseil. À ce qu’elles avaient pu voir jusqu’à présent, le conseil ne servait qu’à régler des conflits puérils, remettant à plus tard toute question d’importance ou impliquant un changement majeur. Astrid parcourut ses propres notes. Elle les jeta sur la table dans un froissement de parchemins.

“Le Conseil ne veut même pas reconnaître que le Vigmark s’agite, alors que même les paysans sont témoins de ces changements. Les sanctuaires qui prônent les Voies ancestrales ont trouvés en Lievrow d’Eorl une voix pour raviver les anciens rites, les anciennes voies. Alors qu’on pensait que leurs derniers représentants se contenteraient d’agoniser reclus dans leurs sanctuaires, mon oncle les a convaincu de sortir de leur tanière. Pour moi, ce sont de vieux rites rétrograde. Les enfants des Saisons on apprit que travailler ensembles, la liberté, que c’est ça la vraie voie pour notre avenir. Ceux qui suivront la voie ancestrale se diviseront pour servir nous unirons. Le Cycle a grandit, a changé… Comment peut-on guider un peuple qui se divise ainsi?”

 Vitaïe laissa son regard errer sur les livres, puis sur l’estuaire au dehors. Les bateaux se déplaçaient sur les eaux peu profondes, presques sécuritaires, se gardant d’allez trop loin, là où la Brume maîtrise les flots et engloutirait des navires malchanceux. Elle répondit sereinement:

“Qui sait ce que le Cycle attends vraiment de nous. Mais il n’en reste néanmoins que nous devons suivre notre coeur. Et nos coeurs vivent à travers nous tous, les enfants des Saisons.”

Trois coups léger se firent entendre à la porte, Vladimir de la Maison Rouge, régisseur de la garde rapprochée d’Astrid D’Eorl, venait annoncer aux héritières que tout était prêt, et que leurs gardes personnelles était prête à les escorter vers Caelenbrin. Le dernier conseil des Vigmars les attendaient.

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Le convoi traversa la muraille de Caelenbrin. Alors que la coupole de l’immense bibliothèque de la cité se découpait sur le ciel, la foule se fit plus compacte. Lorsqu’il devint évident qu’ils ne pourraient se rendre plus loin, Astrid et Vitaïe, flanquées de Vladimir et de quelques membres de leurs gardes personnelles, mirent pied à terre et se faufilèrent jusqu’au premier rang. 

Enfin, elles parvinrent devant l’esplanade dégagée de la bibliothèque, mais celle-ci n’était pas complètement vide. Quatre ensembles, d’une cinquantaines d’individus chacun, y formaient des groupes séparés par plusieurs mètres, représentant chaque saisons par leurs couleurs distinctives. Derrière eux, l’ensemble du Conseil de Caelenbrin observait attentivement la scène, majestueux dans leurs vêtements d’apparats. Tout de cette présentation soignée inspirait une ambiance solennel et le silence se fit lorsque se détacha de chacun des groupes un individu dont le visage disparaissait une capes bordées de fourrures et de runes. Sur leur torses, reposait le symbole du Cycle gravé sur une surface de bois plein; dans le centre de chacun des talismans un arbre indiquait leur saison. Dessous les toges, une voix désincarnée s’éleva à l’unissons, saisissant l’assemblée d’un frisson.

“Gloire à toi, Vigmark. Gloire à toi, qui de ton sang nourrit la vie. Gloire à toi, dont la mémoire ne saurait mourir. Nous sommes un dans la division. Nous sommes chacun de tes souvenirs, nous sommes ton passé, ton présent et ton futur.”

Le hiérophant de l’automne, vêtu d’une tenue orange brûlé, dévoila son visage. Sur son front l’arbre de l’automne dessinait de profondes cicatrices, dont les racines scarifiées descendaient sur ses joues. Ses yeux aveugles fixèrent la foule et sa voix caverneuse réclama que s’avance ceux qui aujourd’hui devait entamer leur cycle funèbre. La foule s’agita, perplexe. Un silence malaisé dura, jusqu’à ce que quatre enfants s’avancent. Nu pieds, vêtu de peu, ils se tenaient par la main et s’approchère timidement du hiérophant. Celui-ci inclina la tête, comme s’il les voyaient distinctement. Un sourire fleurit sur ses lèvres.

“Mes enfants. Vous qui n’avez que peu à manger, vous qui souffrez de votre cycle de vie, vous qui êtes oubliés des vôtres. Voilà, les enfants de qui renaîtra les Voies Ancestrales. Voilà le sang qui bénira les Saisons.” 

Silencieusement, les trois autres hiérophants s’approchèrent et saisirent doucement les bras des enfants. Dans la foule, la tensions montait, une certaine colère se faisait sentir. Pourquoi le Conseil n’agissait pas? Pour qui se prenait ces hiérophants, de vouloir offrir au Cycle les vies d’enfants innocents? Couverts par les murmures agités, les hiérophants revinrent devant leurs groupes respectifs avec les enfants et discutèrent avec ceux-ci à voix basse. Puis, tenant leur sacrifice devant eux par les épaules, les hiérophants se relevèrent et dévoilèrent eux aussi leurs visages. À l’instar de l’automne, ceux-ci avait tous le visage scarifiés à l’effigie de leur saison et leurs yeux laiteux aveugles fixait la foule réduite au silence. Un de leur acolyte vint leur offrir un couteau cérémonial qu’ils saisirent à l’unissons de la main gauche. De nouveaux, leurs voix s’élevèrent en un concert parfait.

“Enfants des Saisons. Soyiez les témoins de la renaissance du Cycle. De votre voix d’espoir, vous témoignerez, de vos yeux vous verrez la vérité, de vos mains, vous guiderez ceux qui dans la masse se sont égarés. De notre foi, vous êtes les Gardiens”

Très délicatement, le hiérophant de l’automne incisa l’enfant devant lui au front, dans une ligne verticale nette. L’enfant n’émit aucun mot, seul la fierté et l’émerveillement se lisait sur ses traits. 

“Enfant de l’Éphèbe, du voile funèbre tu es le gardien. La médecine et les questionnements de la vie tu enseigneras. Les enfants de l’automne sont tes ouailles, et eux seulement tu guideras tout au long de leurs vies.” 

Pareillement, le hiérophant de l’hiver entailla doucement le front de la jeune fille devant lui. Il prit la peine d’essuyer le sang qui perlait avec sa manche d’un bleu léger, avant de prendre la parole.

“Enfant de l’Hermite, des traditions tu es la gardienne. L’art de la stratégie et de la prudence sont tes enseignements, à tout les enfants de l’hiver que sera ton peuple.” 

Le représentant du printemps, vêtu d’une ample toge jaune doré, glissa sa lame contre la peau de l’enfant. Puis entailla sa main droite.

“Enfant de l’Ingénue, les nouvelles âmes sont ta garde. À travers le renouveau du Cycle, tu veilleras. À ceux qui ignore, tu raconteras. Ta charge est de veiller à ce que les Saisons s’épanouissent dans leurs tâches spécifiques et que les sangs point ne se mélanges à nouveaux. Ta tâche est la plus ardue; toi et tes enfants du printemps assurerez la pureté des Saisons à nouveaux.” 

Le hiérophant apposa sa main ensanglantée sur le front de l’enfant et dans un même mouvement, le hiérophant de l’été, de vert vêtu, appuya sa dague doucement contre le front de son élu et laissa le sang couler librement. 

“Enfant de la Marâtre, l’émissaire de notre gloire tu es. De ta voix tu proclameras la grandeur du Vigmark à travers Élode, et richesses tu amèneras à ton peuple. Les enfants de l’été chevaucheront à tes côtés, et de tous sera connu la puissance du Cycle par ton bras.”

À l’unissons, les voix s’élevèrent alors que les dagues tombaient au sol avec fracas, les hiérophants soulevèrent d’un même geste les enfants vers le ciel. Ceux-ci saluèrent la foule d’une main timide, réalisant à peine le grand rôle qui reposait désormais sur leurs frêles épaules.

“Gloire aux Saisons. Notre renaissance est venue. Les torrents de sang gronderont notre nom. À nouveau, la pureté du Vigmark renaît à travers vous!” 

La foule éclata en applaudissement et cris de joies et s’ébroua dans un mouvement alors que tous se séparaient afin d’allez chercher la bénédiction du hiérophant de leur saison, et du guide béni qu’ils avaient choisit. Dépassées par la foule, Astrid et Vitaïe se regardèrent. Il semblait que le Conseil se soit prononcé. Les Voies Ancestrales au Vigmark renaissaient, les Enfants des Saisons devraient désormais partager le Cycle avec un tout nouvel ordre religieux.

Chronique III: L’Anathème

L’homme était attaché à la souche de l’arbre, seul, dans l’obscurité terrifiante. Un être singulier  se tenait devant lui, recouvert d’un long voile écarlate, dague à la main. La pleine lune rouge reflétait sur le courant de la rivière, donnant un aspect morbide à la scène. L’atmosphère était sans vie, comme si la seule présence de la créature stoppait le passage du temps même. 

Quelques heures devaient avoir passées depuis qu’il fut engloutie par la brume.  L’homme l’ignorait. Cette notion semblait dorénavant étrangère à l’individu. Le vent de Brume qui avait détruit sa caravane semblait l’avoir amené dans un effroyable cauchemar. Ressentant un profond malaise, un mal de vivre, un vide infini, celui-ci était désormais la victime de l’une des fatalités de notre monde. a bête se présentant devant lui semblait immobile à plusieurs mètres de l’écorce, mais pourtant, c’était l’essence même de l’individu qui semblait se rompre, comme si la créature analysait et démantelait la fabrique de l’âme du marchand.

Après ce qui semblait être une éternité, des mots se mirent à remplir le silence, confirmant la véritable nature de la bête:

Les écrits primordiaux relatent la Création… Des anciens et la naissance des races qui peuplent notre monde… l’apparition du brouillard… Il y a cela des millénaires, nos ancêtres ont assistés à la chute des astres… À la levée des Brumelances… Pendant des siècles et des siècles nous avons survécus, isolés… Nous avons perdus les connaissances primaires… et avons acquis un savoir nouveau… L’arcane régissant ce monde est riche et pure… Mais le coeur des mortels, lui, est maintenant teinté de corruption… Cette corruption tend à détruire l’Équilibre… Semant le chaos… Se propageant tel une peste… Il prend plusieurs formes… Arrogance… Avarice… Félonie… Vous êtes vous-même un enfant né de ce chaos… Corrompu… Revêtant un masque afin de cacher votre propre malice… Mais victime d’un cycle malicieux depuis trop longtemps en place… Ainsi vous serez jugé… Vous servirez d’exemple à notre cause… Celle du Sang…

Son monologue conclu, la créature planta froidement sa dague. Alors que l’homme bâillonné s’effondra, il réalisa, confus, que le couteau n’avait point pénétré sa chair, mais bien défait ses liens, le libérant de l’arbre. Traumatisé, le captif s’agenouilla au pied du sorcier, paralysé par l’incompréhension…Maintenant, allez en Valterne… en Rivesonge… Propager ma parole.. Que mon nom soit connu de tous… car je suis le Prêcheur… Porteur d’une ancienne promesse…

Chronique IV: Les lueurs de la Libération

Alors que l’hiver passait tranquillement, l’ambiance écrasante et amorphe de la saison froide pesait lourdement sur la nation de Drasilhelm. C’est dans un deuil amer que son peuple traversait silencieusement les longues journées dans la Capitale et les derniers châteaux tenant encore debout suite à l’avancée Alfarique. Seules quelques discussions de vengeance patriotique éveillaient temporairement la ferveur des humains et des dokkalfars.

Sans nouvelle de la plupart des territoires au nord-est, la nation dokkalfars s’affairaient à reprendre le dessus devant l’adversité.  

Dans les derniers fortins, les survivants comptait le reste des rations et munitions avec désolement alors qu’en Drasil, les stratèges et dirigeants planifiaient méticuleusement la gestion des familles réfugiées. Tel le calme avant la tempête, les échanges du Conseil Princier étaient l’exemple même de la tension et de l’unité qui liaient toujours les différentes familles appuyées par leurs alliés Al-Sharaziens. Alors que les grands planifiaient derrière portes closes, un vent de tempête vint alimenter les chuchotements des dédales de l’Immaculée Drasil. 

Au premier coucher du Soleil du mois de mai, un homme fut aperçu à quelques pas de l’entrée du territoire souverain de l’ambassade Langegardoise. Celui-ci, sans dire un mot, installa et alluma un amalgame épars de lampion avant de quitter les lieux. L’événement d’abord curieux suscita maintes discussions lorsque, la nuit suivante, le rituel fût répété.

La troisième nuit, les gardiens de l’ambassade restèrent postés à la porte de leur jurisdiction, loin de leur poste habituel à l’entrée du manoir. Un autre homme arriva les mains pleines de chandelles. Au bout d’une altercation plutôt unidirectionnelle, l’homme reparti. Plus tard dans la nuit, c’est une vingtaine d’hommes qui arrivèrent sans identification particulière. En surnombre, ils s’imposèrent pacifiquement au pied de la grille d’entrée de l’ambassade pour allumer un nouveau lot de chandelles. Aussitôt faits, ils partirent dans toutes les directions sans un mot. 

L’ambassade de Langegarde, ayant été établie à l’hiver 117, était un lieu de négociation principalement au niveau commercial, en plus de prêcher la bonne entente entre les instances politiques. Depuis le début de l’invasion Forsvarite, l’ambassadeur Siméon de Forgepuit devait répondre à une monté de la haine envers les représentants de l’est du continent. Étant voisin de Cyriande, la suspicion était à son comble envers les émissaires de la Théocratie. Comme partenaire commercial majeur des cités libres, Langegarde était vue comme un ennemi, un conspirateur. Se défendant de toute collaboration avec le front cyriand, les émissaires du Pontife jonglait avec l’idée de quitter la cité Imprenable, alors que la hargne et la haine semblait gagner le coeur du peuple de Drasil. Celui-ci, affamé, ravagé par les pandémies et les décès, subissant chaque jours les affres de la surpopulation, ne pouvait s’empêcher de voir ces étrangers, ces inconnus qui, du haut de leur manoir, jouïssaient d’un espace et de victuailles qui clairement, leur manquaient.  

Dès le lendemain, un magistrat de la famille Lazuli et sa cohorte arrivèrent à l’ambassade au petit matin. Portant les fanions unifiés de la famille Cornaline, de la famille Lazuli et du Consul des Joailliers sur son carrosse, il passa la majorité de la journée à l’intérieur pour enquêter sur l’incident. Aucune marque ne différenciait les chandelles les unes des autres et rien ne permettait de les associer à un rituel religieux ou mystique. À la fin, un contingent de Dokkalfar de la famille du Jaspe arriva en cortège militaire devant l’ambassade langegardoise. Leur capitaine vint à la rencontre du Magistrat, qui lui confia la mission de défendre les environs de l’ambassade et de ne laisser personne traverser le périmètre. L’aversion des humains de cette famille étant bien connue, ce geste était lourd de sens. Non seulement seraient-ils sans hésitation à agir face aux hommes s’ils avaient à pousser trop loin, mais ceci les plaçait au service des Bradoriens qui étaient la raison derrière le passage controversé du Jaspe sous la sphère d’influence du Lazuli.

Le déploiement était impressionnant et servait clairement à illustrer l’importance de la sécurité des ambassadeurs dans la Capitale. Jour et nuit, près d’une centaine de soldats patrouillaient le périmètre, arborant fièrement les couleurs et logos de la très noble famille du Jaspe. Ceci n’empêcha pas à un homme de se présenter avec un sac de chandelles à la main. L’intervention sans appel mit rapidement fin à la tentative d’approche et d’intrusion. Sous la menace des répercussions violentes, il quitta âprement, les gardes dokkalfars sur ses talons.

La démarche semblait faire son œuvre jusqu’au moment où une vingtaine d’hommes, tous différents de ceux décrits la veille, approchèrent de la grande place devant l’ambassade. Chacun portait dans ses mains un lampion allumé qu’ils déposèrent chacun leur tour au pied de la statue faisant face au balcon de l’ambassadeur. Ils saluèrent d’un signe de tête le manoir habitant les bradoriens et quittèrent l’endroit comme ils y étaient arrivés. Le Jaspe eu tôt fait d’éteindre les chandelles et de ramasser le tout.

L’étrange procession se répéta la nuit suivante. La patience du Jaspe avait atteint ses limites.. Il fut ordonné qu’une volée de flèches soit lancée sur les hommes qui venaient d’allumer les chandelles. Les blessés furent capturés et remis le lendemain au Magistrat de Lazuli qui vint tenir tête à l’incessante requête de l’Ambassadeur Siméon de Forgepuit, qui exigeait de détennir les fautifs dans ses cachots.

Les deux nuits suivantes, des hommes continuèrent leurs rituels, mais cette fois-ci laissant simplement les chandelles à l’embouchure des rues ouvrant sur la grande place. Chaque nuit, ils étaient moins nombreux, la menace de rétribution mortelle des envoyés du Jaspe ayant quelque peu fonctionnée. Il fut toutefois rappelé que le devoir du Jaspe était de protéger le périmètre et que de se mettre en chasse des citoyens de Drasil ne l’était pas.

Alors que le temps passait, le nombre d’hommes se présentant chaque soir diminuait. Puis, au milieu du mois, il devint de plus en plus clair que la situation n’était pas un hasard. Une chandelle de moins se présentait chaque soir. Il ne fallut que peu de temps à partir de ce moment pour que Siméon comprenne ce que ceci représentait. Il s’agissait en fait d’un décompte, qui jour après jour, signalait la venue de la grande fête de la Libération. 

À deux jours de cette tradition étrange aux yeux des étrangers, la situation n’inspirait rien de bon chez les bradoriens qui n’avaient reçu aucune explication de la part des autorités Drasilhiennes. Le tout semblait être une nouveauté dans l’histoire du Royaume, et aucun rite ne faisait directement appel à cette démarche. Jamais dans l’histoire, des étrangers avaient-ils été menacés par la Libération. Et, sans mot du Libérateur, nul ne pouvais s’entendre sur la légitimité de l’éventualité qui ne quittait l’esprit de personne. 

Le sur-lendemain de cette découverte, un vent d’action souleva l’ambassade. De grandes cargaisons furent préparées et l’une après l’autre, attachée à une caravane. À leur grande surprise, lorsque le convoi se mit en route pour escorter l’ambassadeur hors de la Grande Drasil, ils se virent refuser le passage par les gardes du Jaspe. Le sourire narquois de Lyydia du Jaspe, capitaine de la Garde, faisait passer un frisson chez les diplomates. Tous virent les aspirations véhémentes qui animait les prétendus protecteurs de l’ambassade. Bien vite, Siméon comprit le péril que courait tous ceux présents. Bien vite l’altercation se mit à escalader en violence, au point ou le personnel de l’ambassade et les soldats du Jaspe en vinrent aux coups. Un véritable tentative de sortie armée fut bien vite entreprise, menée par l’Ambassadeur lui-même, animé par l’énergie du désespoir. Au départ, les efforts des représentants de la Théocratie connurent un certain succès, leur ardeur et leur discipline prenant les troupes drasilhiennes par surprise. Mais bien vite, la foule qui s’était formée autour de l’incartade prit part à l’escarmouche, submergeant les infortunés langegardois, qui ne purent que retraiter en leur sanctuaire, laissant leur confrères et consoeurs tombés là où ils gisaient. 

C’est à ce moment que le Magistrat de Lazuli arriva avec ses troupe vêtues de bleu, aillant tôt fait de disperser la foule assiégeant l’ambassade, non sans un support tacite des troupes du Jaspe. Après un solide échange de mots avec la capitaine Lyydia du Jaspe, le Magistrat Frédérik du Lazuli s’avança jusqu’aux portes de l’ambassade, intimant Siméon et ses officiers à sortir de leur demeure et de se rendre. L’ambassadeur de Montpieux, en manque d’alternatives, optempérat, acceptant de suivre le Dokkalfar, accompagné de son cadre d’officiers. Sa seule condition fut que le reste de sa communauté soit elle aussi mise en détention, et ainsi sous la protection de la famille Protectrice de la ville. Frédérik acquiesça, promettant un second voyage, sa troupe actuelle trop peu nombreuse pour une escorte capable d’adéquatement gérer la foule grondante.  

Ce soir-là, c’est Fritz du Jaspe en personne qui vint relever la garde à la porte. Portant sur son épaule la cape bleue, telles des menottes, marque de sa sentence. Et, alors que la journée avançait, l’escorte promise n’arrivat jamais, au grand désarroi du personnel toujours confiné dans l’ambassade. 

Vint finalement la nuit de la Libération. La ville était en effervescence. Les grandes familles mobilisaient leurs forces pour passer la nuit alors que la populace se trouvait des endroits sécuritaires pour se cacher et se rassembler pour prier. Cette fête pourrait être l’occasion pour un grand nombre de réfugiés de mettre la main sur d’importantes ressources et richesses qui leur assurerait pérennité au travers des mois à venir. Cette fête rappela les amères confrontations entre la famille du Topaze et les Al’Sharaziens. L’idée que ceux-ci décident de s’impliquer dans les mœurs drasilhiennes avec leurs barbaries étrangères faisait régner la peur chez les plus grandes instances. Malgré la situation précaire, cette nuit sacrée laverait la nation par la Brume et par le sang comme chaque année.

La cérémonie habituelle prit place alors que le Libérateur et son entourage se rassemblèrent à la Brumelance de l’Arche de Myr. Portant louange aux décrets de Vinëren transmis par sa prophète dans le Dogme de l’équilibre, Edvard de Serpentine rappelait l’importance du temps, de sa valeur et ce qu’il représentait même dans l’éternité. Sous son sermont dans lequel s’entremêlaient des incantations dans la langue des anciens, la magie de la Brumelance s’atténuait petit à petit. Avant de finaliser son invocation, il laissa place à son héritier, Konrad.

L’homme s’avança et lança son discours avec candeur et précision. Il prenait la parole aujourd’hui en tant qu’humain, choisi par le libérateur pour valoriser une fois encore leur place dans la société drasilhienne. Plusieurs doutent malgré tout de la pertinence des hommes, races éphémères sous le Dogmatisme et encore plus en Drasilhelm. La venue des suivants d’Hevn n’avait fait qu’affaiblir ce que les fervents d’Akkar avaient lentement réussi à établir. Les survivants du conflit se tenaient aujourd’hui au sein la Capitale de l’Immaculée Drasilhelm pour montrer à tous qu’en leur cœur brillait encore la lueur du souffle de Vinëren. Qu’encore une fois, ils mériteraient leurs places parmi les suivants du Dogme. Sous les enseignements de Vinëren, par la grâce des Princes et Princesses 

Comme le veulent les préceptes de l’ambition, ils prêcheraient par l’exemple. C’est sur cette dernière parole que le Libérateur termina son incantation qui estompa considérablement la magie de l’ancien monolithe couvert de runes.

C’est à ce moment précis que les dernières paroles de l’héritier prirent un sens profondément troublant. Alors qu’il est généralement prévenu qu’il y ait de trop grands rassemblements sous peine de subir le courroux des ombres de la famille Serpentine, des hommes de partout se rassemblèrent devant l’ambassade Langegardoise. Des hommes et des femmes de race humaine en grande majorité, se rassemblèrent dans une masse informe et silencieuse. Déportés, réfugiés et miséreux formaient cette armée de fortune, 

Sans dire un mot, Fritz salua la levée de ses hommes qui quittèrent en rang le périmètre de sécurité, abandonnant les occupants à leur sort. Avant de partir, dans un geste symbolique il étouffa de ses doigts la dernière chandelle qui avait été allumée au crépuscule.

S’en suivit des cris de haine et de rage, la masse de corps affligés et chétifs s’agitant en un grondement presqu’assourdissant. Alors que les bradoriens se barricadaient dans leurs manoir, des incantations mystiques brisaient lentement le silence de la cour intérieure. Déjà, des volées de pierres se fracassaient sur les façades du bâtiment tout en éventrant les vitraux. 

Les bradoriens livrèrent une forte résistance. Mais au final, cet effort n’était qu’en vain. Lentement, ils perdirent du terrain, alors que les masses de drasilhiens investissaient l’Ambassade, avides de richesses et de commodités pour assurer leur survie, ne serait-ce que l’espace d’un instant. Certe, un degré de haine était ressenti pour les intrus, ces individus qui jouissaient de l’hospitalité de Drasil l’Immuable, tout en pactisant avec les démons d’Hérion. Et tout langegardois tentant de défendre le bâtiment était promptement et sommairement exécuté. D’autres, moins engaillardis, profitèrent du chaos pour fuir dans les rue, inconscient que la Brume et la violence ne leur montrerait guère plus de retenue que les foules enragées. Bien vite, le manoir ne fut plus qu’une simple coquille de ce qu’il était auparavant, pillé, vide de toute substance. Un squelette de pierres et de bois. 

L’endroit était couvert de sang et plusieurs annexes étaient en flamme. Lentement, les foules finirent par évacuer le bâtiment, alors que les flammes engouffraient lentement ce qui en restait. Du haut de ses geôles, Siméon, ayant un siège de premier rang à la macadre danse, fut envahi de douleur et de désespoir. Il poussa un hurlement hystérique qui perça la nuit à travers toute la ville, alors que la Brume intégrait dans le bâtiment et submergeait lentement les corps.

L’étrange et violente festivité prit fin le jour venu. Le calme Drasilhien prit rapidement le dessus. 

Après un moment de méditation collective de plusieurs  minutes, ce fut Frédérik du Lazuli qui prit parole. Il ordonna que l’endroit soit nettoyé et que, comme le veulent les mœurs, respect soit donné aux vaincus. Les gens du Nacre se mirent immédiatement à l’œuvre en ramassant méticuleusement toutes les dépouilles des victimes bradoriennes de cette Libération. Chaque corps fut reconstitué et déposé dans un cercueil finement sculpté. Ces réceptacles formèrent ensuite un cortège qui les mena jusque dans les voûtes de la famille du Nacre en Drasil. 

Une semaine plus tard, l’endroit était de nouveau immaculé et le manoir en rénovation, un nouvel endroit pour accueillir les réfugiés et sans-abris que la guerre avait engendré qui serait bientôt en un état acceptable pour accommoder le vie drasilhienne.

Brumelance 2ème événement

Chronique I: L’Éveil du Sang

Joshua d’Élode observait là, à l’écart, replié dans un buisson, paralysé par la scène devant lui. Son escouade avait été dépêchée par Fynn Brünnhildson afin d’investiguer sur les restants des chevaliers de sang de l’Écorcheur. Ceux-ci avaient bien lu les rapports, mais ce qu’ils découvrirent durant l’éclipse lunaire de juillet était bien au-delà de leur entendement…

Maintenant, l’assermenté allait observer l’exécution de ses confrères et consoeurs de l’Ordre d’Élode, pris au piège par Ordo Sanguilis, par le Prêcheur. Cela n’aurait pas dû se produire. Chacun des membres avait été entraîné depuis des années pour faire face à des situations du genre et rien n’avait été rapporté de tel dans les rapports. Jamais ils n’avaient entrevu un cercle runique de la sorte… Dans les premières minutes de confrontation avec les engeances, leurs enchantements et protections divines avaient complètement été dissipés…

Un brouillard de sang suintait de la chair de la créature qui se faisait appeler le Prêcheur. Avec lui, dans le bois, deux autres créatures se tenaient là, devant la dizaine de membres d’Élode capturés, enchevêtrés au sol. La première bête, voilée, semblait réciter des incantations et prières, tandis que la seconde, beaucoup plus imposante, armurée de la tête aux pieds, aiguisait son immense épée à deux mains. 

Le Héraut arrêta alors ses incantations pour s’adresser aux captifs:

Sachez que si vous aviez fui, tout cela aurait pu être évité. Mais vous êtes trop assoiffé de contrôle et de pouvoir pour vous en tenir à cela. Vous êtes trop arrogants et êtes assurés de la noblesse de vos actes. Et bien, sachez que cela vous coûtera la vie en cette nuit, tout comme cela l’a coûté à beaucoup de mortels avant vous.

Suite à ces mots, l’Hérétique, ayant fini de préparer son arme, s’avança devant le premier captif, sa tête forcée au sol par les ronces. Alors que la flamberge rouillé s’élevait, l’exécution fut interrompue momentanément par l’un des mages, possiblement le dirigeant de l’escouade, ayant réussi à défaire ses liens. Sa dague magique en main, il était prêt à tout pour protéger son subalterne. Toutefois, alors qu’il s’attendait à frapper le Goliath. Le Prêcheur s’interposa rapidement devant l’homme et la bête, recevant en plein torse la dague de l’érudit. 

Confus, le mystique put constater alors que le Prêcheur ne semblait aucunement importuné par l’objet magique. Le sorcier empoigna alors le bras de l’homme, des artères écarlates sortaient de sa plaie, s’enroulant autour de la dague pour mieux s’agripper sur le bras du mystique. Rampant comme des couleuvres, les tissus veineux se gavaient de la chair du vétéran. Impuissant, il jeta un dernier regard de rage au Prêcheur et ses acolytes. La douleur et l’horreur de mourir de la sorte eurent raison du courage du meneur. Laissant s’échapper un dernier cri strident, sa carcasse vide s’affaissa devant le reste de sa troupe.Dans l’obscurité de la nuit, on ne distingua que le premier coup violent de l’Hérétique qui venait d’abattre sa première victime. Les cris de désespoir et d’appel à l’aide en vain couvrirent le reste du massacre.

Chronique II: Les pièces d’Ambrose, un vestige d’un passé lointain.

C’était en 546 du calendrier impérial. L’impératrice Lucina dite l’inquisitrice vient de remporter une grande victoire lors du conflit que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de la guerre des deux reines. En effet, la famille du Nacre vient d’être anéantie, ce qui porta un dur coup aux principautés de Drasilhelm.

Afin de célébrer cette victoire, l’impératrice décide qu’un portrait d’elle sera fait afin de marquer l’histoire. Elle se fit faire une robe spécialement pour cette occasion. Le couturier de la pièce était fier du chef d’oeuvre qu’il venait d’accomplir. Il avait réussi à créer une nouvelle teinte de jaune qui ne s’était jamais vu encore sur du textile.

Le peintre, un artiste réputé du nom d’Hubert d’Ambrose, prit plusieurs heures à dessiner la reine sur divers parchemins et finalement sur un canevas afin de s’en servir comme base pour la toile. Évidemment, ce genre d’oeuvre ne peut être réalisé en une seule journée et monopoliser ainsi la présence de l’impératrice. M. d’Ambrose reparti ainsi dans son atelier pour travailler sur la toile. Il lui fallut un peu plus de deux mois, suite auxquels un bal fut organisé pour inaugurer la toile.

Fier de son travail, l’artiste voulait également expliquer le procédé qu’il avait utilisé pour recréer, à son tour, le même jaune que sur la toile. C’est également lors de l’inauguration que l’artiste recevrait sa paye, une somme respectable qui lui assurerait une vie confortable.

Mais la soirée ne se passa pas comme prévu. Alors qu’Hubert d’Ambrose expliquait à l’assemblé son procéder créatif, l’un des individus se rua sur l’impératrice avec en main une arbalète de poing format réduit qu’il avait réussi à dissimuler aux gardes. Alors que l’Impératrice voyait le bras de  l’assassin se relever et le carreau pointer vers son coeur, elle fut sauvée par l’intervention d’Hubert d’Ambrose qui se rua devant la noble femme afin que l’arme ne la blesse pas. Il fut lui-même blessé mortellement, se sacrifiant pour sauver son impératrice. Tenant toujours son contenant de pigment jaune à la main alors qu’il fut atteint par le carreau, il s’effondra sur le coffre dans lequel se trouvait sa paye. L’assassin fut rapidement arrêté par les gardes et amené dans les cachots où il trouva une mort rapide et sans jugement.

De son côté, Hubert d’Ambrose fut acclamé dans tout l’empire comme le plus grand artiste d’Élode et un héros.

Cet acte héroïque d’Hubert d’Ambrose fit le tour d’Élode et les collectionneurs se mirent à s’arracher ses toiles. La valeur de l’ensemble de ses toiles augmenta à une vitesse fulgurante. Jusqu’à ses croquis, tout ce que l’homme avait créé était convoité. Cela alla jusqu’à sa paye que l’impératrice lui avait remise. Il se trouve que le pot de peinture jaune qu’il tenait à la main s’était déversé dans le coffre, teintant les pièces d’or, d’argent et de cuivre qui s’y trouvaient.

Aujourd’hui, les plus grands collectionneurs possèdent des pièces de ce trésor. Il se trouve que dernièrement, une bourse contenant 100 pièces de cuivre teinté de jaune fut dérobée à un collectionneur. Le bandit ne put profiter de son vol, car il eut la mauvaise idée de se sauver vers le duché de Valterne où il fut lui-même arnaqué et assassiner par des truands plus malins que lui. Ignorant tous de la valeur réelle de ce trésor, les criminels utilisèrent les pièces de cuivre pour diverses transactions, si bien qu’aujourd’hui, ses 100 pièces peuvent donc être trouvées un peu n’importe où.

Pour certains, elles ne sont que des pièces ne valent presque rien. Pour d’autres, chacune d’entre elles vaut 10 à 20 fois sa valeur réelle! Pour d’autres encore, c’est là des objets rares à collectionner jalousement.

Chronique III: La source mystique

La plupart des habitants de Rivesonge ignorent tout de l’étrange et imprévisible eau mystique. Provenant d’une source se déplaçant de manière aléatoire, la source mystique renferme pourtant de grands pouvoirs. Ce rocher étrange se matérialise de manière imprédictible dans les forêts et ne peut être trouvé qu’en suivant des flammes vertes et blanches se déplaçant entre les arbres.

L’eau que l’on peut en extraire à des propriétés magiques que l’on décrit souvent comme miraculeuses. Aussi appelées “eau de brume”, ces potions que certains alchimistes comparent au fruit de leur travail le plus acharné sont d’une très grande valeur. Ceux qui savent où aller puiser cette eau mystique peuvent ainsi devenir riche seulement en vendant ces potions, ou bien utiliser ces élixirs pour eux même et ainsi développer des dons parfois surnaturels.

Selon les dernières recherches sur cet étrange phénomène fait par la jeune Noëlle de Neufchâtel, membre des Larmes du Pardon, il semble que la foi d’un individu ou d’une communauté est intimement liée à la source mystique. En effet, il fut démontré que les messes et les prières faites pour demander le support à sa religion dans la découverte de l’eau de brume permettent de la retrouver plus facilement. Plus la foi est pure, vraie et sincère, plus les résultats sont positifs. Ainsi, il semble qu’une grande messe faite par plusieurs individus visant à demander guidance à son clergé pour retrouver la source mystique pourrait faire en sorte que celle-ci se matérialise prêt du lieu de culte.

Dans les derniers mois, la Source put être observée à divers endroits dans la région de Rivesonge. Toujours très difficile à localiser, et donc, à exploiter, les regroupements en place pourraient ainsi quérir un support divin pour venir à bout de leur peine.

Chronique IV: L’Ostwarden, le gardien de l’est.

On raconte depuis quelques jours que plusieurs nouvelles divisions de l’armée stahlienne seraient entrées en Belfort dernièrement. Étendards aux vents, marchant au rythme de leurs tambours, ces soldats ont descendus la colline d’un pas imposant. Guidés par leurs officiers sur leurs immenses chevaux de guerres, on dit qu’ils auraient fait le voyage pour venir prêter main forte à leurs frères arrivés plus d’un an auparavant. 

Ils auraient été accueillis par un lieutenant stahlien connus des serfs de Belfort. Après quelques discussions, deux divisions auraient pris la direction du nord du duché afin de garnir les deux nouveaux fortins venant tout juste d’être construits. À en croire les rumeurs, les officiers stahliens résidants auraient demandé ces renforts car des troupes aux couleurs du Vigmark se seraient rassemblées juste au nord de la frontière. Les autres divisions auraient été escortées vers l’intérieur des terres où elles se seraient jointes aux forces d’occupation.

Depuis leur prise du duché, les stahliens se sont imposés avec une poigne de fer. Dès leur victoire, ils ont dépêché des brigades dans tous les villages d’envergure. Ainsi, ils ont conscrit tous les fermiers et éleveurs de Belfort afin de pouvoir rationner leurs productions et assurer un partage efficace de la nourriture. Les ingénieurs stahliens ont partagé leur savoir avec les agriculteurs et cela a grandement amélioré leurs récoltes. Une chose est sûre, aucune âme n’a connu la faim depuis l’arrivée des Stahliens. La nourriture est fade mais elle est suffisante. Les récoltes abondantes et le bétail en santé compensent le manque de variété dû au contrôle accru du commerce et des importations d’alcool et d’épices par précaution d’empoisonnement.

S’installant aux quatres coins de la région, les stahliens ont aussitôt imposer un couvre-feu prohibitif et des lois dissuasives. Le tout afin de corriger certaines délinquances qu’ils percevaient parmi la peuplade. Rares sont devenus les festivités qui s’allongent dans la nuit mais, il faut le reconnaître, rare sont aussi devenus les délits…

La vie est devenue morne en Belfort depuis l’arrivée du peuple d’acier et l’arrivée de ces renforts ne laisse personne douter de leurs desseins pour le duché. Les gens n’avaient certes jamais vécu de nectar et de noble gibier mais malgré tout, leurs quotidiens étaient le leurs tant que leurs devoirs de serfs étaient remplis. Depuis la fin de la guerre de Belfort, les serfs se sont vu imposer un nouvel ordre dicté par les priorités structurantes des officiers stahliens. L’Ostwarden nouvellement en place, est pressé de sécuriser la région. Sous son joug, les hommes et les garçons ont été appelés à travailler à l’édification de routes fiables et de tourelles aux fanions flottant dans le vent. 

Certains maçons auraient même été affectés à la construction de temples dédiés aux Dogmatisme de Vinëren et certains lieu reculé et effrayant en lieu de prière au Stoïcisme de Werden. 

Ce qui ne manqua pas de contrarier les aïeuls et les preux. D’autant plus que plusieurs semaines auparavant, un officiel stahliens avait soulevé l’ire des citoyens d’un village en commandant la réfection d’un sanctuaire du cycle en barraque pour ses soldats

À en croire les histoires que nous racontent les bardes errants, ils sembleraient que certains nobles de la Marche auraient enfin décidés d’honorer leurs devoirs au lieu de se marier entre frères et sœurs. La Marche s’éveille à nouveau vous diront les jeunes de Belfort. Une chose est sûre, Stahl est prêt à toute éventualité.

Chronique V: Durance livrée à elle-même…

Au lendemain de la prise de possession des droits de taxes du Carrefour des Astres par les forces combinés de Stahl et de la Marche, la propagande et les mensonges avaient fait leur oeuvre. 

Jean de Bonsecours avait été sommairement conviés à l’exil de Rivesonge. Dans la foulé des tractations entourant le rôle des émissaires de l’Ordre de l’Absolution et l’Ordre de Saint-Brévall face à la situation dans la Marche, les commandants de l’Absolution avait fait route vers leur nations. Modeste Rocquefer, représentant de l’Ordre de Saint-Bréval au Carrefour des Astres, appris la nouvelle au lendemain du coup d’éclat. À ces yeux, les forces Stahlienne avaient manipulé les Marcheurs dans le but d’asseoir leur mains mise sur Belfort, mettant aindi en péril les efforts de reconstruction de la Marche mis en place par la nation du Juste. Prestement, les ordres furent donnés afin de mettre en branle le retrait des effectifs Langegardois du carrefour. Des messagers furent déployés pour rejoindre les différentes fortifications le long du mur et auprès des hameaux où les émissaires de Langegard seraient à risques. Lors de l’arrivé de la déléguation Stahlienne escortant la compagnie des Arbalétriers Visétois, il constatèrent un Carrefour presque désert. La garnison avait plié bagage et fait marche vers le centre de la Marche. Les marchands de l’endroit parlait qu’ils allaient vers Danteigne.

Dès le début de mois de juin, petit à petit, des 4 coins de la Marche les étendards aux couleurs des ordres religieux Bradoriens défilaient sur les routes conduisant au duché de Danteigne, lieu hospitalier envers les forces Langegardoises. Les villages en reconstruction, suivant les affres de la guerre de l’Unification et ses débordements, se vidaient à nouveaux de leur population. 

C’est dans le hameau de la Franche, ville frontalière au sud-ouest de Durance, que le retrait des forces se fit ressentir le plus. Mené par Dame Tempérance d’Angecourt depuis près de deux ans, le fortin de la Franche avait su offrir stabilité et travail à la région. Forcé de partir suite à un décret du préfet de Danteigne, plusieurs langegardois et marcheurs s’y étaient initialement opposés. Toutefois, la commandante d’Angecourt assura à la populace que des mesures allaient être prise avec Sir Julbert, le Duc de la région, afin de préserver l’équilibre à la frontière.

De ce fait, plusieurs seigneuries et partisans des loyalistes de la Marche Exilée saluèrent le geste honorables et diplomates des Langegardois dans cette opération. Sans pour autant prendre ententes avec ces derniers, les différents seigneurs du coin dirigèrent nombre de ressources et d’effectifs afin de combler le départ des fidèles au Pontife en Durance. 

Toutefois, malgré cette initiative précoce de la part des loyaliste, le feu du conflit se rendit jusqu’au fortin de la Franche lors du douzième jour de juin et ainsi confirmant les inquiétudes de la populace face à un retrait des seuls effectifs capable de repousser des brigands.

……

Ce qui commença par des rumeurs de brigandage à l’ouest en Mésière sans grande envergure devint bientôt un pillage dans les villages avoisinants la zone fortifiée. 

Une jeune fille s’étant échappé des troupes sans bannières décrivaient ceux-ci comme des hommes et des femmes aux apparats simple répondant au nom de la Cohorte de Salvation. 

La Salvation étant généralement une messe du cycle utilisé en temps de guerre, elle représente l’ultime chance que peut offrir un cyclaire à ceux qui se sont égaré dans leur foi.

Plusieurs milices furent dépêchés au lieu entourant la Franche durant les jours suivants le début du saccage. Leur traque de ces lâches sans bannière était voué à l’échec faute de monture. Des petits villages se retrouvaient décimés complètement par une force de guérilla impressionnante. Ceux qui échappaient à la Cohorte était ébranlé par ce qui restait de leur passage. Les corps déchirés et disposé à honorer le Cycle d’une façon hors des coutumes de la Marche. Vers la fin du mois de juin, après plus d’une cinquantaine de marcheurs retrouvés morts, des menaces anonymes se firent attendre jusqu’aux portes de la Franche. La tête de Sir Vaillant de Rivesainte, diplomate et médiateurs Langegardois, avait été planté sur un pic aux portes de la ville. Respecté de tous dans le hameau, des villageois racontaient qu’il était resté dans la région. La nouvelle de sa mort sordide amena un vent de panique. De ce symbole, il semblait évident qu’une attaque imminente allait se produire.

Aux crépuscules, une cavalerie légère fondit sur les pourtours de l’enceinte fortifiés. peu garnis en effectif, les forces ducale n’était pas préparé à un tel assaut. Avec le retrait des forces de dame Tempérance, Il était impossible de couvrir tous les angles des parois de la fortification. Les murs étant assez bas, les cavaliers pouvaient escalader les murs de bois. Les chemins de rondes furent rapidement submergé de plusieurs guerriers, voilés et portant  de modestes armures de cuir de fourrure et  d’ossements. Plus d’une centaine de combattant cyclaire s’étaient mobilisés afin de prendre les lieux. À peine cinquante gardes étaient présent dans le fort. 

Dans le fracas des affrontements, la Cohorte scandait tel une prière : Par cette Salvation, retourne au Cycle toi qui s’est perdu! C’est lorsqu’on entendit le crâne du meneur de la Cohorte se briser sous le choc d’un bec de corbin que le cours de la mêlée changea. 

Délogeant son arme de la carcasse du crieur, le chevalier portant les couleurs de Durance sur son casque orné d’un aigle enchaîna avec une efficacité grandiose un torrent de coup en plein coeur du gros des forces de la Cohorte. 

Cinq chevaliers,  armurés de la tête au pieds, se déplaçaient à l’unisson vers le coeur des forces ennemies. Chacun d’eux portaient les couleurs de la seigneurie de Durance, et leurs heaumes symbolisaient tous des animaux différents; un aigle, un ours, un bouc, un loup et un cerf. 

Avec la présence de ses chevaliers sur le champ de bataille, les armées semblaient à force égale. Malgré cela, il était impossible pour les loyalistes de repousser ces vauriens vu leur nombre. Alors que les affrontements semblaient se transformer en guerre d’attrition, un cor fut sonné au loin. Aux couleurs ocre et orangé, la confrérie Halvard avait finalement terminé son périple afin de venir appuyer l’effort loyaliste en Durance. Plus d’une vingtaine de combattants, prêts au combat, descendait alors la vallée pour rejoindre leur compatriotes.

Voyant cela, le restant de la Cohorte fuya avant que le combat ne soit engagé avec cette nouvelle troupe.  Subissant plusieurs pertes durant le retrait, une partie des forces ennemis réussirent à s’enfuir.

Le combat terminé et les renforts arrivés, la Franche pouvait maintenant panser ses blessés et enterrer ses morts. Les sans-bannières eurent tôt fait de disparaître vers le Sud. 

…….

À peine deux jours plus tard, un envoyé de Lievrow vint faire part d’un rapport à la Franche. 

Les troupes Vigmars auraient combattu et capturés un des membres de cette Cohorte. 

Le messager taillada une saccoche de tissu attaché à son cheval, un amas d’arme brisées tomba de sa monture. Les armes étaient celle de cette cohorte. 

Le messager remis une bourse d’un poid respectable à l’un des chevaliers. 

 » C’est maigre, mais c’est le fruit des pillages de ces chiens. Lievrow vous en fait cadeau.  

Mon chef vous offre de le rejoindre à la fin août dans la région de Rivesonge. Il a capturé un de ces malfrats, il prévoit l’interroger auprès des représentants de la Marche. »

Qui sait si cette Cohorte de malfrat ou de zélote continuera sa Salvation, beaucoup de questions reste en suspend. Comment les représentants à Rivesonge composeront avec cette bavure des affres de la guerre…

Chronique VI: Le sang drasilien

Les échos d’une rumeur viennent de se rendre jusqu’à Rivesonge!

Un assassinat sordide et barbare vient d’avoir lieu dans les principautés Drasilienne. Le très noble prince Cornellius Lazuli fut tué dans ses appartements. L’assassin qui orchestra cela était bien préparé et avait mis sur pied un plan à toute épreuve. Il semble que le meurtrier soit un Langegardois et que cet acte en soit un de vendetta afin de venger l’attaque sur l’ambassade qui eut lieu il y a quelques mois. 

Les informations qui circulent en ce moment ne précisent pas si l’assassin court toujours où s’il fut arrêté.

Brumelance 3ème événement

Chronique I :Le voeu de Mylo

Il fut naguère un bourg relativement populeux qui, si on en croit les récits des ménestrels, se serait situé dans le sud du duché de Valorie. Vivait dans ce village un pauvre individu portant le pauvre nom de Milo. Privé de fortune dès sa naissance, Milo est venu au monde dépourvu de jambes capables. Ses parents, de vaillants citoyens de modeste réputation, furent horrifiés par ce constat. Heureusement pour lui, sa douce mère l’aima depuis le premier instant où la sage femme le déposa, couvert de glaise, dans ses bras. Son père, déçu, fut attendri par les émotions de sa compagne et accepta de renoncer à devoir noyer le nouveau-né…

Milo connut une enfance morne. Son impotence l’empêcha de jouer comme le faisaient les enfants de son âge. Il n’avait pour lui que l’amour de ses parents et les quelques tomes que son père lui rapportait de ses voyages de négoces. Les autres gamins du village avaient eu tôt fait de rire de Milo et de l’affubler de sobriquets disgracieux. Il était l’enfant brisé, celui que sa mère cajolait, celui qui ne tolérait pas le soleil, celui qui ne savait pas marcher. Heureusement, Milo avait ses livres pour se réfugier dans leurs comptines de princesses, de capes et d’épées.

Le père de Milo décéda lors de sa dix-septième année. Sa mère le suivit dans la tombe deux étés plus tard, emportée par la consomption. À cette époque, Milo avait déjà développé une certaine réputation de calligraphe et d’écrivain. Son père avait mains et maintes fois sollicité son aide pour rédiger des correspondances si bien qu’on eût remarqué qu’il avait une tournure de phrase agréable, toujours posée et juste. Privé de la compagnie de ses parents, cloué sur sa chaise à roue de bois, Milo décida qu’il gagnerait sa vie grâce à sa plume.

Rien n’étant facile pour lui, Milo demeura la risée de son village malgré son prestige grandissant. Les gens de son village, pauvres ignares des champs, n’avaient aucune idée de son talent. Chaque semaine, des courriers arrivaient des bourgs environnants pour lui soumettre du travail. Sur leurs grands chevaux, ces messagers le toisaient toujours de haut alors qu’il lui expliquait quelles étaient les demandes de leurs sieurs. Bien conscient de son absence de stature, Milo garda sa fierté pour lui et accepta ces contrats. Cela lui permettait de vivre décemment. Il composa des lettres d’amour, des textes de loi, des lettres de changes et bien d’autres. Pour chaque contrat bien accompli, il était moindrement payé et peu considéré par ses clients. Milo était résigné à cette réalité. Qu’est-ce qu’un demi-homme pouvait espérer de plus que d’être à demi respecté ?

Vint une soirée de printemps hâtif durant laquelle une dame se présenta chez Milo avec deux fier-à-bras. Venimeuse, cette pimbêche accusa Milo de ne pas s’être appliqué dans le choix des mots employés dans la lettre d’amour qu’elle avait lui commissionnée au nom de son fils hideux. Elle accusa Milo d’être responsable du fait que les sentiments de son fils aient été rejetés par sa flamme. Milo était indigné par la prétention de la dame. Il s’était toujours fort appliqué à la tâche. Il rétorqua donc, sans malice, que s’il y avait une faute à attribuer l’échec de cet amour, c’était simplement que le jeune homme n’avait rien pour lui. La grotesque madame s’énerva sans bon sang et commanda à ses hommes de rudoyer le pauvre scribe. Ricanant, ceux-ci n’y allèrent pas de main morte. Milo appela à l’aide. Il supplia qu’on vienne l’aider. Personne ne vint.

Au plus noir de son agonie, un être de lumière se présenta devant Milo. Ayant une voix forte comme le tonnerre et un regard inquisiteur, ce visiteur offrit au pauvre éclopé d’exaucer son plus ardent voeu. Désespéré, abandonné à lui-même et sans personne pour l’aider à se relever, Milo formula alors le souhait que son destin et celui de ses détracteurs soient inversés. Il souhaita n’être jamais né impotent. Il souhaita avoir grandi avec le plein usage de ses deux jambes et il souhaita que tous ceux qui se sont, ne serait-ce qu’une fois, moqués de lui s’écroulent sous le poids de leur méchanceté. L’être de lumière sourit longuement de manière terrifiante et exauça le voeu de Milo en s’évanouissant dans la noirceur.

Soudainement, toutes les chandelles et torches du village s’éteignirent d’un seul souffle du vent. Au même moment, une cacophonie de fracas sourds et de hurlements de douleur creva le silence de la nuit. En un instant, tout le bourg fut submergé dans une vague de terreur et d’incompréhension alors qu’un peu partout, des hommes, des femmes et des enfants voyaient leurs jambes se tordre et se casser d’elles-mêmes. Ces piteux virent leurs os se fracturer et leurs chaires se déchirer en imbibant leurs draps et leurs paillasses de sang crasseux. Cassures après cassure, fracture après fracture, les villageois continuèrent longuement de crier, pleurer et supplier les cieux…

Milo ouvrit les yeux alors que le soleil de midi baignait sa chambre d’une lumière glorieuse. Il avait une désagréable impression d’avoir fait un long cauchemar durant son sommeil. Confortablement emmitouflé dans ses draps, il s’étira de tout son long, repoussa sa douillette de côté et se leva pour se rendre sur le balcon de sa chambre. De par la fenêtre, il vit ses serfs occupés à leurs affaires et il sourit longtemps en se rappelant le voeu qu’il avait fait auprès de l’être de lumière. Il fut naguère un bourg relativement populeux qui, si on en croit les récits des ménestrels, se serait situé dans le sud du duché de Valorie. Vivait dans ce village un riche individu portant le noble nom de Milo le Sage…

Chronique II : Le trépas d’un prince

‘’Je comprends votre désarroi et la peur qui vit en vous en ce moment. Ce que ces gens… ces animaux… ont fait… Mais rappelez-vous des paroles de Myr. Levez le voile qui obstrue votre vision, et délivrez-vous de l’emprise de vos émotions. Le Royaume compte sur vous. ‘’ Magistrat Frédérik de Lazuli, juin 119
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Devant l’atrium, le regroupement d’intrus se rassemblait, prêt à passer à l’acte. 

‘’Je te remercie Harpie d’avoir orchestré cette vengeance pour moi. Je suis fier des agents que tu as réunis pour cette mission. Grâce à toi, nous avons eu accès à Drasil sans que personne ne soupçonne notre présence.’’ dit celui au masque de Nyctale, sa voix à peine un soupir dans la nuit. 

Son interlocutrice, inclinant doucement sa tête vers la droite, la lueur des chandelles illuminant son masque de Harpie des Neiges, répondit simplement, dans un ton monotone et étrangement ritualistique: 

‘’Nous somme partout, nous voyons tout, nous sommes la Main Noire.  Aujourd’hui, nous sortons de l’ombre pour remettre à l’ordre le Lazuli.’’

‘’J’ai demandé ma vengeance au Grand Maître’’ expliqua le Nyctale, ‘’ et il me l’a accordé. Mais je ne pourrai plus vous guider en Rivesonge.  Le prix demandé ne sera que trop fort pour me permettre de rester à vos côtés. Corbeau, les agissements de la Main Noire en Rivesonge répondront de toi à partir de maintenant. À fins inaugurales, je veux te voir en action. Mène l’opération, moi et Harpie allons t’assister.’’

 L’homme au masque de Corbeau s’avança, se raclant la gorge de façon gutturale;

‘’Bon, je vous rappelle pourquoi nous sommes ici, nous devons capturer Lydia du Jaspe. Selon les informations fournies par Harpie, elle serait ici aujourd’hui.’’ dit-il, se retournant vers la femme drapée de noir. ‘’ Toi et tes agents sèmerez un maximum de chaos, avant de vous éclipser vers le point de rendez-vous. Moi et Nyctale nous occuperons de la capitaine du Jaspe grâce au présent que le Grand Maître nous a offert.’’

D’un claquement de doigts, le groupe se dispersa, prenant position pour le carnage qui s’en suivrait. 
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‘’Le Nyctale ordonnait, et le corps obéissait, ses paroles mêmes semblaient le contraindre à bouger, à agir.  tel un marionnettiste déambulant habilement son instrument. Cet homme… n’était pas qu’un simple assassin… Qu’étions-nous censés faire contre un homme qui était déterminé à mourir pour voir son projet à terme? ‘’ Rainier de Lazuli, capitaine des Heaumes d’Azur, juin 119
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Debout, face aux portes des appartements de son Prince, Rainier de lazuli sentait la lourdeur d’une nouvelle nuit passer devant ses yeux. Toutefois, devant ses yeux, une forme se détacha lentement des ombres du couloir désert. Se redressant instantanément, il interpella l’individu devant lui: ‘’Au nom du souverain de la Principauté de Lazuli, identifiez-vous!’’

D’une voix lente et tonitruante, presque mécanique, qui sut causer une alerte immédiate dans l’esprit du garde prétorien, l’interpellé répondit; ‘’Capitaine Lyydia Jaspe, qui requiert une audience urgente avec sieur Cornelius concernant une véritable tuerie dans les archives!’’

Craignant des représailles langegardoises contre sa Maison suite aux évènements de la Libération des Lampions, le jeune humain fléchi un instant, rejetant les suspicions immédiates que l’étrangeté de l’intonation de son interlocutrice présentait. Ce laps de concentration, aussi bref fût-il, permit à une main de sortir de l’ombre, à la périphérie du regard de Rainier. Soudainement, il se sentit paralysé, prisonnier de son propre corps. Bientôt, ses mouvements semblaient survenir au rythme des ordres d’une voix, qui se réverbérait dans sa tête. 

‘’Bien le bonsoir. Soyez un bon petit soldat, et courbez l’échine.’’

Contre son gré, le capitaine obtempéra, s’agenouillant devant la forme qui sortit des ombres. L’homme, de courte stature, la force de l’âge semblant avoir depuis longtemps quitté son corps, bougeait avec une grâce presque surnaturelle. Comme si son apparence n’était qu’un habile déguisement, une astuce pour passer inaperçu du plus aguerri et expérimenté des regards. Sur son visage reposait un masque à l’effigie d’un Nyctale. Bientôt, d’autres formes se dessinèrent dans le couloir, surgissant des zones d’ombres entre les piliers, là où la Lune et ses Astres ne savaient se faufiler. 

‘’Bien’’ murmura la voix, ’’ Maintenant, ouvrez la porte des appartements de votre Prince. En bon invité, je ne voudrais retarder notre petite discussion.’’ 

Horrifié, le garde obéit de nouveau, débloquant la serrure mystique de l’imposante porte de chêne ouvragée qui donnait sur les appartements du Protecteur de Drasil. Intimés par l’emprise du Nyctale, lui et Lyydia ouvrirent les portes, laissant passer la demi-douzaine d’agents, vêtus de noir, arborant des masques d’oiseaux, vers le sanctuaire le plus important du complexe de la Maison de Lazuli. Alors qu’il refermait la porte, le dos tourné à la scène, il entendit la confrontation démarrer. Et il reconnut la voix, grave et impérieuse, de son suzerain, celui à qui il avait voué sa courte vie. Pourtant habile mystique, maître d’Évocation, Rainier ne sut reconnaître les incantations de Cornelius. Mais la seule puissance qui habitait ses paroles fit frissonner le Capitaine. Alors que lui et Lyydia flanquèrent contre leur gré les deux larges portes, tels d’ironiques gardes, protégeant l’accès au reste de la villa, Rainier posa les yeux sur le combat qui faisait déjà rage. Et ce qu’il vit vint un instant rallumer la flamme d’espoir en lui.

Sa Majesté Cornelius, avec un petit sourire en coin,  prononça une seconde incantation aux runes inconnues et arcanes. Il évita d’une brillante manoeuvre deux lames simultanées, enjambant les corps de deux assaillants déjà tombés, l’un d’entre eux émettant une légère fumée. Le Nyctale, profitant de la diversion, réussit à poser sur le Prince une main , mais le sortilège dont il frappa sa cible se retourna contre lui, le faisant s’écrouler dans un cri de douleur horrifiant. Les trois derniers assaillants continuèrent leur assaut, l’énergie du désespoir animant leurs lames. Le Protecteur de Drasil profita d’une ouverture dans la jetée de deux d’entre eux pour se débarrasser d’eux, son fin sabre tranchant leurs gorges d’un seul mouvement. Puis, d’une longue incantation, qu’il prononça en parant les assauts paniqués du dernier intru, au sol, un grand cercle runique s’illumina, jusqu’à maintenant camouflé par un épais et somptueux tapis. Il plongea sa lame au travers du malheureux, qui poussa un cri d’agonie, son corps se métamorphosant sous les yeux de Rainier en statue de sel. 

Alors que le Prince, un rictus victorieux aux lèvres, semblait laisser retomber sa garde, une expression de tourment et d’agonie martela soudainement ses traits ciselés. Lentement, un cercle pourpre se traça lentement sur le blanc de sa tunique, une longue traînée écarlate se dessina lentement, cherchant à rejoindre le sol de sa lente progression. Lentement, laborieusement, la tête du Nyctale se fit voir par-dessus l’épaule du Prince, figé de douleur, alors que l’assassin se relevait avec peine, une main tenant fermement la dague qui maintenant dépassait du dos du Maître du Lazuli. 

« Je suis Caleb de Boisbrillant,’’ entonna le langegardois, ‘’Que par la Lumière du Juste, ma vengeance me soit accordée sur le Lazuli. »

Il retira lentement la lame. De la lumière jaillit de la bouche et des yeux du Prince. Après un cri strident, résonnant comme si l’essence même du Prince était déchiquetée et lacérée, Cornelius le Fier, Prince Protecteur de Drasil l’Immuable, s’écroula au sol.
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‘’Le monstre qui se tenait devant moi laissa tomber la dague qu’il portait. Et alors qu’elle tomba en poussière en touchant le sol, il s’agenouilla, mains derrière la tête, je pris la fuite, panique et horreur ayant raison de mon esprit.’’ Capitaine Lyydia du Jaspe, 119
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C’est sur l’expression de peur et d’incompréhension marquant le visage du Magistrat que l’enchantement se rompu. L’immense Opale au centre de l’amulette se fissura, s’effritant dans le courant d’air provenant de la fenêtre ouverte. Là où il y a quelques instants, une puissante magie de songe formait les hautes voûtes des appartements de Cornelius, les corps des défunts, piétinés par les gardes se jetant sur le Nyctale, ne restait plus qu’un cachot, sale et dénué d’attrait. Au milieu de la miteuse cellule où était enfermé Caleb de Boisbriant, l’Ambassadeur Siméon de Forgepuit, le sordide spectacle prenait fin. Abasourdi et dépité par ce à quoi il venait d’être témoin, le diplomate langegardois balbutia un instant, refermant le coffret dans lequel il avait amené l’opale et la craie pour son cercle.

« Vengeance est vôtre , Ambassadeur. Votre communauté pourra finalement connaître le repos dans la divine lumière du Juste. Les péchés et les vices sont lavés par le sang des Infidèles. »

« Qu’avez-vous fait… pauvre fou! » S’écria le sieur de Forgepuit, affolé par l’audace de son interlocuteur. 

« J’ai fait ce que tous, dévoués à la cause du Juste, auraient fait à ma place! N’êtes-vous pas fier de ce que j’ai fait pour votre communauté? » Répondit l’assassin, d’une voix lente et tonitruante qui trahissait la pleine absence d’empathie, de remords ou de chaleur humaine. 

« Insensé! » Clama Siméon, la colère l’emportant  sur son expression livide. « Nous étions à deux doigts d’obtenir réparation! De régler cette catastrophe diplomatique! D’ici 4 jours, la conférence organisée par l’Oeil de Fer allait toucher à sa fin! La Principauté avait concédé sur TOUT! Rapatriement des corps, châtiment des responsables, réparations monétaires et commerciales, plein accès aux terres du Nacre pour y exacter le châtiment que nous trouvions approprié pour punir ceux qui ont tenté de priver les nôtres des rites adéquats! Ce traité nous offrait tant que chaque malheureux décès en devenait une peine mineure! Et vous… VOUS!  » Hurla le langegardois, le rouge gagnant son visage. « Vous avez ruiné cet effort! Jamais nous ne pourrons conserver nos acquis! Jamais les drasilhiens ne seront aussi cléments et généreux dans leurs excuses! » 

Devant ces accusations, l’expression du Nyctale changea du tout au tout. D’un calme serein et satisfait, l’homme devint agressif, visiblement colérique. « Ambassadeur. Vous, qui osez compter les vies des disciples du Juste comme des pièces de monnaie. Vous êtes coupable du Vice d’Égoïsme!  » dit le forcené.

« Que la Lumière du Juste châtie les péchés des nôtres! » Entonna Siméon d’une voix forte et impérieuse, alors qu’une marque se dessinait d’elle-même sur le front du prisonnier, la blessure fumant comme si un fer rouge scarifiait la peau.

« Voyez, malfrat, même le Juste vous a abandonné, apposant le symbole du Traître sur votre front. » Nargua le Saint Homme, alors qu’à l’extérieur, les cris des, gardes, alertés par les bruits de l’altercation, se rapprochaient à toute allure. « Pauvre sot! Jamais vous ne pourrez échapper aux tourments de vos péchés commis en cette nuit! » Cria-t-il, une divine lueur entourant son corps, tel un châle protecteur. 

Caleb, pantois, fut soudain projeté au mur, l’impact coupant son souffle. Aberré, il ne put que regarder l’être devant lui, véritable Héraut de Brador, de sa foi, des siens, de sa communauté. Sa volonté sapée, son énergie anéantie par la majesté de celui qui se tenait devant lui, il se recroquevilla au fond de sa cellule, alors que les gardes du Jaspe pénétraient la cellule, persuadés par les cris que l’Ambassadeur exécutait lui-même une vengeance préemptive sur le détenu. Satisfait, le dignitaire langegardois, se retournant sans mot dire, quitta les geôles du Jaspe.

Chronique III: Notre Marche!

Fier gences de Durance ! Qu’il soit su que votre duc n’est pas ignorant des craintes qui vous hantent. Qu’il soit su que les forces ducales, nobles et fortes, combattent actuellement dans la région septentrionale du duché. Citoyens ! Vous qui êtes preux et dignes, les forces du Vigmark sont à nos portes ! Nos étendards flottent dans le vent aux côtés de celles des Vigiles du Conquérant et de la Confrérie Halvard ! Nos alliés s’assemblent pour faire face aux manigences des profiteurs! Déjà l’on dit que nos ennemis auraient subit la colère de leurs lances affûtées et de leurs massifs fléaux ! Citoyens ! Saluez ces champions et priez pour leur triomphe !

Citoyens ! Que ce soit su que vos seigneurs sont au front ! Ces barbares font du grabuge chez vos soeurs, vos oncles et vos cousins ! Ils ont l’audace de venir imposer la vision du monde de leur hierophant ! S’ils sont mielleux, ils n’ont pas la ferveur nécessaire pour châtier leur manant désobéissant. Par leur molesse, la Cohorte de Salvation ont pillés déjà beaucoup trop de nos greniers ! Ils se cachent parmi nous comme des vipères ! 

Leur despote, chassé de chez lui comme un gredin, a décidé de venir grappiller le fruit de votre labeur ! Citoyens ! Ne désespérez pas ! La Marche se lève!

Qu’il soit su qu’il y a espoir ! Qu’il soit su que Ravière est maintenant souveraine ! Citoyens ! Inspirez-vous des braves hommes et femmes de Ravière ! Célébrez leur héroïsme ! On raconte qu’ils se seraient tous ligués, armes et outils à la main, et qu’ils auraient conquis leurs destins ! Unis sous une bannière aux couleurs de la Marche ! Ces braves ont chassés les rats et les cloportes de leur duché ! Ils sont maintenant les maîtres de leur destiné ! On raconte même que les braves de l’ordre de l’Exil, torches enflammées à la main auraient ravivé le courage des serfs de Valorie ! 

Citoyens ! Ne vous laissez pas intimidés par les Stahliens de Belfort ! Ceux qui nous toisent du haut de leurs imposantes tours de pierres ! Ils reçoivent des renforts sans cesse ! À quoi bon ? Citoyens ! N’ayez crainte, ils ne sortiront pas de leurs bastions ! Si les Stahliens étaient courageux, ils se seraient joints à notre guerre ! Non ! Ils s’entassent derrière leurs murailles tandis que le Vigmark envahit vos champs. Citoyens ! Tout n’est pas perdu ! Notre cause est juste ! 

Priez citoyens ! Priez pour que viennent un jour où la Marche cessera de se faire piller dessus !

Brumelance 4ème événement

Chronique I: Le Murmure de l’Hiver

Le passage des saisons se fige dans cet éternel

Au travers ce brouillard glacial, immatériel

C’est dans cette lumière, sans un son

Que la vie s’éteint et en perd son nom

Les ennemis jurés autrefois terrassés

Viennent à renaître dans ce vent éthéré

Ce monde que nous croyons tant connaître

Semble se briser, consommant nos êtres

La terreur longtemps endormis, sort lentement de son sommeil

Par delà le voile, scrutant les mortels, elle veille.

C’est dans cette réalité spectrale de l’hiver

Que chasse lentement ce démon pervers…

Depuis qu’Élode est né, le passage des saisons est une loi absolue. Le froid glacial et impardonnable de l’hiver est une réalité qui cause beaucoup de tourments en nos terres dès l’approche de l’Equinox de septembre. 

Avec le Solstice d’Hiver s’abattent des vents de Brume plus intense que pendant les saisons chaudes. Les terres se font pauvres, les déplacements difficiles et la vie en Élode semble paralysée pendant les mois plus intenses de cette saison.

Tous savent qu’une préparation rigoureuse est de mise afin de pallier à cette force de la nature. Dans le territoire isolé de Valterne, plus que partout ailleurs, cette préparation est une réalité immuable.

D’ici quelques mois, les guerres et les conflits devront s’endormir pour un temps. Un étrange silence s’élèvera alors… un gémissement discret dans le bois… un murmure troublant…

Et qui restera bien en ces terres pour l’entendre? 

Chronique II: Au feu le Torchon…

Le soleil commençait à peine à tomber pendant que Petite Fleur s’affairait à consolider les articles de son modeste journal. Il plaçait méticuleusement les pièces de ses matrices sur sa presse, presque prêt à enfin amorcer l’impression d’une dernière édition du Torchon de Rivesonge pour l’année. Il ne lui restait qu’un dernier assemblage à faire afin d’imprimer l’endos de la page finale.

Des cordes étaient tendues dans tous les sens de la petite pièce où séchaient un labyrinthe de papiers imprimés. Choisissant ce moment pour prendre une pause, le Cyrian s’affaira à peaufiner les dernières lignes d’un poème suave destiné à faire sourire les habitants de Rivesonge lors de la distribution de son journal. 

Pendant ce temps, le potage d’automne mijotant sur le feu parfumait délicatement de son odeur les pages encore humides. La chaleur dans la pièce était trompeuse car lorsque les nuits tombaient, déjà voyait-on son souffle en un nuage pâle. L’hiver approchant rapidement, la parution de cette dernière édition allait satisfaire ses mécènes et pouvoir permettre au fringant jeune homme de passer l’hiver en sûreté.

Habitant à deux pas des installations de la guilde des bâtisseurs, les terres autour de son atelier étaient d’ordinaire assez paisible. Maurice et sa troupe avaient été plutôt affairés dernièrement à conclure une livraison afin de soutenir les efforts des patriotes et cela faisait quelques jours que Florus était seul et enfermé dans son atelier. La tranquillité lui avait permis de redoubler d’ardeur à la tâche mais la présence d’autrui commençait à lui manquer.

C’est alors que le soleil se cachait derrière la cîmes des arbres à l’horizon et qu’il était encore à sa table, plume aux lèvres, que Petite Fleur entendit des sons à l’extérieur. Était-ce donc ses voisins, enfin de retour? Avec un sourire, il quitta son siège et, allumant d’abord une lanterne, alla voir si ces derniers avaient besoin d’une quelconque aide. 

Florus cligna des yeux avec surprise. Dans la pénombre grandissante, il ne percevait aucun mouvement. Tendant sa lanterne de part et d’autre, il fronça des yeux puis appela. “Bonsoir?” Aucune réponse. Peut-être avait-il tout imaginé? Il haussa des épaules.

Soudain, une explosion de douleur florit à l’arrière de son crâne, lui causant de s’exclamer et lui faisant voir tout blanc… Puis, il sombra dans la noirceur.

 Lorsqu’il revint à lui-même, Florus gémit et tenta de se recroqueviller sur lui-même. Un instant plus tard, une masse d’arme s’abattit sur l’une de ses jambes, lui extirpant un cri d’agonie suivi de sanglots qu’il ne put retenir. Un coup de pied trouva mouche dans ses côtes, le privant de son oxygène. Ses yeux étaient emplis de larmes et il n’arrivait pas à discerner qui s’en prenait à lui; En revanche, il comprit qu’il était à même l’herbe, celle-ci s’écrasant sous sa joue, l’humidité ayant trempé ses vêtements le faisant grelotter. Alors qu’il continua à gémir, une voix grasse s’éleva, sans doute celle de son agresseur.

“Ça t’apprendra à imprimer n’importe quoi, l’fleuri.”

Florus grinça des dents en haletant faiblement, ses poumons peinant à retrouver leur air. L’insulte était claire dans la voix de l’homme, mais la douleur qu’il vivait était trop grande pour s’y arrêter. Déglutissant avec difficulté, il tenta de cligner des yeux afin d’arriver à se retrouver. Des flammes se déplaçaient et, à leur lumière, il arriva à reconnaître les formes de sa chaumière et des bâtiments voisins. Toutefois, ce qui était sans doute des torches ne tournaient qu’autour de sa maison.

“Bon! Z’attendez quoi, vous-autres, là?” La même voix s’exclama, beaucoup plus fort cette fois. 

Une onde de mouvement fut perceptible parmi les gens portant les torches, et d’autres voix s’élevèrent sans que Petite Fleur ne puisse les comprendre. Toutefois, tentant de ne pas attirer l’attention de son bourreau, il releva comme il put la tête à temps pour apercevoir des gens qui sortaient de chez lui parchemins en main. Puis, quelques instants après la sortie du dernier malfrat avec sous le bras un coffre,  une lumière orangée se refléta derrière les petits carreaux. Un homme fit un grand geste de bras, et, au désespoir de Florus, plusieurs torches furent lancées sur le toit de sa maison. Ces bandits lui arrachait ce qu’il avait de plus précieux, ses sources, ses correspondances en plus de mettre à feu ses efforts des dernières années.

Il ne put retenir un nouveau sanglot alors qu’une tristesse immense l’envahit. Tous ses efforts, tout son dur labeur, s’éleva dans les flammes et la lourde fumée noire… Florus ne tenta pas de retenir ses larmes et pleura amèrement. 

Le pied de son assaillant se déposa contre ses côtes douloureuses et il fut remis sur le dos avec violence. Les reflets du feu dans l’eau emplissant ses yeux l’aveuglaient et il ne vit pas la masse qui s’écrasa à nouveau, cette fois sur son autre jambe. Florus s’écria de douleur avant de gémir longuement. Chacune de ses jambes lui faisaient atrocement mal à bouger, ses mains étaient ligotées derrière lui et déformaient sa colonne, causant chaque respiration à être difficile, telles des poignards s’enfonçant dans sa poitrine. Après l’avoir secoué une dernière fois son bourreau lâcha prise satisfait de sa récolte.

C’est ainsi qu’il fut laissé, grelottant et souffrant, pour être trouvé seulement le lendemain par ses voisins qui enfin revenaient…

———Des ruines fumante, le jeune Cyrian mesurait l’ampleur de la tragédie, ses sources, des informations qui aurait le potentiel de mettre la vie d’autrui en danger, des correspondances avec ses mécènes… tout cela dans l’impuissance d’un homme maintenant infirme pour l’hiver…

Chronique III: En cavale vers l’Ouest

Dans une contrée à l’ouest de Marcenne, non loin d’un petit village, se trouvait une petite auberge bien tranquille. En cette fin d’après-midi annonçant la fin de l’été, le tenancier nettoyait ses chopes avant de servir trois clients bien silencieux.

Ceux-ci se faisaient discrets : ils étaient tous dos au mur à la même table et ils chuchotaient entre eux en surveillant la place malgré l’absence d’autres clients. À la simple lueur des chandelles et du Soleil disparaissant rapidement à l’horizon, il était difficile de percevoir leur visage capuchonné. Leurs atours étaient un ramassis d’étoffe bric-à-brac ayant été assemblé à la hâte sans trop de soin.

L’un d’eux se leva et alla au comptoir demander du vin rouge au patron. À travers son attirail, le tenancier aperçut un fanion à sa ceinture : «Je reconnais le symbole des Tailleurs! On en dit bien des choses, jeune gaillard, pas que du bon à entendre.»

L’homme lui répondit sèchement «Mêle-toi de ce qui te regarde, on ne cherche pas d’embrouille. Voilà 2 couronnes d’argent, apporte-nous ce que tu as de mieux.»

Ses cuves étant à leur fin, l’homme vu la bonne affaire et pris l’air satisfait les deux pièces puis parta tranquillement à la cave.

Le propriétaire savait bien pertinemment que tout un chacun appréciait les rafraîchissements suite à de longues journées sur la route et il avait donc porté attention à ce que ses meilleures cuvés soit conservées au frais. Les escaliers avaient été construits avec soin; il avait donc porté attention à ce que la descente et là monté se fasse aisément à plusieurs reprise. Fier de toute la boiserie de son établissement le bois de cerisier de chaque marche s’agençait merveilleusement bien avec les murs de brique en grès gris-beige.

Quelques minutes s’écoulèrent avant que le tenancier se fraya un chemin jusqu’à la bonne barrique. Il put entendre la porte s’ouvrir au rez-de-chaussée et il fut pris par surprise lorsqu’une escarmouche éclata aussitôt. Des chocs de lames se faisant entendre à travers le sous-sol couvraient les pas précipités de ce qui semblait être une armée. Des phrases incompréhensibles ressemblant à «serangan suronare mavo… fendoris» et des noms comme Constantin et Valko étaient criés à tue-tête. Puis, plus rien. L’homme apeuré remonta prudemment derrière le comptoir pour constater l’état des lieux avec stupeur.

Les coupes des trois voyageurs étaient toujours sur la table sans ceux-ci et, autre que la terre au sol, tout semblait intact. Une figure se dressait de dos à l’entrée des lieux. Elle leva la main, la déposa sur le comptoir et un bruit métallique se fit entendre, suivi d’une voix féminine : «Désolé pour le dérangement». La silhouette quitta les lieux en laissant 3 lys d’or et l’homme put apercevoir par l’embrasure de la porte des chevaux ainsi que des personnes ligotées se débattant.

Dans une contrée à l’ouest de Marcenne, non loin d’un petit village, se trouvait une petite auberge bien tranquille. En ce début de soirée annonçant l’arrivée de l’automne, le tenancier nettoyait la terre d’un fanion brodé d’un obélisque et d’un marteau lorsqu’un nouveau client entra, ses armoiries arborant la croix du seraph n’avait jamais été vu par les environs.

Chronique IV: La ruine de Belfort, l’ascension d’Hëlmgard

Voilà bientôt deux ans que Belfort a été pris par le Royaume de Stahl. À la suite d’un conflit intense contre les cyclaires alliés de la Marche Exilée et du Vigmark, l’Acier a triomphé des saisons lors de l’automne 117, et ce malgré une révolte dans leur propre territoire.

Pendant cette période, les forces en confrontation ont subi plusieurs pertes, autant en Rivesonge que dans les affrontements à l’est. Notamment, le commandant de la brigade Eisern, Bryagh Faust et le capitaine Lorenzo Cortez dirigeant de la 5ème Bannière des Griffons Hurlant furent exécutés pendant ces affrontements. L’Héritière de la Maison Rouge, Daria Denissov, fut également tuée pendant cette même période. Cela laissa un grand vide ainsi qu’une grande haine dans le coeur de tous impliqués.

Depuis plusieurs mois déjà, Lothaire de Myrca, dirigeant du Heaume, tend à intégrer l’ancien peuple de Belfort sous son régime méritocratique. Peu à peu, Belfort s’est converti en véritable rempart. Appuyé par les délégations de Rivesonge, le territoire surnommé le Heaume, prit rapidement de l’expansion. Plusieurs des Exilés, pour la plupart volontairement et pour les autres, par la force, furent assimilés dans l’écrou stahlien.

Pendant les derniers mois, la possession stahlienne de l’ancien territoire de Belfort fut compromise par les loyalistes de la Marche Exilée. Toutefois, malgré les embûches et les nombreuses batailles, le Heaume reste encore et toujours à Stahl…

Ayant déclaré une trêve momentané, les Loyalistes de la Marche Exilée ont portés leur regard ailleurs durant les dernières semaines, consolidant leur assise sur les autres duchés et délaissant Belfort, toujours inaccessible. 

Toutefois, pendant la dernière semaine, des tentatives du Vigmark, de Lievrow d’Eorl, eurent lieu en frontière du territoire au nord. Souhaitant démontrer sa bonne foi face à la Maison Rouge et aux autres dignitaires traditionalistes, il avait entrepris de coopérer avec ceux-ci afin de libérer leur territoire. Malgré ces compromis diplomatiques, ceux-ci lui firent faux bond; laissant les pratiquants des voies ancestrales seuls à négocier avec le peuple de Belfort.

Constatant l’abandon de leur ancien suzerain et la clémence que Stahl avait faite face au peuple depuis son régime, les gens de Belfort semblaient désormais moins enclins à retourner à leurs anciennes pratiques. Ainsi donc, c’est avec un étonnement des plus profond que les dignitaires de Lievrow ne se firent pas expulsé par les forces en place, mais littéralement par le peuple. Malgré leur interaction dans les chaumières et petits hameaux reclus, la majorité des citoyens du Heaume semblaient désormais fermés aux pourparlers. De plus, les officiers stahliens renforçaient chaque jour la surveillance des frontières du territoire. Cela força rapidement les prêcheurs itinérants de Lievrow à se retirer venu le début du mois de septembre. Malheureusement pour le commandant d’Eorl, celui-ci ne bénéficia pas de l’initiative de ses suivants. Restant à l’arrière afin d’assurer la retraite des cyclaires, ce dernier se fit prendre captif par les forces du Heaume et emprisonné dans les geôles durant le mois. Cela laissa ainsi un énorme vide dans la gestion des forces ancestrales désormais immobilisées aux frontières de Mésière et de Belfort… La réalisation de cette capture ne fut que le commencement de la consolidation du territoire aux mains des Stahliens pendant les semaines suivantes…

Un prisonnier de cette trampe dans la poigne d’acier de Stahl leur vaudra bien une rançon de taille…

Au lever du soleil du dixième jour de septembre, Lothaire de Myrca, régent de la place depuis son instauration, s’installa au centre d’un immense regroupement dans la vallée du Heaume. Une cérémonie d’envergure avait été planifiée depuis plusieurs semaines déjà, regroupant Stahliens et anciens Exilés. Durant l’ouverture de celle-ci, le commandant inaugura l’Erinnerung, une imposante dalle de pierre gravée aux noms des nombreux compatriotes morts durant l’effort de guerre. Celui-ci avait été façonné par les maîtres-forgerons de la 5ème bannière du Griffon Hurlant à la fin d’août. Suivant ce dévoilement, l’orc débuta son discours: 

En ce jour solennel, Stahl consolide une fois pour toutes sa victoire en Belfort! Voilà maintenant deux ans que l’Acier a triomphé du Duc de Belfort et des forces coalisées du Vigmark! Durant les nombreux mois qui s’en suivirent, nous avons montré le mérite de la rigueur, de la discipline et du labeur à l’ancien peuple de Belfort qui s’est maintenant élevé parmi les autres Stahliens. Aujourd’hui, je suis honoré d’annoncer que nous n’occupons plus Belfort comme simple force d’occupation. Aujourd’hui, nous nous tenons ici en tant qu’un peuple uni. Ces Exilés qui autrefois habitaient ces terres ne sont plus! Ceux-ci se sont élevés à la grandeur de l’acier et forment désormais un maillon solide de notre société! Ils ont démontré par leur rigueur qu’ils méritaient d’être nos égaux! En ce jour, l’ancien duché de Belfort n’est plus. Nous avons purgé ce territoire de conflit et de discorde. Des flammes de sa destruction est né un alliage nouveau, digne du Royaume de Stahl, digne d’être appelé le septième Rempart! Hëlmgard!

Suivant ces paroles, des acclamations frénétiques remplirent la vallée résonnant avec le roc. Les anciens marcheurs, qui étaient autrefois captifs de forces Stahliennes, étaient désormais les premiers à scander à l’unisson le nom du nouveau Rempart et de son Hochberater. Après deux ans d’occupation, la victoire de Stahl était désormais absolue.

Quelques jours après cette annonce, une lettre fit le tour des différentes terres en Valterne. Celle-ci provenait d’un des officiers stahliens de Rivesonge, Garth de Hast, ayant depuis plusieurs années appuyé les Stahliens en Mévose, celui-ci s’adressait ouvertement aux habitants:

Ce texte s’adresse à tous les habitants “honorables” et “valeureux” en Rivesonge,

Ceci sera la seule et unique fois que j’emploierai ce médium pour convier ma perception des choses face à Rivesonge. Ceci n’est pas une justification de nos actes en tant que Stahliens, car cela nous regarde nous et nous seuls. Il s’agit plutôt d’une lettre d’opinion afin de vous expliquer la différence entre l’honneur et la peur de l’affrontement, la couardise. Cette peur, je la constate depuis maintenant quatre ans ancrée dans le coeur de la majorité des habitants de Rivesonge, trop faible de leurs convictions, déshonorable envers leurs propres aspirations, pour oser lever les armes contre un potentiel opposant à leurs idéaux.

À ceux qui nous accusent de manquer d’honneur, que faites-vous donc pour vous réaliser en ce monde? Vous vous devez d’être de bien faibles individus si vos valeurs  et convictions ne vous confrontent pas aux aspirations d’autrui. Vous avez plus peur de la mort que de voir votre individu et votre nation se réaliser au plus grand degré dans ce monde. En réalité, vous confondez l’honneur avec la faiblesse, car vous n’avez point la force de lever votre bras d’arme contre un individu qui s’oppose à votre vision. Vous êtes réactif dans vos actions, vos aspirations trop insignifiantes, et le seul moment où vous osez entrer en confrontation avec l’ennemi est lorsque vous avez l’avantage du nombre et que ceux-ci semblent avoir agi contre le “confort” collectif de ces lieux.

Vous trinquez et festoyez alors que vos ambitions s’éteignent peu à peu, vous devenez gras et lents. Vous agissez tel un troupeau de brebis, manipulés par les quelques bergers qui eux aspirent à quelque chose en Rivesonge. Vous faites de grands discours pour garder vos réputations communes, confortablement installés dans ce petit village. Vous manquez quelque forme d’initiative pour vous réaliser, ayant peur du conflit, attendant aveuglément que votre flamme s’éteigne ou qu’un “monstre” vienne compromettre votre confort. Vous vous croyez vertueux, mais réellement, la seule chose que vous démontrez est l’inverse.

Une personne ne peut point être vertueuse si elle ne possède pas de vertu assez grande pour oser entrer en conflit avec ceux qui s’opposent à leur vision.

Garth de Hast, l’Ogre de Flammensburg,Le Maillon du Rempart

Chronique V: D’Azur à Cendres

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L’aube est moins claire, l’air moins chaud, le Ciel moins pur ;
Le soir brumeux ternit l’Astre d’Azur.
Les longs jours sont passés ; les mois charmants finissent.
Et c’est de Douleur que le Joyau se ternisse
Et le Temps, lâchement gaspillé.
Nos coeurs, ainsi Libérés,
Ont peine à discerner en cette Ombre la Sagesse.
Pour qui vit comme nous en toute finesse,
Le Chemin est Voilé de bise et de brouillard,
La Gemme perdue est un Fier qui part.
‘’Adieu’’, dit cette voix qui dans notre Être pleure,
Adieu, Prince de bleu, beau ciel qu’un Souffle tiède effleure,
Voluptés du Grand Air, bruit d’ailes dans les bois,
Un Peuple qui lamente sa Douleur d’une seule voix,
Fleurs, bonheur innocent des âmes apaisées,
Adieu, rayonnements ! aubes ! chansons ! rosées !
Alors que les jours s’assombrissent et que le Fidèle astre décline
Tous baignerons dans la Lueur de Sagesse, Sereine et Divine

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 Telles furent les vers se réverbérant en un écho de douleur et de deuil sous la basse et sombre voûte céleste du crépuscule nuageux. Alors que les teintes d’ocre et d’écarlate chatoyaient au sein du ciel gris et orageux, la tension était palpable au sein de l’assemblée réunie dans le Jardin des Éphèbes. Sur le sol contenant tant des dépouilles de la Maison d’Azur se déroulait l’un des événements les plus chargés en émotion et en symbolisme de cette Ère. Devant les mines dépitées et endeuillées de la foule était mis en terre Cornelius le Fier, de la Très Noble maison du Lazuli, récemment rentré de son séjour dans les méandres du Temple du Trigone, son Phylactère bien en sécurité dans les Hautes Voûtes du Lazuli. De mémoire Dokkalfarique, il s’agissait du premier Prince à mourir en dehors d’une Libération; son trépas semblait un signe du destin, une augure de ténèbre et de tourmente pour le peuple des Infidèles. Longtemps considéré comme le Prince le plus influent et des plus aimés par la population de la Capitale, la mort de Cornelius frappait un grand coup au moral de la ville croulant sous le poid des pandémies, de la sur-population et des affres de la guerre. Déjà se faisait sentir la lourdeur de la perte d’un tel être alors que sa Maison, Princes de la dernière ville Dokkalfarique du continent, peinait à maintenir son prestige et son contrôle sur les affaires quotidiennes de Drasil. 

 Alors que les regards ternes de l’assemblée fixaient le podium devant eux, Elemina de Turquoise, son Songe de Lumière achevé, exécuta une lente et solennelle révérence avant de s’en éloigner afin de prendre place parmis les endeuillés, une larme coulant doucement sur sa joue d’albâtre. Tous n’était pas sans connaître sa relation avec le prince déchu, romance qui avait su durer près de 200 ans selon les dires de certains. Alors que la dokkalfar marchait, une douce brise vint agiter sa longue tunique aux couleurs de jais, le fluide mouvement du somptueux tissus donnant la surréelle impression que ses pieds ne touchaient plus terre, comme si le coeur en peine de la vénérable drasilhienne tendait inconsciemment à rejoindre son aimé par-delà le Voile, loin des atrocités et des maux d’une terre et d’un continent maintenant dénués de toute couleur ou d’attrait par l’absence de celui qui avait tant de fois su la soutenir et l’épanouir. 

À sa suite sortit Dame Irina de la Fière Maison du Lazuli, seule élève qui fut prit par Cornelius lui-même, ayant fait le pèlerinage au Temple du Trigone aux côtés de la dépouille de son défunt mentor. D’une voix sobre et calme, ne trahissant aucune émotion, la dokkalfar prit parole. “La mort de feu mon Maître, Cornelius le Fier de Lazuli, marque le glas d’un Autre Temps, d’un  ge d’êtres exceptionnels’,’ dit-elle, alors que l’assistance, le regard maintenant soudé aux lèvres de sang de la Dame, semblait retenir son souffle, comme par respect pour les paroles de l’une des Guides les plus chevronnées et adulées du Royaume. ‘’Une époque de prouesses et de mystères, gorgée des récits et des exploits de Héros plus grands que nature, dont la puissance et le savoir ne sauraient en ce monde être répétés de sitôt’’ continua-t-elle et les regards se retournèrent lentement, et presqu’à corps défendant, vers celui dont tous savait qu’il était question. 

Baldwyn de l’Onyx, se tenait tel une statue de pierre. Son habituel regard de glace et sa rigueur immuable semblaient chauds et accueillant en comparaison de l’attitude actuelle du maître de l’ancienne maison royale. Immobile et droit, le vieux dokkalfar semblait en ce jour de deuil être taillé de marbre, si bien que la froideur de sa présence était tout à fait palpable. Toutefois, il était possible de percevoir une altération dans son habituelle prestance de givre. En effet, là où autrefois tous ne voyait qu’un fier Infidèle qui avait connu tant d’évènements maintenant relégués aux traités historiques, véritable vestige d’une Drasilhelm fière, puissante et crainte à travers Élode, il était aujourd’hui possible d’entrevoir sur les traits ciselés du Prince d’Ébène le passage du temps. Parangon de la Droiture drasihienne, le Patriarche semblait aujourd’hui un être vieux et fatigué, las des trépidations du quotidien, un individu qui avait tout connu, tout eu, et tout perdu. Un dernier Héros, seul survivant d’une génération dépassant l’entendement. Légendaire était l’amitié qu’il portait au Prince d’Azur, et tous le connaissant avait pour voir, depuis la fatidique nuit de juillet, l’ ge et le Temps s’affairer sur les lignes aquilines de son visage et filiformes de ses épaules. Flanqué de Josyah de Cornaline, épouse du défunt, et de sa fille de sang, celle qui avait quitté l’Onyx pour l’Obsidienne, Mallory, Baldwyn inspirait aux spectateurs désespoir et tristesse. Un être si chevronné, si puissant, si fier, aujourd’hui réduit à ce que tous imaginaient être le plus désemparé qu’ils ne le verraient jamais. Devant ce soudain apport d’attention, celui-ci se redressa doucement, avant de balayer la foule d’un regard si perçant que tous eurent la profonde impression d’avoir croiser directement son regard. Et, un à un, les invités flanchèrent tous devant l’oeil impérieux du Prince d’Ébène, reportant leur attention directement vers Irina, complaisante face à la réaffirmation d’autorité de Baldwyn. 

‘’Mais, au tournant de cette Ère, soyez sans crainte, Infidèles que vous êtes, Infidèles que nous sommes. Nous somme constance, nous sommes sagesse, nous sommes pureté. Notre règne en ce monde ne saura s’éteindre. D’autres s’élèveront et prendront la place des déchus, de ceux tombés face aux assauts du temps.’’

 À ces mots, telle une vague de chaleur venant réchauffer les coeurs meurtris et amorphes, l’assistance semblat se redresser. Les regards, autrefois mornes et tristes, recelaient maintenant une lueur. Fierté, espoir, arrogance et vaillance s’entremêlaient maintenant au sein des yeux des Infidèles rassemblés en cette occasions. 

‘’Soyez toujours aux aguets, voyez autant ce qui est que ce qui pourrait être. Hier, nous avons chèrement payé. Mais demain, nous récolterons le fruit de l’inattendu et de l’insolite. Nous foisonnerons là où les Fidèles nous croyaient incapables de fleurir!’’ Terminas la Sage Dame alors que les regards, animés par le discours, se tournaient lentement vers Siméon de Forgepuit, Ambassadeur de Langegarde. Sa présence aux funérailles du défunt Prince de Lazuli, assassiné par un agent clandestin d’origine langegardoise à peine quelques mois plus tôt, signifiait ce que plusieurs murmuraient dans les méandres de la Capitale. Après moultes complications et contre-temps, et malgré l’ardente contestation de Rubens de Lazuli, le Royaume de Drasilhelm avait réussit à sécuriser une paix solide avec la Théocratie de Langegarde, notamment grâce aux exploits diplomatiques de la Famille de Citrine ainsi que d’une coalition de Familles de la cour menée par l’Almandin et le Grenat Noir, sans oublier la ténacité exemplaire dont l’Oeil de Fer avait fait preuve dans ses efforts pour forcer la main aux Princes récalcitrants à l’idée d’une réconciliation avec la nation bradorienne. Toutefois, la présence de l’Ambassadeur, bien après la fin des négociations, semblait pointer au fait que son travail n’était pas encore achevé. 

Irina de Lazuli céda finalement le podium, et à sa place vint ensuite Cassiodore de Lazuli, venu spécialement de Rivesonge pour les funérailles de son Prince. Son air normalement jovial et serein aujourd’hui remplacé par l’étranglement d’un sanglot et la torture de la perte de son grand-oncle, le jeune Sculpteur d’Azure en devenir arborait une chemise d’un cyan éclatant, assortit d’un somptueux manteau de gris et d’or. Solennellement, il prit parole, sa voix trahissant la tristesse qui l’habitait. Entonnant un chant arcanique d’un  ge oublié, lentement, il fit s’illuminer les runes tracées à même le sol du Jardin. Graduellement, le vent jusqu’alors calme et paisible se leva, comme si, commandé par la voix cristalline du mystique, il cherchait à ponctuer les incantations occultes en faisant flotter les myriades de bannières en un rythme envoûtant. En un jeu de lumières s’agençant de manière hypnotique au crépuscule qui touchait à sa fin, teintant le ciel d’un bleu d’encre, épais et insondable, les cercles concentriques du jardin brillèrent de milles feux alors que le corps lentement s’enfonçait au sein du sol qui le verrait à jamais au repos. 

 Presque d’un mouvement commun, les spectateurs se levèrent, la cohésion de la foule se brisant en divers groupes de discussion, la politique drasilhienne mettant fin à sa pause respectueuse dans le cadre des funérailles de l’un des êtres les plus puissants et influents de Drasilhelm. Certains purent même entrevoir Rubens de Lazuli, récemment sacré Prince de la Principauté de Drasil, dans une discussion animée avec la calme et passible Irina, longtemps sa rivale pour le titre d’héritier de la Maison Princière. De même, d’autres, plus aux aguets, purent assister à la discussion à part entre Baldwyn et sa fille, Mallory, en compagnie de son amante, Josyah de Cornaline. Tout d’abord froid et coriace, à son habitude, un rare moment chaleureux vint réchauffer l’apparence du Prince. Ce dernier, mettant une main sur l’épaule de sa fille de sang, lui murmura quelque chose à l’oreille. Tout d’abord choquée par les paroles, un sourire chatoyant vint soudainement traverser le visage de la Dokkalfar qui se lança dans une étreinte légère et débordante de joie, ce à quoi le Prince répondit en enlaçant à son tour Mallory, un rare et mince sourire aux lèvres.

Chronique VI: Une Marche Libérée

Depuis la Chute de l’Empire Mévosien, le peuple de la Marche Exilée a toujours vécu divisé. Gouvernés par les familles héritières ayant guidé les Exilées à l’extérieur de la Brume de l’Empire, ceux-ci se sont longtemps mené la guerre durant le dernier siècle. Antérieurement, le seul moment dans l’histoire où les enfants de l’Empire ont été unis fut lors de la guerre de l’Exil, qui mena à la naissance et l’autonomie du territoire. Ce fut également à cette époque que les seigneurs protecteurs se divisèrent en tant que ducs et duchesses les différentes régions du territoire acquis. Possédant chacun leur propre vision de la gestion et du développement de leur peuple, le passage du temps divisa ces familles, autrefois rassemblées fièrement sous la bannière de l’Empire de Mévose.

Maintenant, en l’an 119 de notre ère, après avoir subi plusieurs conflits risquant la destruction du patrimoine même de la Marche Exilée, les duchés loyalistes se sont unis sous une même bannière. Les ducs vouant encore allégeance au peuple de la Marche entreprirent une campagne durant l’été afin d’unir les efforts de tous au sein de cette nation. Cette initiative ambitieuse fut menée en collaboration avec plusieurs regroupements à l’intérieur de chacun des duchés. Sans ces hommes et femmes du peuple, ces soldats et croyants de la liberté, la vision, des dirigeants de ces terres n’auraient été qu’un simple rêve, un songe perdu dans la Brume.

Ce n’est que durant les dernières semaines que le fruit du labeur fit son apparition dans les rangs des loyalistes. En effet, plusieurs duchés, encore instables jusqu’à ce jour, furent stabilisés par les Marcheurs. Au sein de Ravière, les Arbalétriers Visetois usèrent de leur réputation et manifeste talent dans l’économie afin de consolider le duché convoité par le Vigmark. En Durance et Valorie, se sont les efforts combinés des Vigiles du Conquérant, fiers porteurs de l’héritage du héros Langegard, de la Confrérie Halvard, protectrice des cyclaires marcheurs ainsi que de l’Ordre de l’Exil, les chevaliers de la Chimère qui surent ramener l’ordre et la stabilité. Bien certainement, plusieurs autres factions usèrent de leur influence afin d’appuyer le mouvement loyaliste, mais par leur volonté, ces quatre regroupements représentèrent le fer de lance de l’initiative.

Suivant ces efforts valeureux, à chacune des frontières de ses provinces maintenant sécurisées, des troupes d’élite se mirent à sillonner les forêts et montagnes, protégeant les portes d’entrée des duchés face aux envahisseurs. Selon les rumeurs, ses guerriers, les Chevaliers de Ronce, seraient tous des surhumains possédant la force et la vitesse équivalente à dix hommes. Ceux-ci n’appartenant à aucun ordre au duché préétabli, auraient voués de servir le peuple de la Marche Exilée, vouant serment aux ducs et duchesses encore en pouvoir. Plusieurs rumeurs circulent à leur origine, mais aucune ne semble pour le moment confirmée.
Avec les évènements récents dans l’ancien duché de Belfort, maintenant un rempart Stahliens, Danteigne devenu un Pilier de Langegard et Mésière, une province du Vigmark, Valorie, Chastel, Durance et Ravière, sont les seuls duchés qui unissent le peuple héritier de Mévose. Durant les semaines suivantes les actions d’éclat dans ceux-ci, des ménestrels se mirent à faire courir les nouvelles d’une éventuelle tablée des Ducs, qui seraient instaurés sous peu. Selon les rumeurs, cette tablée, comptant non seulement les Ducs des régions, mais les dirigeants des différents ordres de la Marche Exilée, se réunirait quatre fois par an, aux solstices ainsi qu’aux équinoxes. La première rencontre de la sorte aurait lieu lors de l’équinoxe d’automne, au Manoir de l’Aurore, présidé par nul autre que Sémont de Banffre, seigneur de Chastel.

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